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Tempête blanche, de Preston&Child
Une chronique de Paul.
Que d'os, que d'os...
Dur de trouver un sujet de thèse, surtout lorsque le tuteur rechigne à vous faciliter le travail. Corrie Swanson, est étudiante à l'Institut John Jay de justice criminelle. Après avoir essuyé deux refus, pour des raisons fallacieuses de la part de son tuteur, elle trouve enfin un sujet grâce à l'archiviste de l'établissement.
Celui-ci extirpe d'une pile poussiéreuse une photocopie du journal de Conan Doyle dans lequel le médecin romancier narre une rencontre avec Oscar Wilde. Au cours du repas, l'auteur du Portrait de Dorian Gray lui fait part d'une histoire incroyable dont il a eu connaissance lors de sa tournée de conférences américaine et plus particulièrement à Roaring Fork dans le Colorado. Onze prospecteurs auraient été tués et dévorés dans un campement par un grizzli. Or le matin même l'archiviste a lu un article dans le Times qui annonce le déplacement des cercueils du cimetière historique de la station de ski dans un hangar, en attendant de trouver un autre lieu plus éloigné, la nécropole ayant été déclarée comme terrain constructible.
L'étude des lésions animales comparativement à celles provoquées par un être humain sur des cadavres pourrait faire avancer de façon significative la recherche en matière de police scientifique. Un sujet en or qui est aussitôt accepté par le tuteur qui ne peut refuser une telle démarche, et Corrie en informe son protecteur Aloysius Pendergast, inspecteur du FBI, actuellement en congé sabbatique sur la Côte d'Azur.
Dans quelques semaines ce sera Noël et Corrie se rend immédiatement à Roaring Fork qui s'épanouit sous la neige. Les riches touristes sont arrivés en nombre afin de profiter des joies du ski ou tout simplement de leurs somptueuses résidences secondaires, voire tertiaires. Elle obtient un entretien avec Stanley Morris, le chef de la police. Il écoute avec intérêt sa demande, l'emmène au hangar où sont rangés les quelques cent-trente cadavres placés dans des boites plastiques et lui en indique une contenant le cadavre de l'un des prospecteurs d'argent. Corrie est emballée, commence à examiner les os et remarque quelques traces suspectes. Elle doit entamer ses travaux proprement dits dès le lendemain, mais déception, Stanley Morris lui refuse l'accès. Madame Kermode, la responsable de l'agence qui doit aménager le terrain en futures constructions, agrandissant le territoire des Heights, une immense propriété privée, a signifié son refus. Un coup dur pour Corrie qui décide de s'infiltrer clandestinement et de nuit dans le hangar. En attendant elle se rend à la bibliothèque municipale, un endroit de rêve qui n'est guère fréquenté, tenu par un jeune homme, Ted Roman, qui lui fait quelques avances.
Corrie s'infiltre donc dans le hangar et procède à ses relevés. Elle remarque des éraflures probablement provoquées par un couteau et sur la chair qui reste, des morsures. Mais ce n'est pas la denture d'un grizzli qui en serait responsable, plutôt des mâchoires humaines. Elle est surprise par des policiers et enfermée dans une geôle, confortable certes, en attendant son procès qui ne laisse aucun doute sur son issue. Pour profanation de cadavres, un comble alors que ce n'est pas elle qui les a exhumés dans le but d'agrandir le domaine, elle encourt dix ans de prison. Le pauvre Stanley Morris n'y peut rien, c'est madame Kermode qui dirige la cité.
Lors du procès, un homme mystérieux, pour l'assemblée mais le lecteur reconnaitra aisément Pendergast qui est revenu de son séjour français, démoli tous les arguments avancés par le procureur qui ne fait qu'abonder dans le sens de madame Kermode. Et pour faire bon poids bonne mesure, il fait venir à la barre un témoin de dernière minute, la capitaine Stacy Bowdree de l'US Air Force, une lointaine descendante de l'un des cadavres. Madame Kermode est prise à son propre piège car si elle affirme avoir recherché, en vain, des descendants des prospecteurs, elle n'avait pas vraiment fouillé les actes généalogiques. Non seulement Corrie est libérée mais elle peut continuer ses relevés auprès du cadavre d'Emett Bowdree sans être importunée.
D'autre événements perturbent la richissime petite station de Roaring Fork. Un chalet est incendié, et quatre cadavres sont trouvés à l'intérieur. Dont celui de Jenny, la jeune stagiaire de Stanley Morris. Un expert en incendie est dépêché sur place, mais ses conclusions ne satisfont pas Pendergast qui procède à ses propres investigations, muni du précieux sésame du badge d'enquêteur du FBI. Et ses conclusions le mènent à affirmer qu'il s'agit bien d'un incendie criminel. D'autres incendies se déclarent un peu plus tard, mais les habitations sont toujours éloignées et à l'opposé des Heights.
Tandis que Pendergast se rend à Londres pour vérifier auprès d'un ami holmésien une hypothèse, Corrie se sent suivie, et un individu tire même sur sa voiture, étoilant le pare-brise. Ce n'est que le début de ses tracas qui vont aller en augmentant.
Si toute l'histoire actuelle tourne autour de Corrie, Pendergast tient néanmoins un rôle prépondérant dans cette énigme qui prend son origine dans le passé, avec l'assassinat des prospecteurs cent-cinquante ans environ auparavant. Les recherches effectuées par Pendergast l'amènent à retrouver un manuscrit inédit de Conan Doyle qui délivre une partie de la solution et lui fait entrevoir la vérité. Mais ce sont bien plusieurs affaires qui s'imbriquent dans ce roman qui oscille entre avant-hier et aujourd'hui. Preston & Child nous proposent même une nouvelle apocryphe mettant en scène Sherlock Holmes.
D'ailleurs il existe de nombreuses similitudes entre Pendergast et le célèbre détective. Grand, d'une pâleur extrême, les cheveux d'un blond presque blanc, des yeux couleur de glace, vêtu d'un costume noir d'excellente coupe, Pendergast mène ses investigations tout comme Sherlock Holmes. Il possède dans les nombreuses poches de son long manteau toutes sortes d'objets, dont une pince à épiler, qui lui permettent de prélever de menus débris, de les analyser, de les examiner avec une loupe.
Les références littéraires sont nombreuses, tournant toujours autour de la période de la seconde partie du XIXème siècle. Et les auteurs fournissent même une explication logique, à défaut d'être véritable, au comportement du Chapelier fou, personnage d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.
Un roman foisonnant qui oscille entre classicisme et modernité dans lequel angoisse et frissons sont garantis. Ce qui m'incite à lire les précédentes oeuvres de ce duo, que j'ai négligé, peut-être par préjugé.
Paul (les lectures de l’oncle Paul)
Tempête blanche
Preston & Child
Traduction de Sebastian Danchin
Edition L'Archipel.
Parution le 14 mai 2014.
432 pages. 23,95€.
25/05/2014 | Lien permanent
Tempête blanche, de Preston & Child (chronique 2)
Une chronique de Cassiopée.
