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15/09/2014

Le village, de Dan Smith

village.jpegUne chronique de Cassiopée.

L’ennemi n’est pas toujours où on le croit….

 C’est sur une vision d’apocalypse que s’ouvre ce récit.

Il fait froid, les hommes ont peur, ils ont des difficultés à se chauffer, la nourriture manque. Un groupe se cache dans un petit village, espérant que l’Armée Rouge et les activistes les « oublieront »…et qu’ils resteront isolés, avec peu de moyens mais libres….même si rien n’est facile quand on vit si proches les uns des autres, la proximité exacerbant et déformant les émotions.

 Dès les premières pages, l’écriture sèche, âpre, rude de l’auteur retranscrit avec précision des faits et une ambiance funestes. On rentre de plein fouet dans la violence des hommes, des peuples opprimés. Chez ses gens, parfois obligés de tuer pour s’en sortir car ils n’ont pas d’autres choix. Le narrateur est l’un d’eux et la mise en abyme pour le lecteur en est d’autant plus douloureuse. On se prend à ressentir sa frayeur, sa terreur, à épouser sa cause, son combat, sa lutte, ses recherches. On a froid jusqu’aux os avec lui et les lueurs d’espoir sont rares. Mais Luka est un homme qui a vécu et qui sait que pour s’en sortir, il ne faut jamais rien lâcher. Alors on s’accroche avec lui, on se prend à penser que ce sera moins noir dans le chapitre suivant, plus facilement supportable mais l’auteur ne nous laisse pas de répit. En filigrane, omniprésent le stalinisme et ces miliciens qui cherchent à tout rafler, à tout récupérer, à annihiler les hommes ou à en faire des bêtes de somme.

 Homo homini lupus.

L’homme est-il un loup pour l’homme ? Peut-on dire que certains sont nés du mauvais côté ? Devient-on tourmenteur ou tortionnaire parce qu’on a subi de mauvaises influences ?

Où se trouve la limite entre ce qu’on peut appeler la légitime défense et le plaisir de la chasse à l’homme, de la traque ?…

La rencontre de Luka avec un des bourreaux est intéressante. Papa tous les deux d’une petite fille, pères aimés de leurs enfants, que peuvent-ils faire, eux qui sont ennemis ? Un seul doit survivre…

 « Elle était là en permanence, sous-jacente, mais jamais elle n’avait été aussi proche de la surface. »

De quoi parle Luka ? De la peur… Pas celle qui se présente à vous de temps à autre et vous permet de prononcer un « ouf » bien senti lorsqu’elle s’éloigne. Non, cette peur, qui, insidieuse, est en vous en continu, comme une seconde peau, ne faisant qu’une avec ceux qu’elle habite. Et cette peur, elle régente tellement tout que les relations entre les personnes sont faussées et elle les fait agir come des bêtes. Le « sens commun » disparaît, emporté par dans tourbillon d’actes non réfléchis mais réalisés à cause de « l’effet de groupe ».

 Avec des phrases courtes, des mots qui percutent, des descriptions froides et précises, Dan Smith nous emmène dans un monde sans illusion où le rapport à la violence et à la peur entraîne les hommes sur des chemins qu’ils n’auraient jamais pensé emprunter. Il décortique aussi remarquablement bien les rapports entre Luka et sa famille, sa femme, sa fille, ses jumeaux…

 Malgré sa noirceur, j’ai trouvé ce livre magnifique. Pourquoi ? Parce qu’il m’a bousculée, bouleversée, interpelée et c’est ce que j’attends de mes lectures. Et puis pour le style adapté à l’œuvre (la neige en rajoute une couche en plus), pour l’empathie qu’on ressent pour Luka (j’ai pensé à « La route »  de Cormac McCarthy) ; pour la précision quasi chirurgicale des événements présentés, pour l’atmosphère générale, pour les raisonnements de Luka qui analyse, observe pour atteindre son objectif sans faire d’erreurs…. 

 Ce livre m’a marquée au fer rouge et je ne suis pas prête de l’oublier…. Quelle claque!

 NB :C’est le premier roman de cet auteur traduit en français.

 

Le village
Auteur : Dan Smith
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hubert Tézénas
Éditions : Cherche Midi (21 Août 2014)
Collection : thrillers
Nombre de pages : 465
ISBN : 978-2-7491-3336-2