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25/02/2014

Le Duel, d’Arnaldur Indridason

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Une chronique de Jacques

Le dernier Indridason : jeu d’Échecs, intrigue policière et géopolitique pour le match Spassky-Fischer de 1972 !

 Le Duel, c’est celui qui opposa les deux joueurs d’échecs Boris Spassky et Bobby Fischer en 1972 à Reykjavik. L’écrivain islandais a choisi de placer sa nouvelle intrigue policière dans le contexte, mythique pour tous les joueurs d’échecs de la planète, de ce match fabuleux qui vit se défaire – pour un temps assez bref – la suprématie mondiale de l’URSS sur le monde des échecs au détriment des États-Unis. Le contexte de guerre froide et l’affrontement sans concession entre les deux blocs donnaient à ce championnat du monde une importance politique indéniable. Victoire du « Monde libre » pour les médias occidentaux si Fischer l’emportait, supériorité confirmée du système soviétique sur le capitalisme pour les Russes si Spassky conservait son titre : dans les deux cas l’obtention du titre serait affichée par le camp vainqueur comme une victoire politique de son système sur le système adverse. Même si chacun savait que cette utilisation maximale des symboles pour démontrer la prédominance d’un camp sur l’autre n’était que pure propagande, le jeu d’Échecs servait d’alibi pour masquer des considérations géopolitiques qui le dépassaient largement. Pendant quelques semaines, l’Islande devint le lieu où se focalisèrent les médias du monde entier : on n’a sans doute jamais autant parlé de ce petit pays qu’en cette année 1972.

Comment, dans ce contexte, Indridason s’y prend-il pour mêler une intrigue policière avec ce match au sommet ? Le plus simple aurait été que celui-ci serve simplement de toile de fond à une enquête en cours. Plus ambitieux, le créateur du personnage d’Erlandur Sveinsson a décidé de  lier de façon plus intime ce « duel » et une enquête sur l’assassinat à l’arme blanche d’un jeune homme de dix-sept ans dans un cinéma de Reykjavik.

C’est Marion Briem et son collègue Albert qui en sont chargés, et ils vont être pendant les premiers jours dans le brouillard le plus épais. Pourquoi ce jeune homme banal, passionné de cinéma, dont la seule originalité était d’enregistrer sur des cassettes audios les bandes sonores des films qu’il allait voir, a-t-il été l’objet de cette agression meurtrière ? Pourquoi son magnétophone et la serviette dans laquelle il mettait ses enregistrements ont-ils disparu ? C’est cet élément qui va les mettre sur la solution de l’énigme. Indridason nous a concocté une intrigue qui mêle étroitement histoires personnelles, diplomatie, géopolitique et championnat du monde d’Échecs. Nos deux enquêteurs tentent de dénouer les fils pas à pas, et peu à peu le brouillard dans lequel le lecteur est plongé s’éclaircit miraculeusement.

Dans le même temps, en alternance de chapitres avec cette partie policière, nous découvrons le passé de Marion, son enfance marquée par la tuberculose qui restait à cette époque un fléau redoutable, mais aussi par un secret de famille qui pèse encore sur sa vie d’adulte, longtemps après. Marion qui, envoyée au sanatorium de Kolding pour y être soignée, rencontre Katrin, une enfant de son âge bien plus atteinte qu'elle par le mal, avec qui elle va entamer une longue relation d’amitié amoureuse.

L’épaisseur des principaux personnages est ce qui fait la richesse de ce livre. Marion et Katrin nous entrainent dans les difficultés de leur maladie et nous font vivre les répercussions que celle-ci va avoir sur leur vie d’adulte, même guéris. D’autres personnages sont fortement campés, comme celui de Vidar, communiste islandais qui travaille à la compagnie d’électricité de Reykjavik et qui semble étroitement lié à l’affaire... mais de quelle façon ? Nous ne le saurons que dans les dernières pages du livre.

L’affaire résolue, Marion voit apparaître au commissariat un jeune homme inconnu, au visage triste : « de taille moyenne, râblé sans être enveloppé, il avait une épaisse tignasse qui tirait sur le roux. Son visage respirait l’intelligence, sa bouche était volontaire, mais ses yeux étaient marqués de profonds cernes qui lui parurent assez étranges chez un jeune homme aussi jeune ». Il vient d’être nommé à la circulation. Il se nomme Erlandur Sveinsson. La boucle est-elle bouclée ?

Jacques (lectures et chroniques)

 

Le duel
Arnaldur Indridason
Editions Métailié, bibliothèque nordique (Noir)
Traduit de l’islandais par Éric Boury
320 pages ; 19,50 €