Méfiez-vous du mercure qui dort…
Londres, 1889 : une conversation entre Oscar Wilde, le docteur Arthur Conan Doyle (et ses romans et écrits) et quelques autres convives….
De nos jours, dans le Colarado et plus précisément à Roaring Fork une station plutôt chic d’à peu près deux mille habitants, dont la plupart ont un porte-monnaie bien garni.
Le point commun ? Une jeune fille, Corrie Swanson, que l’inspecteur Aloysius Pendergast, héros récurrent de notre binôme écrivain, a pris en affection.
Pourquoi ? Un sujet de thèse. Trouver le thème d’un mémoire est toujours un événement particulièrement délicat. Il faut le faire accepter par les tuteurs, puis faire des recherches conséquentes avant d’arriver à la rédaction.
Corrie, qui n’a pas froid aux yeux, a obtenu l’accord de la faculté pou aller examiner à Roaring Fork les dépouilles de onze mineurs morts en 1876, dans le but d’approfondir l’ostéologie (étude des os, des squelettes, des dents) criminelle à laquelle elle souhaite se consacrer. Cela tombe bien, les corps ont été exhumés dans le but d’être déplacés pour un projet de construction de club house et compagnie. C’est donc l’occasion rêvée.
Un peu tête brûlée et joliment têtue, notre étudiante se rend sur place et « brut de décoffrage » comme le sont parfois les jeunes, elle ne va pas tarder à se mettre la mairie, la police et autres partenaires du coin à dos….
Se heurtant à beaucoup de difficultés, opiniâtre et pugnace, Corrie avance doucement, recule, repart, se trouve face à des obstacles qu’il faut surmonter tant bien que mal. Mais il n’y a pas que ça. Il se passe des choses pour le moins bizarres à Roaring Fork. Comme quoi, l’argent n’apporte pas que le bonheur. Bien qu’elle préfère se débrouiller comme une grande et qu’elle n’aime pas qu’on se mêle de ses affaires, les prospections de Corrie font faire sortir de sa retraite Aloysius Pendergast. Il la rejoint pour jeter un œil… Et puis, il va rester …. Car cet homme est attiré, comme par un aimant, par les situations tordues et dangereuses qu’il n’a de cesse d’analyser et de comprendre…. C’est comme cela qu’il se retrouvera à aider (de loin) la jeune thésarde, glissant ça et là, quelques idées et documents.
D’une écriture fluide, rythmée, mêlant habilement le présent à des éléments du passé (parfois par des écrits), les auteurs emportent le lecteur dans un tourbillon qui cessera une fois le livre refermé. Il faut reconnaître qu’ils savent se renouveler et ceci n’est pas une petite qualité tant les ouvrages avec Aloysius Pendergast sont nombreux. Je ne sais toujours pas comment ils s’y prennent pour écrire à quatre mains et construire leurs intrigues mais on ne s’ennuie pas une seconde, c’est parfaitement huilé, il n’y a pas de fausse note et ça se déroule sous vos yeux sans temps mort.
J’ai particulièrement apprécié deux choses.
La première c’est le lien « passé/ présent » et la façon dont les textes de Arthur Conan Doyle sont intégrés au reste du livre. C’est astucieux, bien dosé et parfaitement retranscrit.
La seconde, ce sont les conversations entre Corrie et Pendergast et la façon dont il lui explique le « métier ». Il a la grande force de ne jamais se poser en donneur de leçons ou de dire ce qu’il faut faire. Il a l’intelligence de transmettre des indications sans les imposer, de décortiquer certains raisonnements en développant la démarche d’investigations. Il ne prétend pas détenir la vérité, il glisse des idées auxquelles Corrie adhère ou pas. Cet homme est grand mais il sait se pencher vers les autres….
Une lecture complète, agréable, bien pensée et qui surprendra probablement les nouveaux lecteurs du duo.
Une autre chronique sur ce livre : celle de Paul
Titre : Tempête blanche
Auteurs : Douglas Preston, Lincoln Child
Traduit pas Sebastian Danchin
Éditions : L’Archipel (mai 2014)
Collection Suspense
Nombre de pages : 430
ISBN : 9782809814699
Quatrième de couverture
Roaring Fork, station huppée du Colorado. L’inspecteur Aloysius Pendergast, du FBI, arrive juste à temps pour éviter que sa protégée, Corrie Swanson, ne passe dix ans derrière les barreaux. Cette dernière, qui enquête sur la mort de onze mineurs prétendument dévorés par un ours, en 1876, s’est en effet mis à dos les autorités locales, dont les juteux projets immobiliers pourraient être mis à mal. Au moment où Pendergast arrive, la municipalité doit aussi faire face à un autre problème menaçant la station : un pyromane met le feu à plusieurs chalets cossus - leurs propriétaires étant enfermés à l’intérieur.
10/06/2014 | Lien permanent
La lionne blanche, de Henning Mankell
Une chronique de Pierre
On connaît la passion de Mankell pour l’Afrique, cette passion qui l’a conduit à passer la moitié de sa vie sur ce continent (un pied dans la neige, un pied dans la sable). On suppose que la tentation devait être, pour lui être grande d’établir un pont entre la Suède et l’Afrique. Le résultat en est un roman prenant, haletant qui marque la véritable entrée de Mankell sur « le marché » français du polar.
L’histoire
Tandis que Kurt Wallander et son équipe enquêtent sur la disparition d’une jeune femme agent immobilier les événements inhabituels se produisent sur les lieux présumés de la disparition. D’abord c’est une ferme qui explose sans raison apparente, sur place les enquêteurs découvrent les restes d’un matériel radio perfectionné et une arme de fabrication sud-africaine ; puis le doigt tranché d’un homme noir est trouvé sur les lieux du sinistre. Enfin le corps de la disparue est retrouvé, abattue d’une balle dans la tête. Wallander cherche le lien entre ces différents éléments mais il est encore loin de se douter qu’il va mettre le doigt sur un complot visant à faire échouer la réconciliation ethnique et la fin de l’apartheid en Afrique du Sud.
La grande originalité de ce “nouvel” opus tient surtout dans l’imbrication entre l’enquête en Suède et les événements en Afrique du Sud, de nouveau l’histoire et l’Histoire se donnent rendez-vous même si tout ça semble quelque peu dépasser Wallander. Une fois de plus d’ailleurs notre brave commissaire n’hésite pas à payer de sa personne et à s’écarter du cadre strictement professionnel pour mener à bien son enquête, il faut dire aussi que cette fois son adversaire le menace lui et les siens directement.
Ce que j’en pense
La connaissance que Mankell a de l'Afrique et l'actualité de l'époque (entre la légalisation de l'ANC de 1990 et la tenue des premières élections multi-raciales en 1994) conditionnèrent certainement le thème de cette Lionne Blanche. Le groupe Résistance boer dont le Comité serait l'émanation secrète fait référence à l'AWB, le parti fasciste créé au début des années 1970 par Eugène Terreblanche, très actif à cette période. Mankell nous apporte donc un témoignage à chaud sur la situation en Afrique du Sud, à un moment important de son histoire (si l'on parlait suédois car la traduction française ne date que de 2004). Certains critiques de La Lionne blanche ont contesté la vision très "angélique" que Mankell donnait de Frederik de Klerk mais je crois que le choix très manichéen effectué par l'auteur peut se justifier pour des questions d'efficacité narrative. Après tout, on espère que les gens qui ont découvert le contexte du roman ne se sont pas contentés de celui-ci et qu'ils ont éventuellement consulté d'autres ouvrages, historiquement plus pertinents.
Le volet suédois du livre est trépidant, macabre, violent et prenant, une fois accepté que le destin de l'Afrique du Sud peut se décider dans la campagne scanienne. Ce que je trouve intéressant, c'est le basculement de Wallander qui clôt La lionne blanche et la position très ambiguë de Mankell sur la violence. Contrairement à ce que j'ai pu lire dans des critiques ici et là, il ne s'agit pas de légitime défense mais bien d'une vendetta entre Wallander et Konovalenko, les autres policiers en étant expressément écartés par leur chef. Ce qui va se passer n'est pas seulement la mort d'un tueur sans scrupules, c'est son exécution (la mort volontairement donnée, pour des raisons personnelles et passionnelles), par quelqu'un dont le rôle est justement de lutter contre toute justice privée.
Pierre Mazet http://www.pierre-mazet.com/
Présentation de l’éditeur
Avril 1992. En Scanie, Louise Åkerblom, jeune mère de famille et agente immobilière vient de conclure une affaire. Il fait beau. C'est vendredi. Elle a acheté des gâteaux pour le dîner familial. Elle prend sa voiture pour visiter une dernière maison et se retrouve sur un chemin qu'elle n'aurait jamais dû emprunter : un homme l'abat froidement d'une balle en plein front. Peu auparavant, en Afrique du Sud, dans la province du Transkei, le tueur professionnel Victor Mabasha, qui croupit dans un bidonville, se voit confier une mission inespérée. Ses commanditaires sont des Blancs, comme d’habitude. Mais cette fois, des Afrikaners haut placés, opérant au cœur des services secrets sud-africains. Sa cible, un homme politique de premier plan. Le Président Frederik De Klerk ? Il n'en sait pas plus.
Quelques jours plus tard, le corps de Louise est retrouvé au fond d'un puits, à Skurup, aux environs d'Ystad, par Wallander et son équipe qui enquêtaient déjà sur sa disparition. Mais le passé de la victime est désespérément sans histoire. Pas le moindre indice.
Quelques jours plus tard, une maison explose à Skurup. Des débris de radio sophistiquée, de revolver et le doigt sectionné d'un homme noir sont retrouvés dans les décombres.
Après avoir tourné en rond, l'enquête démarre véritablement. Y-a-t-il un lien entre l'explosion et le meurtre ?
21/08/2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Frontière blanche, de Matti Rönkä
Une chronique de Bruno
Si cet écrivain est encore inconnu pour la plupart des lecteurs français, il n’en va pas de même dans son pays d’origine et en Scandinavie, où depuis plusieurs années maintenant Matti RONKÄ fait partie des auteurs finlandais à succès. Né en Carélie, cette région disputée par l’histoire, à cheval entre la Russie et la Finlande, Matti RONKÄ a d’abord été rédacteur en chef et présentateur d’un journal télévisé avant de basculer dans l’écriture.
A ce jour il est l’auteur de cinq romans qui ont tous rencontré le succès. Doté d’un humour grinçant, il dresse à travers ses livres un portrait sans concession de la société finlandaise.
« Frontière blanche » est son premier roman. Auréolé des prix « finlandais de littérature policière » et « du Key Glass Award » récompensant le meilleur roman policier nordique, il est aujourd’hui publié en France aux éditions L’ARCHIPEL.
Ancien agent du KGB, Viktor Kärppä a quitté sa Russie natale pour s’installer en Finlande où l’opulence occidentale attire comme un aimant les populations pauvres de la Carélie russe. Oubliant son passé, il fait office de détective privé et vivote de ce boulot tout en arrondissant ses fins de mois en rendant de menus services à des mafieux locaux, jouant pour eux les coursiers peu regardant pour récupérer de l’autre côté de la frontière des documents, de l’alcool ou des cigarettes. Parfois, il joue même les indics pour la police locale. Viktor est un homme qui ne s’embarrasse pas de moral.
Quand un certain Aarne Larsson, libraire de son état ,fait appel à ses services pour retrouver son épouse Sirje qui a disparue, l’énigme n’a visiblement rien de bien extraordinaire pour Viktor, habitué aux histoires d’ adultères, de divorce, aux filatures et autre petites histoires de cet acabit.
Cependant, en découvrant que la disparue n’est autre que la sœur d’un dangereux mafieux estonien, Viktor soupçonne très vite que son enquête va l’emmener sur un terrain mouvant sur lequel il n’a pas forcément envie de s’aventurer.
Aussi, lorsque ce frère lui tombe sur le râble et le passe à tabac pour le contraindre d’arrêter de fouiner sur cette histoire, ll en a une percutante confirmation !
Mais quand en plus l’ex KGB se manifeste pour lui rappeler son passé et exiger de reprendredu service, que ses « connaissances » mafieuses le sollicitent pour une histoire de cargaison de cigarettes volées, que la Police le marque à la culotte , Viktor n’a qu’une solution : mener à bien son enquête pour sortir de cette nasse qui se referme sur lui.
« Frontière blanche » n’est pas un roman explosif, truffé d’actions et de scènes spectaculaires. Pas de poursuite en voiture, de coups de feu qui déchirent la nuit. C’est un roman qui ne fait pas grand bruit, tout au plus celui d’un pas dans la neige. Mais c’est un roman passionnant tant il est marqué par la région dans laquelle l’action se situe, et cette frontière qu’il porte en titre.
La Carélie, cette région scandinave jetée en pâture à l’histoire, convoitée par les finlandais et par les russes, pour finalement sortir écartelée entre les deux pays à la fin de la guerre, avec cette frontière comme ligne de partage.
Carrefour baltique, terre d’échanges avec la Russie et l’Estonie, derrière ses forêts de pins et ses lacs endormis, cette région ne pouvait que devenir une terre de trafics en tout genre, et le temps que dura le rideau de fer, le théâtre privilégié de la guerre froide.
Et au milieu, cette frontière, qui rend cette région orpheline d’elle même. Ce trait sur une carte qui se perd et se confond dans la neige hivernale, qui sépare les hommes d’une même terre, et marque symboliquement la ligne de partage entre la richesse occidentale et la pauvreté de ceux qui ont eu la malchance d’être du mauvais. Une frontière qui malgré le temps n’arrive pas à briser le lien qui unie cette population de part et d’autre.
Mais une frontière aussi comme un fil de funambule, où le héro essaye de se tenir en équilibre entre sa nouvelle vie en Finlande où se trouve l’amour qu’il y a rencontré, et de l’autre ses racines, sa mère et son frère restés en Russie. Un jeu d’équilibriste où l’identité de Viktor devient floue, insaisissable, comme l’esquisse d’une vie au trait jamais définitif. Celle d’un homme qui n’arrive pas à trouver sa place.
Matti RONKÄ est un auteur de l’émotion intérieure, du ressenti. Il dresse le portrait d’un personnage qui n’attend rien de particulier de la vie, et qui pose sur ses semblables et la société dans laquelle il vit, un regard lucide et résigné.
Un roman sobre, qui porte en lui un certain spleen et qui offre une lecture originale d’une région méconnue jusqu’ici.
Le blog de Bruno : http://passion-polar.over-blog.com/
A lire : l'article de Jacques sur le même roman
26/07/2011 | Lien permanent
Frontière blanche, de Matti Rönkä
Une chronique de Jacques
Je dois vous l’avouer : je n’avais pas encore entendu parler de Matti Rönkä avant la lecture de ce livre. Celui-ci à peine sorti de son emballage, je jetai un coup d’œil distrait sur sa quatrième de couverture et un frisson d’horreur parcourut alors mon échine : « Putain, l’auteur, c’est le P.P.D.A. finlandais ! » me dis-je in petto en découvrant qu’il était présentateur du journal télévisé de la chaîne publique finlandaise.
Imaginez mon désarroi ! Un type dont on voit la trombine tous les soirs au J.T., dont la publication du roman devait être davantage liée à sa notoriété télé, son sourire de gendre idéal ou aux couvertures pipols de certains magazines qu’à ses qualités de romancier : j’allais devoir me farcir 254 pages de ses écrits… ça craignait dur !
Et puis, j’ai tenté de me rassurer. Après tout, Matti Rönkä utilisait peut-être les services d’un nègre ? En France, une telle pratique serait impensable. Vous imaginez les romans de P.P.D.A. ou les essais de Jacques Attali écrits par un « collaborateur » ? nos traditions littéraires ne permettraient pas une telle chose… Alors qu’en Finlande, influence anglo-saxonne aidant, qui sait ce qui peut s’y passer ?
Au fond cette idée était rassurante : un bon nègre vaut mieux qu’un mauvais écrivain, et un nègre talentueux peut très bien écrire un bouquin non seulement lisible, mais même remarquable. Foin des préventions et des préjugés discriminatoires : lis le livre et tu jugeras après, décidai-je brusquement.
Et c’est ainsi que je me suis lancé dans l’aventure de la frontière blanche. Et je ne l’ai pas regretté une seconde !
Le roman se passe en Carélie, territoire partagé entre la Finlande et la Russie. De nombreux caréliens russes s’installent dans une Finlande plus riche, offrant de meilleures conditions de vie, de travail, de logement, de services sociaux que la Russie. C’est le cas pour le narrateur et héros du roman, Viktor Kärpä, ancien du KGB, ex-soldat de l’armée russe, qui a décidé que les petits boulots en Finlande étaient préférables au chômage en Russie. Victor est un personnage plutôt classique de détective privé vivant de petites combines plus ou moins louches, servant à l’occasion de transporteur de colis douteux pour son ami d’enfance Karpov, « homme d’affaires » aux affaires incertaines et parfois inavouables, ou pour Ruchkov, l’associé de celui-ci. Matti Rönkä a réussi à rendre le personnage de Viktor attachant et crédible, en nous dévoilant par petites touches successives son caractère, sa personnalité, ses gouts. La descriptions qu’il nous fait des rapports que Viktor entretient avec sa mère, qui vit en Carélie russe, sont attendrissants de justesse et de vérité et donnent de l’épaisseur au personnage. Il en est de même pour les liens qui se tissent au cours de l’histoire entre Viktor et la jeune étudiante Marja : l’auteur n’arrive pas avec ses gros sabots pour nous servir une histoire d’amour sur un plateau d’argent mais il prend le temps de développer les rapports entre les deux personnages avec subtilité et habileté.
Viktor est chargé par un sexagénaire possédant une libraire de livres anciens de retrouver sa jeune femme disparue, Sirje. Celle-ci étant la sœur d’un trafiquant peu sympathique et vraiment peu recommandable, Viktor va être progressivement entraîné vers des terrains mouvants et dangereux. Comme souvent dans les bons suspenses, l’intrigue est habilement menée et parvient à surprendre le lecteur, mais elle ne constitue pas l’essentiel du livre, elle est simplement le fil conducteur qui permet de mettre en scène des personnages originaux ainsi que des descriptions de situations, de lieux et de rapports humains que l’auteur arrive à nous rendre palpitantes par son écriture, sa façon de nous les présenter.
Un des thèmes intéressant pour le lecteur ignorant tout de la Carélie, porte justement sur la description fouillée, précise, des conditions de vie des deux côtés de la frontière russo-finlandaise, sur les rapports parfois heurtés entre les populations russes et finlandaises qui sont amenées à cohabiter, sur les liens étroits qui unissent de longue date ces deux pays voisins, des liens qui sont très souvent familiaux, de part et d’autre de la frontière.
Le style de l’auteur est parfaitement accordé à ce genre qu’est le roman à suspense : efficace, dense, sans fioritures inutiles, il dresse par touches successives brèves les portraits et les situations. Aucun bavardage inutile, des phrases courtes, des chapitres de 7 ou 8 pages maximum, tout cela fait que le lecteur est emporté par le rythme du récit et ne s’ennuie pas une seule seconde. De plus, l’intrigue mise en place est bien ficelée et ménage au lecteur des rebondissements inattendus jusqu’à la fin du roman.
Je le conseille donc aux amateurs de suspense : oubliez que Matti Rönkä est présentateur du J.T. à la télévision finlandaise (nobody is perfect), mais retenez que Frontière blanche, qui vient de sortir en France aux éditions l’Archipel, fait partie des bons romans à suspense qui sont sortis en France cette année.
A lire : la chronique de Bruno sur le même roman
Présentation de l’éditeur
Ancien agent du KGB, Viktor Kärppä a quitté sa Russie natale pour la Finlande afin de fuir son passé. À Helsinki, où il a ouvert une agence de détective privé, il rend divers services à des trafiquants locaux, traversant souvent la frontière pour passer en douce des documents ou prendre livraison d’alcool ou de cigarettes.
Lorsque Aarne Larsson, marchand de livres anciens et nostalgique du nazisme, lui demande de retrouver sa femme Sirje, qui a mystérieusement disparu, Viktor pense qu’il s’agit là d’une simple affaire de routine… Or, bien vite, il découvre que Sirje est la soeur d’un baron de la drogue, l’Estonien Jaak Lillepuu.
Et l’enquête de Viktor semble soudain intéresser beaucoup de monde, trop à son goût : un inspecteur de la police d’Helsinki, à qui il donne parfois des tuyaux, ses anciens « camarades » du KGB et Jaak Lillepuu en personne. Un jour, ce dernier disparaisse à son tour… ''Matti Rönkä n’explique rien. Il raconte. Avec son style sec et nerveux, Matti Rönkä donne une nouvelle couleur, une nouvelle dimension au polar nordique.
