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27/03/2016

Surtensions, d'Olivier Norek

surtensions.jpgUne chronique de Paco

"Un polar qui fait mal", parole des tripes, et d'un flic

En 2013, je découvrais l'écriture d'Olivier Norek avec "Code 93" - ma chronique -, qui nous plongeait dans les cités parisiennes avec un réalisme bluffant. L'auteur est flic; ça aide à y voir clair - c'est certain-, pour se plonger dans l'écriture d'un polar.

En 2014, Olivier Norek nous plaçait entre les mains "Territoires" - ma chronique -, qui n'a pas manqué de capter toute mon attention, principalement grâce à son personnage principal, le capitaine Victor Coste. Un flic vrai et intègre, un chef de groupe qui a compris que la cohésion d'une équipe soudée est l'essence-même de la réussite et du maintien de l'âme malmenée d'un flic. Cette fois-ci, cette cohésion indispensable et même cette fraternité seront plus que nécessaires.

Le vif du sujet? Nous passons ici directement par la case prison. C'est en suivant les méandres d'une "ville-prison" que nous embarquons dans ce polar. 5000 détenus, 5000 personnes entre quatre murs, purgeant leur peine, attendant impatiemment le grand jour de la liberté. Pressions, abus sexuels, humiliation, gros black gonflé et boosté à la testostérone, incendie de cellule, voici quelques aspects assez clichés, mais aussi réels, bien sûr, qui ressortiront lorsqu'on s'approchera un peu plus de certaines cellules.

Nous sommes en France, mais c'est un peu une prison à l'américaine ou à la mexicaine qui nous est dépeinte par l'auteur. Les détenus font un peu la loi - étant donné qu'ils n'ont jamais réussi à la respecter... - et les gardiens sont juste là pour donner un peu de crédit à l'usage de cet endroit.

La loi du plus fort. Celui qui saura s'imposer et se faire respecter sera celui qui aura le moins mal au cul. L'auteur décrit assez bien cet univers carcéral basé sur un élément fondamental: tu es seul au monde, occupe-toi de tes affaires, évite les emmerdes et tu auras une petite chance de passer entre les gouttes.

Évidemment, nous allons ensuite sortir de cette prison et ainsi voir un peu ce qui s'y passe à l'extérieur. Une évasion plus ou moins légale, plutôt moins que plus, sera organisée pour faire sortir un détenu, un jeune Corse incarcéré suite à une attaque dans une bijouterie. Le premier attrait demeurera ici: celui qui coach tout ceci, un avocat, jouera semble-t-il un double jeu.

Nous nous dirigerons également vers une autre affaire, une histoire d'enlèvement, de rançon, et par la même occasion nous rencontrerons notre fameuse équipe du SDPJ du 93, le groupe Coste.

Dès cet instant, une première course contre la montre démarre et le titre du polar prend un sens certain: nous passons le cap qui mène à la surtension. Ce survoltage ne m'empêchera pas pour autant de réfléchir un peu et, à ce stade, essayer de comprendre quel est le lien qui relie cette course effrénée au volet de l'histoire qui claque dans cette fameuse prison dont j'ai parlée avant. Le lien, bien sûr, se nouera un peu plus tard, l'auteur nous expliquant tout cela avec un début d'enquête menée avec une précision qui rendrait jaloux un horloger helvétique. Peut-être la course contre la montre qui veut ça...

Les enchaînements sont fluides, cela fonctionne bien, la machine pilotée par Norek n'est pas prête de s'arrêter. L'enquête démarre sérieusement, c'est du live, ça part dans tous les sens, on veut participer, c'est franchement jouissif.

L'auteur traite plusieurs aspects qui m'ont marqué par leur efficacité, à savoir une prise d'otages à domicile, avec une touche de syndrome de Stockholm, ou encore un vol en bande d'une grande maîtrise. Deux points qui m'ont spécialement séduit. Concernant ce vol, particulier, des conséquences irréversibles se répercuteront jusqu'au fin fond des cellules d'une prison. Une injustice pour certains, pour nous, une dure réalité.

Une affaire peu banale, heureusement, mais encore une fois plausible. Qu'elle le soit vraiment prouverait qu'il y a forcément quelques bugs au niveau de la sécurité du secteur judiciaire. Mais de toute évidence, je n'en dirai pas plus.

Comme dans ses précédents polars, l'auteur nous emmène dans les cités du 93, un voyage pas vraiment agréable, mais une virée qui nous laisse la possibilité de réfléchir la moindre. Ça craint, c'est désespérant de voir tous ces désespérés qui tentent de garder la tête hors de l'eau en foutant un bordel pas possible. Nous en côtoierons quelques-uns, ce qui nous permettra d'y voir un peu plus clair. Autrement dit, nous constaterons qu'il n'y a plus grand chose à faire à part peut-être compter les morts.

Nous essayerons aussi, peut-être, de voir tout ceci sous un angle neutre et tenter de comprendre. Pour ma part, j'arrive à le faire, mais ce n'est pas pour autant que je vais aller plus loin dans cette espèce de mansuétude. Olivier Norek, dans cette histoire, place un peu d'humanité vis à vis de ces petites ordures, une fraternité, de l'honneur, un sens des responsabilités familiales, mais cela reste intolérable, évidemment.

Est-ce qu'Olivier Norek serait capable d'aller dans le trash pour bien nous expliquer la réalité des choses? Oh que oui. Le lecteur n'oubliera jamais l'un des passages de ce bouquin, un thème ô combien réel, ô combien dérangeant! Je vous laisserai le découvrir par vous-même. J'ajoute tout de même que c'est du trash suggestif, mais n'est-ce pas parfois encore plus lourd à supporter?

Concernant l'aspect purement flic, j'apprécie énormément la forme, à savoir le style qu'utilise Olivier Norek pour nous placer au centre de ce polar, respectivement au sein des enquêteurs. Je ressens pleinement cet atmosphère de flics, la vraie, celle que tu ne peux pas transmettre aux autres si tu n'es pas de l'intérieur, même en trichant. L'émotion flic est là, mais aussi les techniques de flics, les petits trucs qui semblent tellement anodins, soit toutes ces petites choses qui te font tilt à tout moment lorsque tu es flic toi-même.

Cet aspect-là, pour moi, il vaut de l'or.

L'auteur ne manquera pas non plus de nous faire remarquer que les flics sont des êtres humains - eh oui ... -, qu'ils ont une conscience, une âme et surtout un cœur. L'équipe du commandant Coste sera un bon exemple pour le démontrer. Face à l'horreur, la pression ou la peine, chaque homme flanche un jour ou l'autre, à des degrés différents, bien sûr. J'ai apprécié un point important sur lequel s'est penché l'auteur, à savoir l'usage de l'arme. Ses répercussions liées à la procédure, inévitable, mais aussi au niveau émotionnel, inévitable aussi. Très bien amené.

Coste représentera bien cet état de fait, l'usure peur "tuer" un homme, vous le verrez par vous-même.

Et puis évoluer dans ce roman c'est monter de plusieurs crans à tout moment, pas forcément en tension - quoique -, mais surtout en intensité et en subtilité. L'enquête, qui démarre sur plusieurs fronts, rapproche ses tentacules page après page pour les entremêler ensuite à l'infini. Tout ceci avec un rythme qui n'en démord plus, qui ne nous lâche plus les fesses tel un chien enragé.

C'est précis, clair et très cohérent. L'enquête est, encore une fois, d'un réalisme à toute épreuve (l'auteur est flic, on ne s'attend pas à moins!). L'adversaire est coriace; lorsque la Corse entre dans le jeu, les langues se nouent, les mots disparaissent, les gens aussi d'ailleurs, et même une tombe paraîtrait trop bavarde face à ces natifs de l'Ile de beauté. Olivier Norek respecte à merveille cette réputation de famille corse ne prenant aucun risque, à part celui de tomber sur un flic comme Victor Coste (et son équipe).

Un joli duel! Une dure réalité...

Mais voilà, je vous ai dit que l'auteur nous déballait un récit hautement réel et d'une crédibilité à toute épreuve. Et la réalité, elle n'est jamais toute belle. Cette histoire, elle nous crève le cœur, surtout quand on a l'âme d'un flic. Œil pour œil, dent pour dent: la loi du Talion est parfois injuste et utilisée d'une manière totalement erronée! Mais quand les règles sont fixées par le destin, il n'y a plus de justice!

Il y a des choix dans la vie qu'on ne devrait jamais être amené à faire, il y a des personnes au-dessus des lois qui devraient avoir honte d'exister, il y a des personnages qui ne mériteraient pas d'être sur cette Terre - ni ailleurs -, tellement ils donnent envie de vomir. Dans ce polar, des êtres humains sont confrontés à d'autre êtres humains, et c'est déjà le début d'une histoire complexe, le début des emmerdes, finalement... C'est l'histoire de l'Homme en société.

Paco (Passions romans, le blog de Paco)

"Surtensions", d'Olivier Norek
Editions Michel Lafon / 2016
508 pages