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29/06/2012

La disparition soudaine des ouvrières, de Serge Quadruppani (chronique 3)

 disparition_des_ouvrieres.jpgUne chronique d'oncle Paul.

Peut-être avez-vous constaté comme moi que cette année, guère d’abeilles batifolent sur les fleurs. A cause du temps maussade ? A cause de fleurs en retard dans la floraison ? A cause d’un dérèglement de leur métabolisme ? A cause d’une raison inexpliquée ? Toutes les hypothèses peuvent être envisagées, même les pires.

 Dans un couple, il faut toujours que l’un cède devant les caprices de l’autre, sous peine de conflits et de dissolution. La commissaire antimafia Simona Tavianello, qui préfère passer ses vacances au bord de la mer, plus précisément à Salina l’une des îles Eoliennes près de la Sicile, a accepté, pour une fois, de se plier selon aux désirs de son mari, le questeur (une sorte de commissaire principal) en retraite Marco Tavianello. Mais au lieu de se balader dans cette vallée du Piémont où ils résident, elle a imposé son envie d’aller acheter du miel chez l’apiculteur Giovanni Minoncelli. Seulement on poussant la porte du bâtiment, ils se trouvent confrontés à un cadavre gisant à terre.

 L’adjudant de carabiniers Calabonda, surnommé Cacabonda à cause d’un journaliste ou d’un de ses hommes qui a mal compris l’énoncé de son nom ainsi qu’aux quelques boulettes qui entachent sa carrière, prend la direction des opérations. Près du corps une feuille blanche a été déposée avec inscrits au feutre ces quelques mots : Révolution des Abeilles. Pas grand-chose à se mettre sous la main sauf que, quelques heures plus tard, Caca… pardon Calabonda se met en contact avec Simona et Marco, qui discutent de l’affaire à une terrasse de café, pour leur demander comment il se fait que la balle tirée dans la tête du défunt provient de l’arme de service de la commissaire antimafia. Son arme de service qu’elle avait emmenée avec elle sur l’injonction de ses supérieurs. A la même terrasse, Giuseppe Felice, journaliste local, se demande comment aborder les deux vacanciers. Mais une timidité rédhibitoire le cloue sur sa chaise.

 La victime n’est autre que l’ingénieur Bertolazzi, lequel était chargé pour le compte de la société Sacropiano de la commercialisation des produits de la firme, c'est-à-dire de semences OGM et de pesticides. Et bien évidemment il était la cible privilégiée de la colère des apiculteurs de la région. Depuis quelque temps les hyménoptères sont sujets au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles domestiques. Elles partent sans crier gare et on ne les retrouve jamais. Pas de cadavres, ni dans la ruche, ni à proximité. Un phénomène inquiétant. Aussi penser que Minoncelli serait l’auteur du meurtre est présent à l’esprit de Calabonda, sauf qu’au moment du drame celui-ci était justement dans la propriété de Bertolazzi en train de manifester et de déployer des bannières en compagnie d’autres membres du collectif de protection des abeilles.

 Une autre piste est envisagée car Bertolazzi était un homosexuel, ce qui en soi n’est pas problématique, mais il avait une vie sexuelle assez dense et pour l’heure son amant était un berger Albanais vivant non loin. Bien malgré elle Simona Tavianello est impliquée dans cette ruche bourdonnante Un autre homicide est enregistré près des ruches de Monticelli. Particularité de la victime : sa tête est à moitié défigurée par une attaque d’abeilles, l’autre a été emportée par une balle de gros calibre.

 Ciuffani, un journaliste bien connu de Simona pour être proche du pouvoir, deux frères, l’un responsable de la Sacropiano et l’autre patron du journal local, s’invitent dans cet essaim déjà constitué de journalistes, de carabiniers, d’apiculteurs en colère et autres.

Serge Quadruppani se montre aussi pointilleux dans l’écriture de ses romans que dans ses traductions, notamment celles des romans d’Andrea Camilleri. Il ne se contente pas de narrer une histoire mais apporte de nombreux éléments afin d’affiner son propos. La disparition des ouvrières, des abeilles, est un problème de société dont pâtissent les apiculteurs. Et derrière cette profession, c’est tout un système voué aux produits chimiques qui est mis en cause. Mais la politique s’invite également dans cette histoire qui ne pouvait ignorer les remous du parti au pouvoir, la concussion, mais aussi Le Ligue du Nord.

 Serge Quadruppani nous offre une autre vision du monde actuel, plus proche de la nature, pointant du doigt les dérives des laboratoires chimiques et de la finance. Evidemment, la vie des abeilles, ou plutôt la mort touche peu de monde, pour l’instant, mais si ceci n’est qu’un microcosme, cette brèche ouverte peut s’étendre de façon sournoise à tout un système écologique préjudiciable à l’être humain.

 

Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 

La chronique d’Albertine sur ce roman.

La chronique de Paco sur ce roman.

A lire aussi, la chronique de Paul sur :  Saturne.

 

 La disparition soudaine des ouvrières.
Serge QUADRUPPANI
Moyen format. Le Masque (Septembre-2011).
224 pages. 17€.