- Frontière blanche, de Matti Rönkä,
- 280 pages
Archipel (23 février 2011) - Collection : Suspense
19,80 €
06/05/2011 | Lien permanent
La blanche Caraïbe, de Maurice Attia
Une chronique de Cassiopée
Le récit se déroule en 1976, principalement, aux Antilles, en Guadeloupe. Tigran, dit Khoupi ,réfugié là-bas avec sa compagne, vient d’appeler son camarade Paco au secours. Ce dernier, resté en France, a une « dette » envers lui donc il laisse femme et enfant, et il s’envole pour aider son pote. Une fois sur place, il a des difficultés à reconnaître son ex-coéquipier. Rongé par l’alcool, celui-ci ne semble pas du tout en forme… en effet, Il a de gros ennuis, un homme a été assassiné et il pourrait être accusé (à tort) du meurtre de ce dernier. Il a besoin d’aide et Paco est là pour ça. Ecrit de cette façon, cela paraît très simple mais il n’en est rien ! L’intrigue va être soutenue, complexe, abordant différents thèmes.
L’ écriture est singulière. Plusieurs protagonistes emploient le « je » et il faut savoir qui parle. Par contre, donner la parole à diverses personnes de cette façon permet de multiplier les points de vue sur un même fait. Les approches ne sont pas les mêmes et les sentiments face à ce qui se déroule, totalement distincts. C’est assez surprenant parfois et réellement intéressant pour mieux cerner la personnalité de chacun.
L’auteur nous entraîne dans une histoire sombre, dure, sur une île bouleversée, loin de la France. Il s’attache, entre autres, à nous montrer les différences entre ces deux lieux de vie : la police, les médecins légistes, les habitants ne réagissent pas de la même façon en métropole et sur place. On se rend compte que l’approche d’un même événement n’est pas la même sur le continent qu’aux Antilles... et cela déstabilise Paco de temps à autre. Le contexte politique de l’époque est bien présent et apporte une toile de fond intéressante. On sent également le poids du passé avec les ethnies qui se côtoient plus ou moins facilement.
Maurice Attia nous offre un véritable puzzle, multipliant les entrées et les fausses pistes, introduisant de nouveaux individus qui remettent en cause nos convictions. Mensonges, trahisons, blanchiment d’argent, tout y passe. C’est savamment orchestré et il ne faut pas perdre le fil. Parfois, une note d’humour, notamment avec Haroun Tazieff en bel homme un peu hâbleur….
Cette histoire m’a beaucoup intéressée. Elle démontre une fois encore, la fragilité de chacun, les difficultés des relations humaines en famille, entre amis, ou encore au travail. Les deux camarades ne sont pas des supermen, ils sont parfois maladroits, sur la tangente, ne sachant plus où mettre leurs priorités , agissant trop vite, à l’instinct et se retrouvant dans des situations difficiles à maîtriser.
J’ai trouvé le ton sobre et juste, pas de fioritures, les faits, le ressenti de certains et on avance.
Globalement, c’est assez triste. Lorsqu’on pense aux îles, souvent, on imagine les plages, le soleil, le repos, le farniente, l’ aspect paradisiaque… Dans ce roman, l’auteur présente l’envers du décor : la pauvreté, les tensions parmi la population, les magouilles locales ou extérieures, la lutte des classes, les trafics de drogue, les tricheries pour l’immobilier et la vie là-bas en 1976 … Ce n’est pas attirant, c’est même un tantinet désespérant…..et on se demande ce qu’il est en maintenant….
La blanche Caraïbe
Auteur : Maurice Attia
Éditions : Jigal (Mai 2017)
Collection : Polar
ISBN : 978-2-37722-004-5
272 pages
Quatrième de couverture
En 76, Paco a renoncé à sa carrière de flic, il est devenu chroniqueur judiciaire et critique cinéma au journal Le Provençal. Irène, elle, poursuit avec succès son activité de modiste. C'est un coup de fil de son ex-coéquipier qui va bousculer cette vie tranquille. Un véritable appel au secours que Paco ne peut ignorer. En effet, huit ans auparavant, après leur avoir sauvé la vie, Khoupi avait dû fuir précipitamment aux Antilles avec sa compagne Eva…
03/07/2017 | Lien permanent
Ville noire ville blanche, de Richard Price
Voici une deuxième critique, originale et remarquablement écrite, du roman de Richard Price Ville noire ville blanche (Freedomland). Cet article a été écrit par Bernard L.
Banlieue de New York, époque contemporaine.
Dans une ambiance glauque et lourde à souhaits, chacun essaie de se débattre dans sa vie quotidienne vide de sens.
Tous sont nés dans ce trou à rats. Le ghetto pour les uns et les bicoques façon après guerre de sécession pour les autres, les plus nantis, les blancs.
Le mot d'ordre est de fermer son clapet, même si pépé et mémé ont été froidement abattus et que tout le monde connaît le salaud qui a fait ça.
Ce qui compte c'est de bouger, la dope y a pas mieux, le jaja c'est pas mal non plus, je deale, tu deales, il deale, ça passe le temps et quand on plane on ne voit pas ou moins la pourriture qu'il y a en bas.
Bien sûr Price aurait pu commencer en faisant sonner les trompettes de Jericho, hurler les sirènes de pompiers, faire cavaler tout le monde dans tous les sens, stop ! Il a choisi la difficulté, sentez moi ça les gars, ça pue pas, hein ?
T'as vu tous les mecs qu'attendent aux urgences et le toubib qui t'explique que son diplôme il ne vaut pas tripette, ici, lui il ne vient pas du New Jersey mais de Jakarta ou d'ailleurs où c'est encore plus la dèche.
Et on monte d'un cran, paf, une mère de famille, les mains en compote, agressée par un black, ça va faire mousser la mayonnaise, tu penses, faut regarder ailleurs c'est plus noble.
La cavalerie arrive, les cow-boys blancos (c'est rare un cow-boy black) , des mandats de perquise plein les poches, alors allons y gaiement, un coup d'épaule dans la porte c'est plus facile que de frapper avant d'entrer, pas besoin de s'essuyer les pieds sur le paillasson;
Un ton au-dessus encore, vas-y Richard, on te suit ! On boucle le ghetto déjà bouclé, c'est nouveau, du jamais vu, on vient de l'inventer. Mais, attendez, faut pas se méprendre on est dans notre bon droit.
Le vide j'vous dis, le vide, rien, scènes banales de la haine ordinaire, alors pourquoi se presser et, puis, tout le reste c'est ça :
La Brenda qui se renferme dans son monde avec les chansonnettes d'Ike et Tina Turner et d'autres, casque sur les oreilles, comme un refus de l'évidence ambiante. Comme si ce qui lui arrive lui passe au-dessus de la permanente ! C'est pas vrai ? Peut-être ! Joli masque.
La journaliste qui attend le Pulitzer assise sur son derrière, dictant les situations plutôt que les écrire elle même, paumée, le frangin qui l'étouffe, le flic qui la rabroue, Brenda qui la snobe, la joie, quoi !
Lorenzo, Saint-Lorenzo, ancien poivrot, madame est partie vingt-cinq fois, deux fils diamétralement opposés, qui n'en peu plus de fatigue, dodo chez maman. Son chef, le chef de son chef, le maire, le proc, que des empêcheurs de tourner en rond, café gobelet plastique à la main, cigare au bec, bref des têtes pensantes pendant que l'autre est dans la rue à se coltiner la fange quotidienne. Il y a de quoi se faire une balle à la roulette russe. Trop simple, qui s'occuperait des gamins dans la cité ?
Les pasteurs qui pasteurisent : on se laissera pas faire ! Cause toujours mon lapin.
Le comité de boy-scouts en jupons, qui a de l'expérience, champion du coucou fais moi peur. Elles gagneront le mickey du manège ces braves dames, chapeau !
L'intrigue : un fait divers de journal, du sang à la une et la page de couverture pendant trois jours, ensuite ça rentre dans les pages intérieures pour finir en entrefilet en dernière page. Mais le bazar fichu par les journaleux, lui, il reste, on en fait des T-shirts, des casquettes, merci les gars, z'êtes les bienvenus quand vous voudrez.
C'est tout, fermez le ban !
Comment pouvait-il y avoir une autre fin, un autre dénouement ? Sinon, paf, le pétard du 4 juillet en pleine figure;
Price a concocté, à mon avis, un livre magnifique, d'une puissance rare et dont la lenteur du début contribue au malaise prenant au fur et à mesure de l'avancée dans l'histoire. Il a écrit avec ses tripes, malmené qu'il devait être, mal assis. Ses dialogues sont percutants comme un uppercut au visage, un marteau piqueur de trottoir, on vibre, je vibre. Merci à lui pour cet excellent moment de lecture.
Un grand livre, un coup de cœur.
Bernard L.
Poche: 620 pages
Editeur : 10 X 18
Collection : Domaine étranger
19/02/2011 | Lien permanent
Dans la ville en feu, de Michael Connelly (chronique 2)
Pour celles et ceux qui aiment les journalistes, même un peu morts.
L'histoire de Blanche-Neige. Cold case n° 9212-00346.
Hmmmm....
C'est toujours avec délectation que l'on ouvre un nouveau Michael Connelly et que l'on entreprend avec notre détective préféré Harry Bosch, de décongeler un nouveau cold case depuis les profondeurs du hangar aux affaires non résolues et aux victimes oubliées.
Et cette fois on va remonter loin puisque le prologue va nous emmener en avril 1992 pendant les émeutes qui mirent L.A. littéralement à feu et à sang après le passage à tabac de Rodney King et l'acquittement des collègues de Harry.
Complètement débordé et dépassé, le LAPD ne savait évidemment plus où donner de la tête et lorsque Harry fut appelé sur une scène de crime, une de plus, il n'eut que quelques minutes pour relever de maigres indices.
« [...] L’inspecteur Harry Bosch et son coéquipier Jerry Edgar avaient ainsi été enlevés à la division d’Hollywood, assignés à une équipe mobile de surveillance – avec deux tireurs de la patrouille pour assurer leur protection – et aussitôt expédiés partout où l’on avait besoin d’eux, partout où l’on tombait sur un cadavre. Composée de quatre hommes, l’équipe se déplaçait dans une voiture de patrouille noir et blanc et filait de scène de crime en scène de crime sans jamais s’attarder. Ce n’était pas la meilleure façon d’enquêter sur un meurtre, loin de là, mais vu les circonstances, c’était ce qu’on pouvait faire de mieux dans une ville qui avait lâché aux coutures. »
L'assassinat de la journaliste danoise Anneke allait très vite grossir la pile des affaires classées.
Vingt ans après en 2012, la police tente de solutionner quelques affaires avant que les médias ne braquent à nouveau leurs projecteurs sur l'anniversaire de ces émeutes inter-raciales.
« [...] Ce n’était qu’à l’approche du vingtième anniversaire des émeutes que, très au fait des médias, le chef de police avait envoyé au lieutenant responsable de l’unité des Affaires non résolues une directive lui ordonnant de réexaminer d’un œil neuf tous les meurtres qui s’étaient produits pendant les troubles de 1992 et étaient restés sans solution. Il voulait être prêt lorsque les médias lanceraient leurs recherches pour leurs articles sur ce vingtième anniversaire. »
Mais Anneke a le tort de ne pas être noire et le dossier Blanche-Neige n'a donc pas la priorité. Mais c'est sans compter sur l'entêtement et la ténacité de notre Harry !
« [...] — Pourquoi ? Parce qu’elle est blanche ? Bosch ne répondit pas tout de suite. C’était bien irréfléchi de dire ça. Edgar frappait fort parce que Bosch n’avait pas apprécié sa blague sur Blanche-Neige.
— Non, pas parce qu’elle est blanche, dit-il d’un ton égal. Parce que ce n’est ni un pillard ni un membre de gang et qu’ils feraient bien de croire que les médias ne vont pas laisser passer une affaire où une des leurs est impliquée, OK ? Ça te suffit ?
— Compris. »
On ne sait si c'est avec le recul acquis après la lecture de tant de savoureux 'Connelly', mais l'art de cet auteur est désormais aussi limpide qu'efficace : la mécanique d'écriture est redoutable et d'une précision toute horlogère. Rien n'est laissé au hasard et aucun des mots n'est ici jeté sur le papier sans mûre réflexion.
Le prestidigitateur attire l'attention de son lecteur sur un élément (et qui n'est même pas un leurre !) pendant qu'il en dispose un autre juste à côté. Quelques lignes ou quelques pages plus loin, ce qu'on a juste entrevu d'un œil va nous sauter à la figure et éclairer cet enchaînement sous un angle tout autre.
Pourquoi donc au début du chapitre 10 est-ce que l'on s'appesantit sur cet échange entre Harry et un obscur journaliste danois ? Ah ! il faut seulement attendre la fin du même chapitre pour que l'on en reste bouche bée, tout comme le chef de la police !
Ainsi de suite, page après page, on jubile à voir se dérouler cette belle mécanique littéraire.
Il y a beaucoup de thrillers dont on tourne rapidement les pages sans plus d'intérêt que de découvrir enfin le fin mot de l'histoire, et puis il y a les bouquins comme ce 'Connelly', qu'on serait plutôt tenté de poser de temps en temps pour savourer notre gourmandise et faire durer le plaisir le plus longtemps possible.
Même le prologue d'ouverture avec les Humvee de la Garde Nationale qui prennent possession des carrefours de L.A. en pleine guerre civile, finira bientôt par prendre un tout autre relief.
Mais là, stop, on ne peut guère en dire plus et on ne dévoilera pas pourquoi souffle encore ici la Tempête du Désert, oui celle d'Irak en 1991.
On le savait avant même d'ouvrir le livre : le dossier de Blanche-Neige aurait mieux fait de rester classé et notre Harry est une fois de plus, en train de mettre ses grosses pattes là où il ne fallait pas.
Et puis à mi-parcours le livre bascule. On entrevoit les clés de l'affaire, Harry quitte L.A. pour la San Joaquin Valley ... mais Connelly semble se lasser lui-même de son bouquin pourtant si bien commencé. Le prestidigitateur a quitté la scène et il ne nous reste plus entre les mains qu'un polar des plus classiques. Après un début en fanfare avec une écriture tracée au cordeau, le spectateur est un peu déçu par une seconde partie trop déjà-vue.
Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR
Une autre chronique sur ce livre, celle de Cassiopée
24/10/2015 | Lien permanent
La Désirante, de Malika Mokkedem
Une chronique d'Albertine
« Avant toi j’étais déserte. Notre rencontre m’a rendue désirante ».
Chant d’amour, le roman de Malika Mikkoden « la Désirante » ? Oui, et long monologue adressé à l’être aimé disparu en mer, et que la narratrice recherche.
Polar, « la Désirante » ? également, puisqu’il y a cette quête, qui passe par l’observation d’indices, les témoignages recueillis, la quête d’une vérité, bref toute la panoplie policière. Polar et chant d’amour, voilà un cocktail rare, que Malika Mikkoden parvient à réussir. Le roman mêle étroitement les élans lyriques de l’amour et les considérations triviales du récit policier, du récit tout court.
Shamsa la narratrice appareille sur le voilier « vent de sable » dès l’ouverture du récit, car l’enquête sur la disparition de son bien aimé la conduira d’une rive à l’autre de la méditerranée. Plusieurs histoires se mettent très vite en place tandis que s’effectue la traversée ; celle de Shamsa, fille du désert sauvée d’une tempête de sable par les sœurs blanches qui l’ont recueillie à peine née aux confins du Sahara ; celle de Lou son bien-aimé, disparu, brillant jeune chercheur amoureux du désert qu’il a durement affronté, de la navigation en mer et de Shamsa. Le récit de leur rencontre mêle leurs deux histoires, leur amour partagé pour deux immensités, le désert et la mer. Et le roman trouve son souffle dans l’amour puissant qui les relie l’un à l’autre, encore plus fort que désert et mer qui les ont rapproché dès leur première rencontre, amour désespéré traversé de mille questions sur le sort réservé au disparu : « Mais du mal de toi, ni la terre ni la mer ne sauraient me guérir ».
Pourquoi a-t-on retrouvé le voilier « vent des sables » dérivant sans son skeeper au large des côtes tunisiennes ? La question du polar est posée dès les premières lignes : huit mois après la découverte du voilier abandonné, aucune nouvelle, et la police de plusieurs pays est en panne de piste. Quant à Shamsa, elle ne peut rien envisager d’autre que de « retourner la mer » pour le retrouver : Lou lui a appris la navigation, elle saura faire bon usage de ce savoir.
Le récit est économe et efficace : il mêle passé et présent, chant d’amour et intrigue policière, ne laissant pas faiblir l’intérêt du lecteur. Le thème de la disparition énigmatique agit comme paradigme du récit romanesque : « Sans aucune certitude à ton sujet, Lou, tes parents et moi sommes devenus comme ces romanciers encore écartelés par différentes versions d’une même fiction ; Ils les déclinent l’une après l’autre jusqu’à ce qu’advienne cette voix dont ils reconnaissent aussitôt l’adéquation. (…) laquelle de nos interprétations se verra enfin frappée du sceau de la vérité ? ».
Malika Mikkoden a su trouver comment faire avancer le récit sans rompre avec la divagation amoureuse qui tient Shamsa. Les premiers indices donnant sens à sa recherche, seront fournis pas la police italienne avec laquelle s’établit une collaboration effective ; Shamsa saura, de l’autre côté de la méditerranée, détecter le sens des comportements des hommes qui auraient pu avoir à faire avec Lou, leur parler, les faire parler, et faire avancer l’enquête. Le polar est donc là, et bien là.
Et à son histoire s’en mêlent d’autres : celle de la famille, dont Shamsa a été privée et qu’elle découvre dans un rapport renouvelé aux parents de son bien aimé disparu. Le malentendu donne à la relation parentale sa force terrible dont il est parfois si difficile de se défaire ; et les mots d’amour qu’on peut adresser à la génération qui nous précède peuvent bouleverser une relation qu’on croyait sans avenir.
Mais surtout, histoire récente de l’Algérie terrorisée par les intégristes, les trafiquants et les militaires ; histoire actuelle des immigrés parqués à Lampedusa qui nous renvoie l’ignominie du sort fait à des hommes par d’autres hommes, à des sociétés par d’autres sociétés repues et frileuses. Histoire de la narratrice qui avait eu de la chance, elle, au regard de ces maljeureux échoués à Lampedusa, et en ressentait colère et amertume : « Je m’y rendais en vacances. Eux, ils s’étaient échoués là, pleins de détresse et de lassitude ».
Nous sommes dans un beau mariage de littérature blanche et de littérature noire, et vous, lecteurs de polars, vous pouvez lire ce livre qui ne dit pas son genre ! La noirceur du monde existe, elle est le mal qui nous ronge non seulement de façon personnelle mais aussi sociale, et elle se loge au cœur de l’histoire.
Mais diront les puristes du polar, tout de même, est ce que les héros de l’histoire, Shamsa et Lou, ne sont pas un peu trop jeunes, un peu trop beaux, un peu trop riches, intelligents et sympathiques ? un peu « too much ? Jugez-en par vous-même, lisez la Désirante.
Albertine, 24 mai 2011
La désirante
Malika Mokkedem
Editions Grasset
240 pages
17 €
Présentation de l'éditeur
Le roman s’ouvre sur une disparition. Celle de Léo, dont le bateau vide a été retrouvé à la dérive au milieu de la Méditerranée.
Sa compagne, Shamsa, ne veut pas croire à un accident. Elle part, donc, à bord de Vent de sable, sur les traces de Léo. C’est la première fois qu’elle prend la mer seule.
De ville en ville, sur mer et sur terre, Shamsa se lance à corps perdu dans cette enquête au long cours. Elle qui fut abandonnée dans le désert à sa naissance, elle qui a fui une Algérie devenue sanguinaire, la voici hantée par son passé de malheurs.
Mais pour affronter ce nouveau coup du sort, elle est portée par l’énergie du désespoir. Et surtout, par le courage que donne un amour absolu.
« J’irai retourner la mer », se promet-elle…
Biographie de l'auteur
Malika Mokeddem est née dans le désert algérien et vit à Montpellier. Elle a déjà publié Le siècle des sauterelles (1992), et, chez Grasset, L’Interdite (1993), Des Rêves et des assassins (1995), Les Hommes qui marchent (1997), La nuit de la lézarde (1998), La Transe des insoumis (2003), Mes Hommes (2005), et Je dois tout à ton oubli (2008).
26/05/2011 | Lien permanent
Le paradoxe du cerf-volant, de Philippe Georget
Chronique de Jacques.
Ce roman est surprenant. Polar, roman noir, thriller, roman psychologique, il est tout cela à la fois. Il est aussi d’une remarquable habileté dans sa construction, rappelant en cela certains des grands romans anglo-saxons que sont « Shutter Island » ou « Les Anonymes ». Il révèle en effet une méticulosité dans le déroulement de l’intrigue – qui mêle histoire personnelle du héros à des événements historiques réels – que l’on retrouve rarement dans les polars français.
