04/01/2012
La nuit de la dinde, de Serge Quadruppani
Une chronique d'oncle Paul
Jeanne avait pourtant compris la consigne de sa mère : ne pas ouvrir la porte à un étranger tandis qu’elle effectuait ses dernières courses à la veille de Noël. Mais comment résister lorsque le Père Noël en personne se présente, appelant Jeanne et ses frères et sœur par leurs prénoms, qu’il se recommande de maman et que surtout il ne faut pas déranger papa qui travaille à l’étage, tout ceci étant une surprise.
Une surprise assurément pour Patricia, la mère rentrant des emplettes, et pour Pierre, le père. Le père Noël, alias Gérard Soulier, un emprunt à la chanson immortalisée par Tino Rossi, veut s’emparer du contenu du coffre de la banque dont Pierre est directeur, car il sait que les recettes des hypermarchés de la région vont être transférées dans l’établissement. Le lendemain, il n’aura plus qu’à se servir.
En attendant il faut accueillir les invités, un boucher, sa femme et son fils, un libraire, sa femme et son employée, puis le docteur Boussarin. La fête programmée tourne rapidement au cauchemar pour ces invités qui découvrent en ce Père Noël d’opérette un dangereux convive.
Ancien directeur d’une société de sécurité, il a mis au point quelques logiciels et autres gadgets pour les surveiller nuit et jour. Dans sa hotte il a amené en guise de cadeaux des objets qu’il dépose sur la table, les invités devant reconnaître celui qui lui convient. Par exemple la clé d’une chambre d’un hôtel, lieu de rendez-vous réputé pour accueillir des couples échangistes.
Une plume de corbeau, allusion directe à un personnage rédigeant des lettres anonymes. Un livre, crime en col blanc, écrit par un juge célèbre pour avoir instruit des affaires financières véreuses. Un journal enquêtant sur des “ tournantes ”, une pratique pas seulement l’apanage des jeunes des banlieues. Etc. J’allais oublier, autres petits cadeaux : des ceintures explosives que Soulier peut à tout moment déclencher, si l’affaire tourne mal. Et pour entretenir la tension parmi tous ces participants pris en otages, il dispose de deux armes à feu, l’une factice, l’autre bien réelle. La nuit risque d’être chaude, d’autant que les cadeaux incongrus sèment la zizanie parmi les convives.
Un suspense en huis clos entretenu savamment par Serge Quadruppani qui ne lésine pas sur les effets spéciaux. La distribution des cadeaux par exemple s’effectue en plusieurs étapes, mais chaque erreur d’appropriation non seulement peut être préjudiciable à la santé de celui qui se reconnaît à tort, mais de plus permet de dévoiler plusieurs facettes de ces invités qui pensaient passer une agréable soirée.
Les enfants, surtout Jeanne, jouent un rôle prépondérant dans cette pièce de théâtre qui garde jusqu’à l’épilogue une forte tension. Un bon roman qui se lit avec plaisir et pourrait être adapté au théâtre sans pratiquement effectuer de retouches.
A lire également : la disparition soudaine des ouvrières, de Serge Quadruppani, une chronique d'Albertine.
La nuit de la dinde.
Serge QUADRUPPANI
Collection Suites N° 74,
éditions Métailié
2003. 168 pages
9,50€.
Présentation de l'éditeur
24 décembre 2002, Gérard Soulier, déguisé en Père Noël, sonne à la porte de P. Boutonnier, directeur de banque. Comme Patricia, sa femme, est sortie pour une course, c'est Jeanne, 11 ans qui a ouvert. Zoé et Julien, les jumeaux de 5 ans sont ravis. En fait Gérard va prendre en otage la famille et ses invités. Mais que cherche vraiment cet ancien dirigeant d'une société de sécurité, qui depuis neuf mois a utilisé toutes ses capacités techniques pour surveiller le groupe de personnes réunies autour de la dinde de Noël. Compte-t-il réellement dévaliser la banque au petit matin ou bien veut-il soumettre les convives à un pervers "jeu des cadeaux" qui leur fera avouer leurs secrets les plus honteux et les dressera les uns contre les autres? Finiront-ils déchiquetés par les bombes que le Père Noël leur a collées au corps ou bien Jeanne, l'enfant trop sérieuse, leur sauvera-t-elle la vie avec l'aide des amis imaginaires qui peuplent ses rêves?
Un roman à suspense, à l'intrigue solide et au charme insidieux.
08:26 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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