13/06/2012
L'invisible, de Robert Pobi
Une chronique de Christine.
Avez-vous remarqué comme la notion de « pire ennemi » varie selon les circonstances ?
Cela peut aller du gamin de cinq ans qui chipa votre doudou dans le dortoir de la maternelle à votre oncle Jean-Alphonse qui vous promit un avenir de délinquant notoire. Ou de votre patron, qui vous força à annuler vos vacances pour raison de service, à votre voisin actuel qui passe toujours sa tondeuse à l’heure de la sieste.
Mais pas besoin, le plus souvent, d’aller chercher aussi loin.
L’ennemi est peut-être beaucoup plus proche qu’on ne le pense.
Réfléchissez bien…
Donc, non, je ne crois pas au Diable. Je n’en ai pas besoin, l’homme a commis suffisamment d’horreurs pour m’impressionner. Donnez aux humains la possibilité de se comporter de façon monstrueuse et vous ne serez jamais déçu.
Cela fait une trentaine d’années que Jake Cole a quitté Montauk, la ville de son enfance, laissant loin derrière lui les rapports conflictuels avec son père et le drame vécu lors de l’assassinat de sa mère. Mais il est obligé de revenir lorsque son père, peintre de génie, artiste reconnu, est hospitalisé suite à une crise de démence. Il faut qu’il s’occupe de la maison familiale, et du placement de son père en établissement spécialisé.
Lorsque l’on retrouve dans la région les cadavres d’une femme et d’un enfant sauvagement dépecés, c’est tout naturellement que le FBI demande à Jake de prêter main-forte à la police locale. Car il est un agent spécial, très spécial, du FBI. Doté d’une capacité d’analyse hors norme, il sait comme nul autre s’imprégner d’une scène de crime pour élucider les affaires les plus sordides.
Son sang-froid et son détachement vont être mis à rude épreuve : tout dans cette affaire lui rappelle les circonstances de l’assassinat de sa mère. Serait-ce le même coupable, revenu trente ans après pourchasser la famille Coleridge de sa malédiction ? Car son père, sur son lit d’hôpital, l’a mis en garde : « Il » est revenu…et « Il » ne compte pas en rester là.
Mais comment savoir si ce sont élucubrations d’un cerveau malade, ou les avertissements d’un homme au courant d’un terrible secret ? Pour le savoir, il faudra réussir à décrypter les nombreux indices éparpillés dans la maison.
Il y a urgence, car un formidable ouragan approche des côtes, peut-être l’ouragan du siècle. Il reste peu de temps avant que la ville soit évacuée, et que les indices ne soient balayés par la tempête.
Mais il n’y a pas que les éléments qui se déchaînent.
La folie meurtrière également…
Ça sert à ça, la famille, Jakey. On fait pour la famille des choses qu’on ne ferait pour personne d’autre.
Difficile de poser ce livre une fois les premières pages lues. Tout concourt à capter l’attention du lecteur. Le personnage de Jake Cole tout d’abord, dont on découvre peu à peu l’histoire, peu banale, les failles, terribles, les rapports complexes autant avec son père qu’avec les autres membres de la famille.
Chaque détail compte, donnant une densité et une force peu commune à un personnage attachant dont le lecteur partage les doutes, les angoisses, les interrogations.
Les personnages ont tous une réelle présence. Certains, bien sûr, davantage que d’autres. Mais ils suscitent tous l’intérêt, tout en prenant place, au fur et à mesure, dans un ensemble beaucoup plus vaste dont on ne découvrira la vision d’ensemble que vers les toutes dernières pages.
L’intrigue, ensuite. Le suspense va crescendo, les rebondissements nous prennent vraiment par surprise, la tension monte, les pistes se multiplient. La construisant de telle manière qu’elle est menée en parallèle avec la progression de l’ouragan jusqu’à l’acmé commun, là aussi l’auteur nous manipule, plaçant ses pions les uns après les autres avec un certain machiavélisme. Ambiance stressante garantie !
La psychologie des personnages est loin d’être bâclée, il y a là une utilisation forte des liens familiaux, du poids des actes passés, des non-dits pour protéger l’autre ou pour se protéger.
Parlons également de l’art, qui occupe une belle place dans cette histoire. Ce ne sera pas sans rappeler quelques souvenirs aux lecteurs du livre de Jesse Kellerman « Les visages ».
Et sans oublier une large, très large, palette d’émotions… mais attention, il y a certains passages qui pourraient heurter les âmes sensibles. Mieux vaut vous prévenir, je ne tiens pas à avoir votre malaise vagal sur la conscience !
Le seul élément légèrement en deçà serait la chute, que je sentais plus ou moins venir vers les toutes dernières pages. Là aussi, il y a quelques références qui me viennent à l’esprit, mais je n’en dirai pas plus pour ne rien dévoiler.
Mais ne boudons pas notre plaisir ! C’est un roman vraiment épatant !
Pour résumé : un premier roman réussi, et un thriller intense que l’on peut placer sans hésiter dans les excellentes découvertes de cette année.
Christine, (Blog : Bibliofractale )
L’invisible
Robert Pobi
Sonatine (mai 2012)
425 pages
21,30 €
14:49 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |