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28/02/2012

Le concierge, de Herbert Lieberman

concierge.jpgUne chronique d’Astrid

Le concierge de Herbert Lieberman n’est pas un concierge version l’élégance du hérisson. Ne vous attendez pas  à retrouver un vieil homme mal fagoté, le canon de rouge à portée de main et Nietzsche planqué dans le cellier. Roger Paladine, n’officie pas dans une loge mais dans un palace - Le Parker Regency  Hotel - dont il détient toutes les clés d’or et passe-droit. Tiré à quatre épingles, l’allure à l’italienne, le visage impassible de ceux qui savent tout mais se taisent, il est le héros très discret d’un univers feutré où la priorité fut, est et sera toujours la satisfaction du client.

De main de maitre, il gère sa cour d’assistants, veille sur ses clients distingués et pour certains très farfelus. Dans le hall de ce palace déclinant, on croise encore quelques divas capricieuses et dignitaires africains rutilants qui déambulent parmi les commerciaux et touristes japonais. Rien ne semble perturber la route cinq étoiles de notre héros ; jusqu’à ce qu’un soir on l’appelle en catastrophe car le plus ancien client de l’hôtel est retrouvé mort non seulement dans la cave mais dans une posture plus qu’équivoque.  La victime n’est autre que le Comte Gobbo, ami de longue date de la famille Paladine et sorte d’aristocrate Viscontien aux mœurs décadentes. Autre surprise pour Paladine : dans la suite du Comte le cadavre minuscule d’un enfant va ternir le tableau idyllique de cette chambre où la poussière n’a pas sa place. L’addition sera  salée pour notre héros, qui au fil des pages voit vaciller son monde fait de cachoteries et compromissions. Sans perdre de son flegme, il se prêtera bon gré mal gré au jeu du chat et de la souris d’une enquête dont la perversité égale celle de sa clientèle ;  perversité humaine sur laquelle il sut si bien fermer les yeux.

Un chassé-croisé inquiétant va se jouer tout au long du dénouement, mêlant suspense et  rebondissements inattendus. L’occasion pour Paladine de mettre à l’épreuve son masque d’indifférence et de renouer ainsi avec ce que le monde du luxe lui avait fait oublier : la compassion. Jusqu’à cette fin dérangeante, dont on ne sait quoi penser. Et c’est tant mieux.

Au-delà d’être l’habituel orfèvre du roman noir que l’on connait, Herbert Lieberman nous plonge avec ce roman dans l’univers hors norme du luxe qu’il dépeint d’une plume de dandy habitué aux fauteuils club et verres de brandy. Tout y est. Le lecteur hume, comme s’il y était, la senteur des brassées de lys de la réception ou les effluves de numéro cinq des clientes. En maitre de la torture psychologique, il met en place un suspense qui nous fait méditer sur la nature humaine et ses turpitudes. Mais un homme peut-il vraiment se réformer une fois qu’il a adopté certaines habitudes ? Liebermann ne juge jamais ses personnages, il n’en laisse pas non plus le droit à ses lecteurs. Pas de leçons de morale dans ce roman mais une  réflexion sur la dualité inscrite dans l’ADN de chaque être humain. Le concierge : un roman noir classieux qui mérite bien ses cinq étoiles.

Astrid Manfredi

Le concierge
Herbert Lieberman
Traduit de l’américain par : John Esch
Editeur : éditions du Seuil pour la traduction française, juin 1998
Nombre de pages : 459


Présentation  de l’éditeur :
Au cœur de New York, Le Parker Regency Hotel, accueille depuis des années les clients les plus riches et huppés de la planète – ceux auxquels on ne refuse aucun passe-droit. Roger Paladine, grand patron du service de la conciergerie le sait et y veille. Il ne faudrait surtout pas que froissé, l’habitué s’imagine aller ailleurs.

Mais que faire lorsque, après avoir fermé les yeux, on se retrouve embringué dans quelque chose qui ressemble beaucoup à un meurtre ? Tel est le problème auquel Roger Paladine, le brillant, le subtil « Concierge » du Parker Regency, est confronté lorsque le comte Gobbo est retrouvé pendu dans les caves de l’hôtel…

Herbert Lieberman, auscultant les bas-fonds d’un univers peu connu, signe ici un de ses romans les plus troubles.



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