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14/04/2011

Double hélice, de Kleinmann et Vinson

doublehelice.jpgUne chronique de Jacques

Après Bistouri blues qui s’est vu décerner le prix du roman d’aventures 2007, Kleinmann et Vinson signent ici leur deuxième roman, toujours aux éditions du Masque. Il s’agit d’un roman volontairement inclassable, mêlant tout à la fois aventure,  science fiction, polar  et roman scientifique d’une façon échevelée et habile.

Le point de départ de nos deux auteurs est simple : ils reprennent la vieille idée du voyage vers le passé. La complexité de leur récit vient de la façon dont ils utilisent ce procédé de « retour vers le passé ». Ils ont en effet un triple objectif : nous faire voyager  entre le début de la renaissance et notre époque en créant ainsi un effet déstabilisateur aussi  dépaysant que stimulant ;  nous apporter une somme de connaissances précises, aussi bien historiques que scientifiques (essentiellement médicales, mais pas seulement) ; inscrire la trame « policière » du roman dans une longue durée (cinq siècles), ce qui la rend pour le lecteur plus difficile  à démêler et même simplement à suivre. Autrement dit, ils veulent divertir et amuser tout en apportant des connaissances.

Ils s’inscrivent ainsi dans la lignée d’Umberto Eco et de son polar médiéval le nom de la rose. Alors que Eco apportait aux lecteurs curieux une somme de connaissances précises sur la philosophie, la théologie et l’histoire du Moyen-âge, Kleinmann et Vinson utilisent  leurs savoirs scientifiques et historiques, en particulier  sur  l’histoire des sciences de la Renaissance à nos jours, comme un des fils conducteurs essentiels du roman. C’est ce procédé parfaitement mis en œuvre qui avait valu un tel succès au premier roman d’Umberto Eco.

Puisqu’il y a  une forte proportion de lecteurs qui sont demandeurs de ce genre là, se sont (peut-être) dit Kleinmann et Vinson, offrons leur ce qu’ils attendent.  Plus facile à dire qu’à faire : il suffit de se souvenir d’un autre roman d’Umberto Eco  le pendule de Foucault , qui utilisait le même principe que  le nom de la rose, mais dont le résultat n’était pas à la hauteur du premier. Trop de longueurs, des fiches de lectures mal digérées, incorporées de façon maladroite à la trame romanesque. Le résultat a été un roman plutôt ennuyeux, pour ne pas dire franchement raté, que seul  l’immense succès du livre précédent a sauvé (commercialement parlant).

Comment  Kleinmann et Vinson se sont donc sortis  de leur projet ambitieux ?

Tout d’abord ils ont eu l’astuce de choisir comme héros de l’histoire un personnage de grand chirurgien et scientifique de notre époque, Joshua Adam Lenostre. Celui-ci a disparu dans un incendie criminel dans lequel un de ses collègues est mort. Ils faisaient des recherches sur les liens entre la génétique et le cancer,  étaient sur le point de découvrir un procédé de séquençage du génome qui aurait permis des avancées considérables dans la guérison de la maladie. Le lecteur comprend que la double hélice du titre est celle de l’ADN, qui est au cœur de la partie scientifique du roman. Il apprend aussi que Joshua n’est pas mort dans l’incendie mais a été mystérieusement transporté à une autre époque, au tout début du XVI ième  siècle.  Il va y écrire un journal que son fils Samuel, étudiant en  biotechnologie,  va être amené à lire cinq siècles plus tard. Joshua, scientifique de haut niveau, va pouvoir faire bénéficier la Renaissance de nos connaissances actuelles.  Il va aussi rencontrer les plus grands scientifiques et médecins de son temps : Ambroise Paré, Paracelse, François Rabelais, Léonard de Vinci… tous sont là, présents dans le roman, et partagent leurs savoirs avec nous pendant que Joshua tente de leur inculquer ceux de notre époque.

Remarquable traité de vulgarisation scientifique, le roman aborde de façon précise, amusante et simple, toutes les grandes avancées de la médecine et de la biologie. Et parce qu’il faut bien s’amuser un peu (on sent que c’est la motivation principale des auteurs), le lecteur découvrira comment certains   des progrès scientifiques d’antan  seront en réalité initiées par Joshua. Ce que les livres d’histoire nous avaient soigneusement caché jusqu’à aujourd’hui.

Le roman alterne entre  époque contemporaine, dans laquelle Samuel, aidé par le sympathique commissaire Hugo Gotlieb, tente de comprendre les causes de la disparition de son père (véritable enquête policière qui va amener, classiquement, à la découverte du coupable à la fin du roman), et les années 1512/1566.  Les auteurs réussissent à combiner très habilement l’intrigue policière avec une documentation impressionnante sur la médecine  dans les années 1500.  Le livre est  riche d’informations scientifiques et culturelles diverses et  le suspense est maintenu tout le long de l’histoire : de ce point de vue, la réussite est totale.

Le foisonnement des personnages et des situations,  qui constitue  une des forces  du roman, représente  parfois un handicap pour la lecture : il y a tant de personnages que certains d’entre eux sont présentés de façon superficielle, trop rapide. Il y a tant d’évènements divers que le lecteur en a parfois le tournis.

Mais le résultat final est tout de même une vraie réussite. Le lecteur ne s’ennuie pas une minute. Les  aspects documentation, enquête policière et  aventure, s’intriquent d’une façon remarquablement fluide.

La chute de Double hélice,  plus précisément sa dernière phrase, ne constitue pas une surprise pour le lecteur. A votre avis, sous quel nom  de personnage célèbre du début  de la Renaissance, Joshua Adam Lenostre, qui connait parfaitement les évènements des cinq cents années à venir, pourrait-il être connu de nos jours ? Je suis sûr que vous brûlez… Mais ce clin d’œil au lecteur est amusant et sympathique, tout comme l’ensemble de ce livre, qui allie les fantaisies  d’une imagination débridée à une grande cohérence  dans le scénario.

 

Présentation de l'éditeur

Le lendemain de ses vingt-trois ans, Samuel, étudiant en biotechnologie, reçoit un pli en provenance d’une étude de notaires italiens. A l’intérieur, une lettre de son père, le docteur Joshua Adam Lenostre, qui lui donne rendez-vous dans les bureaux de Maître Ricci à Venise.

 Premier signe de vie de ce chirurgien, mort devant ses yeux d’enfant, onze ans plus tôt lors de l’incendie de son laboratoire de recherche de l’Institut Curie. Le laboratoire était alors à l’aube d’une découverte thérapeutique majeure. Samuel Lenostre, intrigué, se rend à Venise où Maître Ricci lui remet un opuscule intitulé « Voyage à Gênes ». Son père semble être l’auteur de ce journal intime qui relate le quotidien d’un médecin du 21ème siècle projeté à la fin du Moyen Âge, à l’époque d’Ambroise Paré et de Paracelse.

 Comment survivre à l’aube de la Renaissance avec simplement ses connaissances et ses deux mains ? Comment protéger sa famille d’un criminel prêt à tuer pour un brevet ? Comment aimer ses enfants de si loin ? Comment faire quand le temps presse et que l’on n’a que cinq siècles devant soi… 
Entre les lignes de ce texte incongru et auquel personne ne donne foi, Samuel Lenostre, épaulé par sa sœur Julie et le policier Hugo Gottlieb, va suivre la piste qui mènera à son père, au traitement révolutionnaire du cancer et au criminel à l’origine du drame.

 L’enquête se révélera particulièrement ardue car le mal et la cupidité suivent évidemment le même chemin

  • Poche: 414 pages
  • Editeur : Le Masque (20 avril 2011)
  • Prix : 17,50 €