Je tue les enfants français dans les jardins, de Marie Neuser

Une chronique de Catherine/Velda.

 "Je tue les enfants français dans les jardins," roman perturbant signé Marie Neuser

 Vous vous rappelez le roman de Thierry Jonquet, Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ? Il y était question d'une jeune prof victime d'antisémitisme et qui prend la défense d'un élève doué, mais qui vit dans des conditions épouvantables. Eh bien le roman de Marie Neuser présente un certain parallèle avec celui de Jonquet. Mais les lignes parallèles finissent par s'éloigner, car elle choisit de nous présenter le revers de la médaille, le côté sombre du métier de prof tel qu'on le pratique aujourd'hui dans certains établissements. Lisa essaie d'enseigner l'italien à une classe de 3e dans un établissement difficile de Marseille. Dans sa classe, comme dans beaucoup d'autres, une petite bande fait régner sa loi, avec à sa tête Adrami et Malik, deux jeunes imbéciles arrogants, odieux et violents pour lesquels Lisa constitue une proie de choix.

Soyons clair : ils lui rendent la vie impossible. Dans cette classe, un seul espoir : Samira, brillante et timide étudiante que Lisa aimerait bien aider à réussir. Si on lui en laisse la possibilité, et ça n'est pas gagné. De jour en jour, la vie de Lisa se met à ressembler de plus en plus à un enfer. D'incivilité en provocation, d'insulte en violence, la situation de vient de plus en plus tendue, et Lisa se lève le matin la boule au ventre à l'idée de quitter son appartement et son mari Pierre le libraire pour se rendre dans son collège où l'enseignement n'est plus qu'un prétexte et où elle passe le plus clair de son temps à essayer, en vain, de se faire respecter. Si encore elle pouvait compter sur ses collègues et sur l'administration... Cette dernière, sans courage et sans honte, la laisse royalement tomber, même lorsqu'elle est violemment agressée physiquement. Quant à ses collègues, cela fait longtemps qu'ils ont renoncé. Lisa a peur, et c'est intolérable. Lisa a la haine, elle n'éprouve plus que mépris et dégoût pour ces élèves qui, chaque jour, franchissent une limite de plus. Que va-t-elle choisir ? Le renoncement, la lutte ? Je vous laisse découvrir le choix de Lisa, et il ne va pas vous faire plaisir...

Ce roman dont on peut imaginer qu'il comporte une bonne part d'autobiographie, puisque Marie Neuser est enseignante, choisit délibérément la provocation et prend violemment position contre la bien-pensance, le conformisme du politiquement correct et la lâcheté généralisée. Ce faisant, l'auteur se place dans une situation ambiguë, audacieuse et dérangeante. Dérangeante pour nous, lecteurs, pour peu que nous nous intéressions un peu à la chose éducative, et plus généralement encore à la société dans laquelle nous vivons. Mépris de soi et des autres, violence, bêtise crasse, inculture revendiquée, culte de l'argent, vulgarité généralisée, machisme, persécution des plus faibles, sort des femmes dans certaines communautés : c'est à tout cela que nous confronte Marie Neuser, et c'est d'autant plus perturbant que son héroïne choisit pour s'en sortir une solution extrême, inavouable et pourtant finalement inexorablement logique... Tous coupables, tel est le message que nous jette au visage ce roman extrêmement perturbant. A nous de savoir ce que voulons faire de ce message, et c'est peut-être bien là le problème que pose ce roman: après nous avoir emmenés au-delà des limites, Marie Neuser se retire et nous laisse seuls face à l'insupportable.

Catherine/Velda (le blog du polar)

Je tue les enfants français dans les jardins
Marie Neuser
Editions l’Ecailler
163 pages ; 16 €