Enfin, la partie « recherche de la vérité », qui n’est pas la caractéristique des seuls polars mais constitue tout de même l’épine dorsale de ce genre littéraire, est d’une grande subtilité, elle prend souvent le lecteur à contre-pied et s’achève par une « chute » ( dans tous les sens du terme) qui restera accrochée longtemps à la mémoire du lecteur.
Le narrateur, Pierre, est un boxeur professionnel de 27 ans, qui vient de perdre un combat mais ne se résout pas à raccrocher. Je ne suis pas un fan de boxe et j’ignore à peu près tout de ce sport. Quand j’entrevois un match à la télé, je m’empresse de zapper : la vue des visages boursouflés par les coups et des chairs ouvertes et saignantes n’est pas un spectacle qui m’affriole particulièrement. Ceux qui aiment le « noble art » peuvent considérer – à juste titre – que je suis bourré de préjugés vis-à-vis de leur discipline préférée. Pourtant, malgré ma réticence, au début du roman, je me suis laissé embarquer dans l’univers de l’auteur, sans pouvoir en sortir.
Le roman démarre en douceur : Pierre se réveille péniblement après un K.O. que lui a infligé un boxeur médiocre, qu’il aurait dû battre sans difficulté. Tout va mal pour lui : sa carrière est compromise, son amie Sarah l’a quitté quelques semaines plus tôt, il commence à glisser sur la planche savonneuse de l’alcool vers un désespoir mêlé d’oubli de ses problèmes et de détestation de soi. Seuls deux amis le maintiennent encore à flot, son vieil entraîneur Emile et Sergueï, son pote serbo-croate, ancien champion de boxe comme lui.
Nous apprenons que Pierre a vécu un drame dans son enfance : ses parents, ainsi que sa sœur, seraient morts dans un accident de voiture. Son père était diplomate et sa dernière mission se passait dans une Yougoslavie perdue dans ses conflits nationaux et ethniques des années 1990. La toile de fond du roman sera cette Yougoslavie-là, ses crimes de guerre entre Serbes et Croates et en particulier les tueries perpétrées par le général de l’armée croate Ante Gotovina, qui va être jugé par le T.P.I. pour le meurtre de 150 civils serbes pendant l’opération « Tempête ». Ce choix de l’auteur d’ancrer son récit dans une réalité historique solide et incontestable confère au roman une densité accentuée par l’habileté avec laquelle Philippe Georget tisse les liens entre Pierre, son histoire personnelle et les soldats perdus de cette guerre.
Quels rapports notre boxeur entretient-il avec cette période trouble et agitée de l’histoire européenne récente ? Ils sont indirects et concernent son père ainsi que son ami Sergueï. Le meurtre de Lazlo, un autre ex-yougoslave que connaît Sergueï et pour qui Pierre travaille depuis quelques jours, déclenche la machine policière autour de lui, et le drame, implacable, se noue autour de notre héros jusqu’à la scène finale au parfum de tragédie grecque. L’épisode douloureux vécu par Pierre dans son enfance se trouve mêlé au conflit yougoslave d’une façon étonnamment subtile. La tension du récit monte en puissance tandis que les tensions psychologiques tiennent le lecteur en haleine jusqu’au dénouement.
Pendant qu’il tente de comprendre les mécanismes d’une possible machination, Pierre essaie de reprendre goût à la boxe. Bien que frôlant la limite d’âge de la retraite sportive, il veut prouver à son entraîneur, comme à lui-même, qu’il n’est pas un boxeur fini. Le monde de la boxe est ici décrit avec une grande précision et les dix pages décrivant le combat de Pierre contre un adversaire irlandais coriace mériteraient de se retrouver dans une anthologie, tant elles sont convaincantes et fortes dans leur dramaturgie.
C’est le personnage de Sergueï qui donne au lecteur, en quelques mots, la clé du livre et le sens du titre étrange de celui-ci. « Les hommes sont des cerfs-volants (…) nous pestons souvent contre les liens d’amour et d’amitié qui nous entravent, et qui croit-on, nous gênent pour réaliser nos rêves.(…) Mais quand le vent souffle, ce sont ces liens qui nous sauvent. Toujours. Eux seuls nous empêchent de nous écraser. »
Ainsi, l’ami en qui le narrateur croyait, cet ami qui l’a (peut-être) trahi, est celui qui lui révèle son destin au cours de leur ultime rencontre, alors que Pierre commence à pressentir que les liens d’amitié ou d’amour qu’il pensait avoir tissés vont s’effilocher les uns après les autres. Et en premier, celui qui est fondateur pour les humains : le lien d’enfance avec sa mère. Ce lien aurait dû être le plus solide, aurait pu l’arrimer à la vie quand les vents devenaient contraires, lorsque la tempête menaçait. C’est pourtant celui qui va lâcher le premier. Et alors, tout s’écroule : le drame que Pierre s’efforçait d’oublier va resurgir au fil de l’histoire, quand le lecteur ne s’y attend pas, et donner au roman une densité extraordinaire, qui dépasse le cadre des polars traditionnels.
La fin du roman évite la mièvrerie des fins heureuses et convenues, trop fréquentes dans la majorité des polars traditionnels. Elle laisse au lecteur le goût acre et puissant des tragédies antiques. Philippe Georget révèle ici de grandes qualités d’écriture. Le paradoxe du cerf-volant est un roman solide, convaincant, efficace, intelligent, qui peut être lu par les amateurs de polars aussi bien que par tous les amoureux de la littérature : avec lui, les frontières entre « littérature blanche » et « roman policier » sont pulvérisées.
Entretien avec Philippe Georget sur son roman "Le paradoxe du cerf-volant"
Présentation de l'éditeur
Dans une salle surchauffée de la banlieue parisienne, Pierre, 27 ans, boxeur en plein naufrage, vient ce soir de perdre le combat de trop. Critiqué, sonné, déprimé, les doutes l'assaillent et la retraite se profile, contrainte et forcée. Afin de préparer sa reconversion il accepte de jouer tes " gros bras " pour Lazlo, un prêteur sur gage croate réfugié à Paris... Que l'on retrouve bientôt sauvagement torturé et assassiné. Soupçonné et accusé du meurtre par les flics, poursuivi par des tueurs serbes, traqué par d'anciens légionnaires au service d'un mystérieux commanditaire, Pierre plonge au coeur d'une histoire embrouillée à laquelle il ne comprend rien et qui semble prendre sa source dans les terribles massacres de civils des années 90 en ex -Yougoslavie. Baladé par Sergueï, l'ami réfugié politique et chauffeur de taxi, mis sous pression par le commissaire Lefèvre qui cherche on ne sait quoi, troublé par Julie, la fliquette, perturbé par ses propres fantômes, Pierre se sent manipulé... Il perd pied, doute, picole et titube. Mais épaulé par le vieil Émile - l'indéfectible entraîneur - Pierre va retrouver son souffle, ses réflexes, ses jambes et son punch destructeur pour livrer sous les projecteurs son ultime combat ! C'est tragique, tendre, poignant, cruel, parfois drôle, toujours intense... Ça sent aussi la sueur, le cuir, le sang et le bruit des coups sur les corps !
320 pages |
20/03/2011 | Lien permanent