11/05/2015
Bleu catacombes, de Gilda Piersanti
Pour celles et ceux qui aiment les femmes qui aiment les femmes.
Polar saphique.
Tout à notre obsession de délaisser les rivages septentrionaux du polar nordique, tout enthousiasmé par notre exploration assez récente des côtes italiennes [1] [2] [3] [4] [5], on a bien failli tomber dans un piège mortel ...
Gilda Piersanti (une italienne installée en France) nous proposait une balade Bleu catacombes.
Celles de Rome bien sûr, qui ont une Histoire bien différente de celles de la place Denfert (1).
Le voyage avait l'air prometteur.
Il y a des livres qui dès les premières phrases, dès les premiers mots, vous accrochent et ne vous lâchent plus.
Et puis parfois, pas souvent heureusement, on tombe sur un livre comme celui-ci où, une fois lu le premier chapitre, on se dit : mais bon sang ! qu'est-ce que c'est que ce truc ? chez qui on est tombé ? c'est quoi cette arnaque ?
Comme bien souvent, ce premier chapitre s'ouvre ici sur la scène même du crime : ce sera là du grand guignol, bâclé et vulgaire, digne d'une partouze dans un club échangiste de province.
Miraculeusement, les quelques lignes suivantes auront sauvé la mise : il y est tout de suite question de Judith et d'Holopherne.
Longtemps le tableau de Gustav Klimt avait orné un mur de notre salon.
Intrigué, on poursuit alors quelques lignes. Finalement, les références à la peinture nous entraîneront plutôt du côté d'Artemisia Gentileschi dont le tableau est plus approprié à un polar sanglant que celui du père de la Sécession Viennoise.
Mais revenons au bouquin.
Un polar au féminin. Et c'est rien de le dire, vous allez voir.
C'est écrit par une dame, ça on avait vu.
Le flic est une fliquette.
Son adjointe est aussi une fliquette ... adepte des amours saphiques.
Du côté des victimes et des assassins ... vous verrez bien.
On a aussi noté les références au mythe de Judith et de sa servante : des féministes avant l'heure, qui trucidèrent Holopherne victime de son désir aveugle de mâle.
Et parmi toutes les peintures qui empruntèrent cette mythologie, l'auteure a retenu le tableau d'Artemisia Gentileschi qui est ... une peintresse(2).
Plus féminin que tout ça, tu meurs.
Si l'on écarte l'innommable premier chapitre (le premier crime), tout commence par la découverte d'une tête coupée (Judith, Holopherne, vous y êtes ?) dans les catacombes où les touristes viennent quêter un peu de fraîcheur en pleine canicule estivale.
« [...] L’enquête débutait relativement à l’abri des pressions pour une affaire aussi extraordinaire que la découverte, à quelques dizaines de kilomètres de distance, de deux têtes coupées, dans des lieux aussi improbables que la cabine de plage d’un établissement chic de bord de mer et une galerie de catacombes fréquentée par les touristes. »
Et comme on a affaire à des assassins ‘redoutables’, d'autres têtes vont encore tomber tout au long du bouquin !
« [...] La seule pitié que nous pouvons vous accorder, c’est de vous laisser le choix de l’endroit où vous voulez qu’on retrouve votre tête. L’aquarium ? La terrasse ? Le congélateur de votre cuisine ? Je ne peux plus vous proposer les catacombes car ces derniers temps elles sont excessivement bien protégées par notre police nationale. »
Quant à la morale de l'histoire, je répète pour ceux qui, endormis par la chaleur caniculaire, n'ont toujours pas compris :
« [...] Elle avait probablement séduit Max dans le seul but de le décapiter, comme toutes ces Judith qu’il avait filmées des années durant. Max avait mis tant de Judith dans son lit qu’il avait fini un jour par rencontrer la vraie. »
Alors, aiguillonné par ces histoires d'artistes maudits et de Judith(s), on continue cette lecture improbable d'un roman de série Z qui finalement, en dépit ou à cause de ses prétentions, ne rend guère honneur aux plaisirs saphiques et à la gente féminine.
Jugez plutôt du niveau où la prose de dame Piersanti tombe parfois :
« [...] Mariella privilégiait surtout les nouveautés en matière de lingerie fine ; elle aimait les soutiens-gorge en mousseline de soie, organdi, satin, tulle illusion ou gaze impalpable, bordés de dentelles Chantilly, brodés de valenciennes ou semés de plumetis, mais elle ne méprisait ni le coton ni le lycra stretch. »
Ooops !
Et encore, le pire est à venir :
« [...] Dans le domaine sexuel, chacun a le droit de désirer qui il veut. Quant à l’objet du désir, je n’ai en fait que deux interdits majeurs : les enfants et la famille. Et les animaux, bien sûr ! »
Aaargh. Voilà bien une sentence dont tous les mots ont été soigneusement pesés et qui va certainement ouvrir grand les esprits et faire progresser les mœurs.
Finalement, au fil des pages, porté par l'intrigue artistico-policière, on finit par prendre tout cela au second degré, on s'amuse des maladresses répétées et insistantes de dame Piersanti pour instiller des évocations sulfureuses dans son bouquin. Ce n'est pas très gentil pour cette auteure qui ne nous voulait pas de mal (elle aime les animaux, on l'a vu) mais c'est bien hélas, la seule façon de cuisiner ce navet à la sauce italienne.
Un bouquin que vous pourrez donc abandonner sur les plages cet été.
(1) - même si un téléfilm français avec Patrick Chesnay a été adapté du roman et transposé dans les sous-sols parisiens
(2) - à qui il est arrivé des trucs pas cools : n'allez pas voir tout de suite sur gougoule, attendez un peu d'être arrivé à mi-parcours du bouquin.
Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR
18:37 Publié dans 04. autres polars | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bleu catacombes, gilda piersanti | Facebook | |