25/04/2021
Eblouis par la nuit, de Jakub Żulczyk (Ślepnąc od świateł)
Une chronique de Cassiopée
« Éblouis par la nuit » (première édition en 2014) a été adapté en série. L’auteur est journaliste, écrivain et scénariste.
C’est un roman âpre, dur, noir, profondément noir malgré les lumières de ville. Jacek a quitté Olsztyn, une ville de Pologne où il a laissé sa famille, pour s’installer à Varsovie, dans le but de faire des études à la faculté des Beaux-Arts et d’en vivre. Il s’est laissé embarquer dans de mauvaises fréquentations, avec l’idée de l’argent facile et sous une couverture de chauffeur de taxi, il est dealer de cocaïne. Il vit plutôt la nuit, et ses clients sont des hommes politiques, des gens de la jet set, des entrepreneurs etc. Il essaie de se tenir à distance, de ne pas consommer, de faire ce job comme il en ferait un autre (d’ailleurs pour sa mère, il est bien placé dans le monde des affaires, ce qui sous-entend de nombreux déplacements, une excuse pour ne pas aller la voir). Il est froid, détaché de la violence, qui semble le laisser indifférent, peu enclin à la compassion. Mais on sent que tout cela lui pèse.
« Il est des erreurs humaines comme de leurs aspirations, de leurs craintes ou de leurs rêves : il n’en existe qu’un nombre limité. »
On le suit pendant une semaine, surtout les soirs. Le récit est à la première personne, c’est comme un monologue, entrecoupé des « rêves » de Jacek. Il s’enfonce dans les ténèbres, essaie de surnager en espérant partir en Argentine, vivre un autre quotidien. Il s’accroche à cela, à la musique (de bien belles références), et à des songes où il imagine la cité engloutie sous un déluge, mais que c’est difficile….
Varsovie a une place importante dans ce récit, elle respire, elle est vivante, comme humaine, observant tout et ne disant rien…. Elle n’est pas attirante car on ne voit que son côté sombre. L’aspect psychologique des personnages est poussé, ils sont le plus souvent emplis de désespérance, n’attendant plus grand-chose de la vie. J’ai eu l’impression que Jacek se délabrait sous mes yeux, qu’il coulait lentement et ça me rendait triste pour lui car je me disais qu’à la base, il avait sans doute « un bon fond » (certaines de ses attitudes le montrent). Les dialogues sont vivants et offrent une autre alternative, pas de la légèreté, il ne faut pas croire mais le changement de style permet presque de souffler. Je dis presque car on reste dans un univers terriblement marqué par le mal. La drogue domine tout, régit les rapports humains, sème le chaos. Elle est rattachée à l’argent et le besoin en termes de dépendance, devient de plus en plus pressant autant pour les finances que pour la came.
Le phrasé est fort, puissant, glaçant, glacial, parfois brut comme le milieu dans lequel se déroule l’histoire. Il vous frappe, vous interpelle, vous secoue, vous fait frissonner. Vous n’osez pas imaginer la suite …. Jakub Żulczyk s’affranchit des qu’en-dira-t-on pour camper un monde obscur, terriblement avili par l’addiction aux stupéfiants. Cherche-t-il à choquer ? Je ne pense pas. Il ose tout simplement dire les choses, montrer l’autre face du miroir, celle qu’on occulte car c’est plus facile ainsi….
Une lecture pas toujours aisée, tant le thème est douloureux, mais à découvrir…
Traduit du polonais par Kamil Barbarski
Éditions : Payot & Rivages (7 Avril 2021)
ISBN : 978-2743652920
530 pages
Quatrième de couverture
Jacek est dealer de cocaïne à Varsovie. Solitaire, froid et cynique, il navigue entre les bas-fonds de la société et une clientèle huppée. Á travers un monologue teinté de mélancolie, il nous entraîne dans la nuit varsovienne, ses discothèques à la mode et ses fêtes privées où s’affiche la jet set.
18:00 Publié dans 04. autres polars | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |