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11/04/2011

Les ronds dans l'eau, de Hervé Commère

commeredesrondsdansleau.jpg Une chronique de Christine

Le hasard ! Non, pas Thierry, avec un « Z » comme dans « Zoulou qui danse le Jerk », mais le hasard. Celui qui fait que chaque instant de notre vie ressemble à une route pleine de carrefours. Mais non, enfin ! Pas les grandes surfaces. Quoique. Finalement, pourquoi pas ? On part avec une liste de courses, et on revient avec un caddy plein de babioles en plus. Parce qu’en flânant au hasard des rayons, nous avons vu la tourniquette à vinaigrette dont nous rêvions depuis si longtemps, ou l’indispensable pistolet à gaufres qui manquait à notre arsenal culinaire.

Alors le hasard faisant bien les choses, nous allons enfin avoir de quoi assaisonner somptueusement nos salades et faire plein de délicieuses pâtisseries.

Hélas, le hasard n’étant pas toujours bien attentionné, le résultat se mesurera très vite en kilos excédentaires qui s’accrocheront bien sûr là où c’est le moins gracieux.

Le hasard, et ses multiples conséquences…

Un jour, tu verras, on se rencontrera, quelque part, n’importe où, guidés par le hasard… *

Une bande de cinq amis : Jean et Jacques Trassard, Paco, Albert et Oscar. Âgés d’une vingtaine d’années dans les années 70, ils ont réalisé un gros coup : le vol d’une toile de maître au domicile de John Costano, un riche propriétaire américain. Insouciance, naïveté de la jeunesse ? Ils ignoraient que John Costano était l’un des plus gros trafiquants de drogue de la côte Est des États-Unis. Et que le petit message sibyllin « be sure you’ll die for that » mis dans la valise contenant le million de dollars en échange de la toile allait sonner le glas de l’insouciance. Les cinq amis décident de rompre tous les liens qui les unissent, et de ne plus se voir, à part une fois par an si cela leur est possible.

Dispersion dans la nature.

Chacun reprend le cours de sa vie.

En croisant les doigts et en faisant de préférence profil bas pour ne pas que la vengeance de Costano les rattrape.

Jacques est désormais un retraité comme les autres, un anonyme dans la foule. Mais le passé va se rappeler à son bon souvenir en la personne de Chloé Lavigne, une jeune journaliste très, très bien renseignée. Trop, beaucoup trop bien renseignée. Adieu la tranquillité ?

Pendant ce temps, Yvan, un jeune serveur, découvre avec stupéfaction le visage et les courbes affriolantes de Gaëlle dans une émission de télé-réalité. Gaëlle, son grand amour. Gaëlle qui, 6 ans auparavant, lui brisé le cœur lorsqu’elle a mis fin à ce qu’elle considérait comme un flirt de vacances. Et Gaëlle qui va maintenant piétiner ses souvenirs et jeter ses lettres d’amour en pâture au public pour augmenter sa cote de popularité et « passer en semaine suivante ».

Il n’en est pas question ! Yvan ne peut le supporter et décide de tout tenter pour récupérer ses lettres avant qu’il ne soit trop tard.

A priori, rien ne pourrait laisser supposer que ces deux histoires pourraient se croiser.

Mais

 Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien ; et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut…**

Une histoire qui commence comme une histoire de petits truands avec les yeux plus gros que le ventre. Ou comme la vie d’un banal amoureux éconduit.

Des personnages qui apprennent vite que chaque acte, chaque décision, n’est pas sans conséquences…Il y a toujours un prix à payer, agréable ou non.

Dans le jeu des « Et si… ? » on ne tire pas toujours une bonne pioche.

La narration se fait à tour de rôle, en passant du point de vue de Jacques à celui d’Yvan. Les choix qu’ils ont faits, les rencontres, les circonstances, et les petits clins d’œil du destin qu’on pourrait qualifier de hasard faute d’en connaître la cause.

Petits clins d’œil, petits grains de sable dans les rouages de la routine… ou énorme caillou dans la chaussure ?

C’est rythmé, les rebondissements et révélations s’enchaînent de manière plaisante et palpitante, l’auteur maintient le suspense et on se prend au jeu de piste qu’il nous propose. Entre passé et présent des personnages se tisse une intrigue plutôt bien faite et prenante.

L’image des ronds dans l’eau est on ne peut plus évocatrice. Un petit geste, un petit « plouf » dans l’eau, un acte qui n’existe déjà plus mais qui crée des ondes qu’on ne peut guère maîtriser.

Il s’agit donc d’une intrigue rondement menée, avec pour axe central ce qu’on nomme « hasard », les détails, sur tout ce qui fait que les vies vont dans un sens plutôt qu’un autre, sans savoir encore que tôt ou tard quelques remous viendront, avec un petit air de « Ah... si j’avais su… »

Hasards et conséquences suffisaient très largement pour faire un bon roman policier. J’y apporterai le bémol qu’il aurait peut-être fallu en rester là, sans ajouter de strate supplémentaire (et pour moi superfétatoire) avec un Deus ex Machina. Mais je n’en dirai pas plus pour ne pas déflorer l’intrigue.

Et puis, ce n’est que mon avis !

Vous allez peut-être adorer les avant-dernières pages !

Quoi qu’il en soit, un roman très agréable et un bon moment de lecture.

 

* Mouloudji

** Jacques le fataliste et son maître ; Diderot

Christine 
(Blog : Bibliofractale )

Les Ronds dans l’eau
Hervé COMMÈRE
Fleuve Noir (Thriller)
282 pages ; 18 euros

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