Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/05/2019

Double amnésie, de Céline Denjean

Denjean.jpgUne chronique de Cassiopée

Excellent !!!

Avec ce nouveau titre, Céline Denjean a su totalement se renouveler et nous offre un récit mené de main de maître. De plus, elle a réussi à mettre à nouveau en scène quelques-uns de ses personnages et elle les a parfaitement intégrés dans l’intrigue qu’elle présente.

L’histoire se déroule sur trois pôles.
Manon, la soeur jumelle de la gendarme Eloïse Bouquet, est harcelée et menacée, elle vit seule avec ses enfants et appelle sa frangine à son secours.
Abby Le Guen, artiste peintre anglaise, vient de tuer son mari, un médecin renommé, alors que rien ne le laissait présager.
L’œil, sorte de corbeau qui révèle des aspects cachés à Manon et Abby pour les déstabiliser, s’exprime, lui, à la première personne.

Les titres de chapitres assez gros et en gras, nous renseignent sur la temporalité et les personnes concernées. J’ai apprécié cette façon de faire car il n’y a pas surnombre de dates (ce qui aurait fait trop et n’aurait rien apporté) mais les moments évoqués sont situés par rapport au meurtre de Yohann Le Guen et c’est parfait. On remonte également dans le passé par l’intermédiaire des pensées des uns ou des autres et dans ce cas, les scènes décrites sont en italiques. Donc la forme du texte est parfaitement claire, limpide. De plus, il n’y a pas pléthore de protagonistes et tout est facile à suivre.

Ce roman est très intéressant, il parle de sujets graves, des liens dans les familles, dans les établissements scolaires, entre voisins, entre employés et patrons. L’auteur sait exprimer le mépris ressenti par certains, la toute puissance pour d’autres. Elle nous rappelle combien l’adolescence est une période difficile où les jeunes se cherchent. Elle évoque ces personnes respectables, au-dessus de tout soupçon qui peuvent être des prédateurs dangereux. Est-ce qu’on ne voit que ce qu’on veut voir ? Est-ce qu’on ferme les yeux parfois parce qu’on ne peut pas croire que quelque chose soit possible ?

Céline Denjean, avec une écriture vivante, précise, quasi chirurgicale, nous introduit dans plusieurs familles. Avec un phrasé rythmé, un style acéré, elle plante un décor, une ambiance. Quelques-uns se remémorent le mal-être, les non-dits, les sous-entendus cachés, d’autres ont tout oublié. Comme si leur cerveau s’était déconnecté sous trop de charge émotionnelle… Est-ce ainsi ? Est-ce qu’on met des pages vierges sur les souvenirs douloureux pour les effacer ? L’auteur a dû se documenter et ce qu’elle dévoile sur la mémoire est captivant. Cela complète à merveille son intrigue et donne une justification précise à certains faits.

Dans la première partie, elle installe le contexte, dans une Bretagne aux paysages sauvages. Elle prend son temps, pour que chacun de nous s’imprègne de ceux qu’elle nous présente. Chez les Le Guen : Abby, la mère de famille d’origine anglaise qui n’a pas trouvé sa place. Son mari, ambitieux, qui porte la famille à bouts de bras, leurs deux enfants qui vivent dans le luxe et sont jalousés par leurs camarades, leur employée de maison discrète et efficace. Chez les jumelles : Eloïse et Manon, une relation conflictuelle, un amour complexe, compliqué les unit et les sépare à la fois. Ce n’est pas le classique « dominant-dominé » que l’on retrouve lors des gémellités, c’est plus approfondi avec une approche psychologique fine et intelligente. Rancœurs, jalousies, comparaisons, besoin d’exister seule. C’est avec doigté et intelligence que Céline Denjean nous explique le tumulte intérieur ressenti par chacune.  Là aussi, elle a dû se documenter ou observer. Pour les deux familles, le poids du passé est lourd, très lourd et aura des répercussions sur le présent. On sent dès le début du livre que certains ne disent pas tout, qu’il faudra un éclairage complémentaire pour que l’on comprenne. Les questions se bousculent en nous, les interprétations diverses et variées se succèdent, le doute s’insinue. On n’ose imaginer le pire, l’indicible, l’inconcevable et pourtant….

Je suis rentrée dans ce recueil pour ne plus en ressortir. Je n’avais qu’une envie lire lire et encore lire quitte à dormir moins. Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai été fascinée par la toile d’araignée tissée, par l’enchaînement de tous les faits sans une fausse note.  Céline Denjean a réussi magistralement un thriller psychologique de qualité. Peu de violences physiques mais des traumatismes mentaux très réalistes qui nous rappellent combien certaines personnes, et souvent celles dont on ne se méfie pas, peuvent être manipulatrices.

Une lecture coup de cœur !

 

Éditions : Marabout / BlackLab (24 Avril 2019)
465 pages

Quatrième de couverture

Le jeu de piste ne fait que commencer, mais sache qu'il te réserve plein de (mauvaises) surprises... Qu'est-ce qui a poussé la fragile Abby Le Guen à tuer son mari ? Pourquoi est-elle désormais murée dans le silence ? Parallèlement, Manon, soeur jumelle de la gendarme Eloïse Bouquet, fait l'objet d'un harcèlement et de menaces. Quel sombre individu se cache derrière ces agissements et quel but poursuit-il ? Eloïse se lance alors dans une contre-enquête.