15/05/2021
Et pour le pire, de Noël Boudou
Une chronique de Cassiopée
Vincent le dit lui-même, il est un vieux con. Vieux, c’est sûr, il a dépassé les quatre-vingts ans, con … c’est à voir. Ce qui est sûr, c’est qu’il est asocial, solitaire, bougon. À part une aide-ménagère qui l’aide pour la douche une fois par semaine et les visites - tendues - d’un neveu, il ne souhaite voir personne, surtout pas les gens du village, ni de nouveaux voisins. On peut, dès le début se demander pourquoi il entretient si peu de liens avec les « anciens », qu’il doit bien connaître pourtant. Les personnes âgées, ça joue aux cartes, aux boules, ça discute au café du coin, enfin, c’est souvent comme ça, non ? Pas Vincent, lui, les bières, il les boit tout seul, dans son coin, devant sa maison ou à l’intérieur, comme s’il cherchait à noyer quelque chose. On va vite saisir de quoi il s’agit … Le chagrin, il y a vingt ans, l’a submergé, englouti. Sa douce épouse, Bénédicte, a subi d’atroces sévices, elle a souffert le martyr et il s’en veut de ne pas avoir senti qu’elle avait besoin de lui. Pourtant il n’y est pour rien. Malgré tout, il traîne une culpabilité qui le bouffe de l’intérieur, qui le ronge mais qui le maintient en vie également car il veut se venger. C’est sa seule raison d’exister, d’avancer malgré les douleurs, malgré les faiblesses liées à l’âge. Il peaufine, se prépare, ça fait vingt ans qu’il attend. Ceux qui ont fait ça vont retrouver la liberté et lui, il a bien l’intention de leur ôter. Il est dans sa bulle de solitude prêt à mettre en place les représailles qu’il mijote.
Et puis la maison d’à côté s’anime, de nouvelles personnes s’installent. Il n’en veut pas Vincent, ça ne lui convient pas du tout, ça le dérange et il a vite fait de leur faire comprendre pour qu’ils se sentent rejetés. Sauf que les choses ne restent pas en l’état, elles évoluent et des liens se créent malgré lui et cela peut l’amener à modifier ses plans. Va-t-il continuer sur sa lancée au risque de mettre en danger la petite famille proche de chez lui ? Va-t-il abandonner ses projets alors qu’il ne vit que pour ça depuis deux décennies ?
Nous allons découvrir l’évolution de la situation, les discussions avec les uns et les autres, les pensées de Vincent, ses choix et les conséquences que cela aura sur la suite des événements. Les personnages sont surprenants, certains très durs, d’autres vibrant d’humanité contenue, on a l’impression que, souvent, tout est « sur le fil » prêt à exploser. L’auteur nous fait bien ressentir cette tension qui les habite. Même en restant sur ses gardes, Vincent va être confronté à des choses terribles, parce qu’on ne peut pas tout prévoir, parce que la cruauté des hommes n’a pas de limite…
C’est un livre dur, il y a des scènes qui sont à la limite du soutenable. Certains diront que ce n’était pas nécessaire de mettre tant de cruauté, que quelques faits ne sont pas vraiment crédibles. Oui, je peux le comprendre mais je ne me suis pas attardée là-dessus car j’y voyais autre chose : la puissance des mots, la force des émotions enfouies dans chaque individu, que ce soit la colère, la méchanceté gratuite, l’injustice révoltante, l’amour des siens, la soif de vengeance, le besoin de justice etc.
J’ai lu ce récit, d’une traite, en apnée, les poings serrés, prête moi aussi à en découdre avec certains. L’écriture de l’auteur est aboutie, affirmée, son style sec frappe fort et remue au plus profond. Une fois la dernière page tournée, on retrouve son souffle et on souffle …. Un roman réussi qui vous prend aux tripes et ne vous lâche plus.
Éditions : Taurnada (13 Mai 2021)
ISBN : 978-2-37258-084-7
256 pages
Quatrième de couverture
Bénédicte et Vincent auraient pu vieillir paisiblement ensemble. Malheureusement, le destin en a décidé autrement, il y a vingt ans… Vingt ans. Vingt ans à attendre… à attendre que les assassins de sa femme sortent de prison. Depuis vingt ans, Vincent Dolt n'a qu'une seule idée en tête : venger sa douce Bénédicte… Depuis vingt ans, seule la haine le maintient en vie. Mais une vengeance n'est jamais simple, surtout à 86 ans. Il a vécu le meilleur, il se prépare au pire…
22:28 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |