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02/08/2021

Arrêtez-moi là ! de Iain Levison (The Cab Driver)

Arrêtez moi là.jpgUne chronique de Cassiopée

Jeff Sutton est chauffeur de taxi. Il mène une vie tranquille, assez ordinaire. Il observe avec acuité la société et les personnes qu’il transporte (il explique entre autres que l’invention du téléphone portable a changé son métier, notamment parce qu’avant il devait faire la conversation et maintenant il écoute celle de ses passagers qi dès qu’ils sont assis prennent leur cellulaire…)

Un soir, il pénètre dans une maison avec la personne qu’il a accompagnée jusque-là, simplement parce qu’elle n’a pas assez d’argent pour le payer. Puis il transporte gratuitement (c’est sur sa route) deux jeunes filles éméchées dont l’une vomit dans son véhicule. Il récupère l’argent chez la première dame, nettoie après le passage des étudiantes et rentre chez lui. Fin de l’histoire ? Et bien, non.

Alors qu’il s’apprête à aller boire une bière avec un ami, la police sonne à sa porte. Il est arrêté. Il ne comprend pas, proteste et explique qu’il n’a rien fait, il était au boulot. Justement chez qui est-il allé ?  Qu’il ne fasse pas celui qui ne comprend pas, il sait bien. Il se révolte, se tait, ne sait plus que faire. Personne ne l’écoute, il est accusé, condamné. Au Texas, la loi n’exige pas qu’il y ait un corps pour accuser un suspect de meurtre…. Et oui, c’est comme ça et cela explique que le pauvre Jeff se retrouve dans le couloir de la mort avec un avocat, commis d’office, peu motivé. Il n’est pas coupable, le lecteur le sait. C’est juste un concours de circonstances, des faits mal interprétés suite à ces deux dernières courses en taxi.

Bien sûr, Jeff espère s’en sortir très vite, sa bonne foi va être prouvée et tout cela sera derrière lui… Mais non, le système est tel qu’il est enfermé, il devient un numéro, c’est comme s’il n’existait plus. Il est derrière les barreaux.

« Mon séjour ici me dépouille peu à peu de mon humanité et de mes émotions. »

Il n’y’ croit plus.

« [….] la terreur et l’égarement de ce jour-là ont disparu, pour être remplacés par colère morne et désillusion. »

Il y aurait beaucoup à dire sur l’application de la justice au Texas et en Amérique. L’auteur le fait avec brio et intelligence par l’intermédiaire de son récit. Il montre les dérives, et ce qui en découle. Il présente l’atmosphère de l’univers carcéral où l’homme devient transparent pour la plupart des gardiens. Malgré tout il n’est pas invisible pour les codétenus, il se doit d’être vigilant. Certains n’ont plus rien à perdre…..

On découvre comment Jeff prend les événements, ce qui change au fil du temps. Entre autres, l’espoir qui finit par devenir un poison. (Ne jamais penser « Si jamais je sors d’ici… »). Il essaie d’éviter les affrontements, de survivre.

La place des médias, les investigations bâclées, le fait que personne n’écoute vraiment Jeff, tout est savamment disséqué. L’essentiel, c’est bien d ‘avoir un fautif non ? Comme ça on se frotte les mains, on a fait du bon boulot et la vie continue…enfin pas de la même façon pour tout le monde.

Je suis de plus en plus fan de Iain Levison. Je trouve son écriture percutante (merci à sa traductrice que j’aurais aimé rencontrer aux quais du polar 2021 lorsque j’ai vu l’auteur). Il ne manque jamais d’humour et de dérision. Avec des faits ordinaires, il analyse le comportement des uns et des autres et les conséquences que cela entraîne. C’est très juste, pointu et finement exprimé. Et tellement vrai !

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fanchita Gonzales Batlle
Éditions : Liana Levi (3 mars 2011)
ISBN : 978-2867465659
260 pages

Quatrième de couverture

Charger un passager à l'aéroport, quoi de plus juteux pour un chauffeur de taxi? Une bonne course vous assure une soirée tranquille. Ce soir-là, pourtant, c'est le début des emmerdes... La cliente n'a pas assez d'argent sur elle et il vous faut attendre dans sa maison pourvue d'amples fenêtres (ne touchez jamais aux fenêtres des gens !). Puis, deux jeunes femmes éméchées font du stop. Mais une fois dépannées, l'une d'elles déverse sur la banquette son trop-plein d'alcool et la corvée de nettoyage s'avère nécessaire (ne nettoyez jamais votre taxi à la vapeur après avoir touché les fenêtres d'une inconnue !). Après tous ces faux pas, comment s'étonner que deux policiers se pointent et vous demandent des comptes ?