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13/12/2015

Quartier rouge, de Simone Buchholz

quartier-rouge.jpgUne chronique de Bruno (BMR).

 

Pour celles et ceux qui aiment les villes d'eau (le foot c'est pas obligé).

Sept marins sur le coffre du mort et une bouteille de rhum.


On est toujours prêt à prendre le premier bouquin en partance pour voyager en classe polar.
Il y a parfois des vols low-cost un peu décevants comme celui qui nous a emmenés récemment en Grèce [clic].
D'autres qu'on aimerait faire durer le plus longtemps possible comme celui qui nous emportait au Chili [clic]. Pour ne citer que les voyages littéraires les plus récents.
Quant à Simone Buchholz elle nous invite en toute simplicité chez elle à Hambourg et plus exactement dans le quartier chaud de Sankt Pauli, le Quartier rouge, le Pigalle local.
Nous avions déjà visité (pour de vrai) la ville libre et hanséatique et son très agréable monde flottant, où il est bien difficile de séparer le côté ville et le côté port, tant la cité est tournée vers son fleuve, tant l'urbanisme tire profit des canaux. Ah les docs de Haffen-City ...
Comme beaucoup de villes allemandes, on s'y sent bien à peine arrivé, se disant que bosser ici serait une super idée (bon, on a visité en été ...).
Alors évidemment on n'a pas hésité une seconde à répondre à l'invitation de cette auteure, même si sa ville n'est pas réputée pour son climat accueillant.

« [...] Le brouillard de ce matin s’est transformé au fil des heures en un crachin froid et pénétrant. Une nouvelle fois, le soleil n’a pas réussi à s’imposer. »

Buchholz nous donne un petit polar sans prétention mais très agréable. Ni l'intrigue, ni le style ne prétendent venir trôner au sommet des étagères, mais il se dégage de la visite de Sankt Pauli un charme tout à fait plaisant. Certes c'est un polar et il y aura des cadavres, bien sûr, mais Simone Buchholz fait preuve d'un humour finaud et d'une autodérision tout à fait savoureuse, essentiellement grâce à son personnage clé fort réussi, la procureure Chastity Riley.

«  [...] Je peux à peine regarder. – On vous écoute, doc, lance Faller. Voilà notre répartition des rôles : à la morgue, c’est lui qui pose les questions pendant que j’essaie de ne pas tomber dans les pommes.
[...] La décoration intérieure est une catastrophe. Elle a probablement été refaite pour la dernière fois dans les années quatre-vingt, et c’est horrible. On se croirait de retour à l’époque de Derrick.
[...] – Avez-vous remarqué quelque chose ? Il me montre du doigt une quarantaine de paires de chaussures à talons aiguilles. – Rien d’extraordinaire, Faller. – Non ? Je trouve que ça fait beaucoup de chaussures. – Combien de paires votre fille en possède-t-elle ?

– Oh, une quinzaine, je dirais. – Vous voyez. Et c’est une étudiante sérieuse. Quarante paires pour deux jeunes femmes qui bossent dans un club de strip-tease, ça n’a rien d’exceptionnel. – Combien de chaussures avez-vous, Chas ? – Trois paires. Il arque le sourcil gauche. Je l’imite.
[...] – Pouvons-nous parler à vos autres employées ? demande sèchement Calabretta. Fidèle à l’image qu’on se fait d’un flic, il prend vraiment son boulot à cœur. Il met toujours des vestes trop étroites pour qu’on puisse voir qu’il porte un flingue. Je me sens détendue en sa compagnie. »

Pour vous permettre de mesurer à quel point cette ambiance bon enfant nous a séduit, sachez donc que la procureure Chastity est fan de foot, voire ex-hooligan !

« [...] – Comment était le match ? demande Klatsche. – Super. – Sankt Pauli a gagné ? – Oui. C’était serré et pas mérité, mais c’est une belle victoire quand même. On a fait la nouba dans le stade. – Espèce de hooligan, ricane Klatsche. Pour lui, les matchs de troisième division n’ont aucun intérêt. »

Même si pour une fille cela peut éventuellement passer pour un trait de charme un peu étrange, même s'il s'agit d'un club de troisième zone comme celui de Sankt Pauli, vous imaginez bien qu'on a été à deux doigts simone_bucholz.jpgde refermer la liseuse étant donné notre répulsion viscérale pour le côté obscur de cette religion footesque !
Alors ne le répétez pas mais tout cela passe fort agréablement : de toute évidence, Simone Buchholz est amoureuse de sa ville, de son quartier et de ses personnages (et de son club de foot).
Cette empathie a vite fait d'emporter le lecteur avec elle.

« [...] J’avais l’intention de rester deux ou trois ans, puis d’aller vivre à Berlin. Mais les choses ne se sont pas déroulées comme prévu. Au bout de trois mois, je ne voulais plus quitter Hambourg. Aujourd’hui, je ne sais toujours pas exactement pourquoi. Je ne connaissais personne ici, je n’avais que moi et ma mauvaise humeur. Et le port. Je crois qu’avec une ville, c’est comme pour le football : ce n’est pas toi qui choisis ton club, c’est ton club qui te choisit. Dans mon cas, c’est Sankt Pauli, le quartier et son club. Je lui en suis reconnaissante. Le port me le rappelle chaque fois que je suis sur le point de l’oublier. »

 

Ce bouquin est le premier traduit en français d'une série intitulée Hamburg-Krimi.
On repart chez Simone/Chastity dès qu'un autre avion est annoncé !

 Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR