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17/02/2018

De la terre dans la bouche, d’Estelle Tharreau

de la terre.jpgUne chronique de Cassiopée

Estelle Tharreau se bonifie de roman en roman. Elle peut vraiment « jouer dans la cour des grands » et devenir un très bon auteur reconnu pour la qualité de ses ouvrages. C’est ce que je lui souhaite.

Dans son dernier récit, elle s’attaque à un sujet difficile. La vie d’un petit village martyr où une jeune femme arrive des années après la guerre. Elle s’appelle Elsa et vient d’hériter de la maison de sa grand-mère, perdue dans ce coin dont elle ne sait rien. Elle aurait pu se contenter de récupérer la maison (qu’elle trouve habitée par un jeune homme qui ne comprend rien…) mais elle décide, malgré les réticences de sa tante, de creuser l’affaire. D’abord que fait ce Fred chez elle, ou plutôt chez ce qui a été la demeure de sa mamie adorée. Comment a-t-il eu la clé, pourquoi ? L’histoire pourrait s’arrêter là, il lui donne une explication, elle reprend son bien et basta…. Sauf que ….

Sauf que…. Elsa est une fille et généralement les femmes sont curieuses et aiment bien comprendre donc elle ne va pas en rester là. De plus, elle s’installe quelques jours dans cette habitation, fait quelques courses au village et sent qu’elle dérange… Il n’en faut pas plus pour aiguiser son intérêt qui va grandissant devant l’attitude des « anciens » qu’elle rencontre et qui lui conseillent de ne pas chercher à en savoir plus…. Comme si elle pouvait en rester là…..Ce serait mal la connaître… Elle va vite se révéler comme quelqu’un d’opiniâtre, volontaire, qui ne se laisse pas embobiner par ce qu’on lui dit.

Tout le monde le sait, toute vérité n’est pas bonne à dire et parfois il est préférable de ne pas remuer le passé…..Mais ……Elsa va donc creuser, interroger, questionner sa tante, les voisins et tous ceux qu’elle croise dans la bourgade….En commençant ses recherches, elle est loin de penser (et le lecteur aussi) à tout ce qui va resurgir, aux dommages collatéraux qu’elle peut provoquer, à ce qu’elle va découvrir sur sa famille …. Elle va peut-être se trouver mal à l’aise devant certaines révélations, elle va avoir des difficultés à doser ce qu’elle entreprend pour connaître une vérité qui risque de lui faire très mal…

Par bribes, l’histoire douloureuse de ce village et de ses habitants va apparaître, mais qui croire ? Parfois une affirmation se trouve démentie par le protagoniste suivant, semant le trouble dans l’esprit de celui qui lit comme dans celui d’Elsa. Au fil du temps, la jeune femme s’aperçoit que personne n’est tout blanc ou tout noir, que de nombreux faits sont secrets, connus ou pas mais tus par tous dans une espèce d’omerta qui arrange certains, dérange d’autres mais qui n’est pas saine…. Entre les résistants, les allemands, les femmes qui on trahi et ont été tondues, qui est encore en vie et peut accepter de la renseigner ? Les villageoise s’épient, se cachent, essaient de s’influencer, se disputent, s’allient, se révoltent…. Ils ne veulent pas qu’Elsa fouille et certains sont prêts à tout pour l’en empêcher…..

Très bien documenté, parfaitement construit, ce récit est dense, consistant. Les différents individus croisés au fil des pages, sont complexes tant dans leur caractère, que dans leur attitude et leurs rapports aux autres. J’ai vraiment apprécié les différentes « entrées » de ce roman. Estelle Tharreau nous offre plusieurs regards sur les faits qu’elle évoque. Celui des jeunes qui s’aperçoivent que leurs grands-parents n’étaient pas forcément ceux qu’ils imaginaient, celui des doyens du village qui ne désirent qu’une chose : qu’il n’y ait pas « de vagues » et que la vie continue, même si certains secrets sont lourds à porter, celui des personnes « extérieures » ….. Ce recueil est vraiment excellent, richement alimenté par les faits qui petit à petit se dévoilent jusqu’à un final douloureux mais réaliste…. L’écriture de l’auteur s’est étoffée, elle a du rythme, de la vie, elle explique, raconte et plonge le lecteur dans une histoire qu’il n’a plus envie de lâcher….

 

Quatrième de couverture

Les vieux de Mont-Éloi savent pourquoi ils s'aiment ou se détestent, même si les autres l'ignorent. La seule histoire à laquelle il faut croire est celle qu'ils ont écrite au musée de la Chênaie. Elsa refusera cette vérité lorsque sa grand-mère lui lèguera une maison perdue dans la forêt, à deux pas d'un village martyr. Guerre. Occupation. Épuration. Quarante années ne seront jamais suffisantes pour oublier et chasser les fantômes du passé !