22/02/2025
Mauvais coeur, d'Audrey Brière
Familistère, ça vous dit quelque chose ? Moi, non, ou alors je ne me souvenais pas. Il a été fermé en 1968 et c’est maintenant un musée. Jean-Baptiste Godin (des poêles Godin) a pensé, créé et construit « une utopie réalisée » dans les années 1860 et suivantes. C’est un lieu de vie où les ouvriers ont accès à des logements, une piscine, des économats pour les achats, une buanderie, un pouponnat, une école etc… Le tout est bien géré, mais forcément ça se passe en vase clos. Si l’usine se développe, il n’y a pas assez d’appartements alors des jalousies peuvent voir le jour entre ceux d’en haut et ceux d’en bas (les ouvriers qui n’ont pas accès au familistère et à ses services).
C’est là, en 1922, qu’Audrey Brière situe son nouveau roman. Elle s’est énormément documentée pour que son récit tienne la route. Le côté historique est parfait pour la description et l’utilisation des locaux, le quotidien de l’époque, le vocabulaire employé, les vêtements (Esther qui ose mettre un pantalon !), les méthodes d’investigation des enquêteurs, les progrès scientifiques etc.
Dans ce familistère où en apparence, tout se déroule toujours bien, une institutrice est assassinée. Diligenté sur place, c’est l’inspecteur principal, Matthias Lavau, qui va essayer de comprendre et d’empêcher que la situation dégénère. C’est un homme grand, taciturne, pas très à l’aise avec les autres, avec une mémoire exceptionnelle, un sens de l’observation aigu mais il a peur du sang… On ne peut pas être parfait…. Il donne tout pour réussir.
Dans cette communauté, les inimités ne sont pas visibles. Il faut montrer un front uni et lisse mais on s’aperçoit que certains individus ne sont pas « nets » et cachent certaines choses. Mais comment les « coincer » ?
Il faudra beaucoup de ténacité à cet homme et l’aide d’Esther Louve, une collègue, pour avancer pas à pas et tout faire pour résoudre cette affaire. Quelques éléments du passé sont habilement glissés au bon moment soit pour éclairer un fait, soit pour fournir une nouvelle piste.
L’écriture de l’auteur est « racée », de belle qualité. Le phrasé nous plonge dans l’intrigue, crée une atmosphère légèrement surannée. Les personnages sont intéressants. Si on connaît Matthias et Esther depuis le livre « Les malvenus », on découvre leur évolution, si non, ça ne pose aucun problème. J’apprécie que ces deux-là soient maladroits dans leur relation à l’autre. Leur enfance a été suffisamment ardue pour expliquer leurs difficultés. On les observe. Ils sont parfois un peu brusques, parfois perdus car ils voudraient et n’osent pas … Mais cela ne les empêche pas d’être terriblement professionnels, avec des interprétations très pointues. Ils se complètent à merveille.
Cette lecture m’a beaucoup plu. Un mini bémol pour un élément de la fin, pas totalement indispensable à mon sens, mais qui ne m’a pas gênée plus que ça, tant le reste tient la route. Pour moi, Audrey Brière est montée en puissance !
Éditions : Seuil (7 Février 2025)
ISBN : 978-2021552348
384 pages
Quatrième de couverture
1922. Dans un petit bourg du nord de la France se dresse le Familistère, un immense bâtiment de brique rouge, de verre et d'acier, où sont logés les employés des fonderies Godin et leurs familles. Une communauté ouvrière unique, fondée sur une utopie humaniste. Pourtant, ce matin-là, leur institutrice est retrouvée assassinée. Dépêché sur les lieux, l'imperturbable Matthias Lavau, enquêteur aux capacités remarquables, ne peut s'empêcher d'être étonné. Quel étrange endroit, quelle drôle de façon de vivre...
15:23 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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