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15/11/2014

La 3e guerre, de Stéphanie Aten (chronique 2)

3eguerrebis.jpgUne chronique d’Albertine.

 Qu’est ce qui est le plus étonnant dans ce suspense de Stéphanie Aten ? Est-ce le revirement de l’agent secret, Aten, mercenaire de l’armée privée internationale, le PAREM ? Est-ce la victoire des altermondialistes sur les rapaces de la finance internationale et du grand capital ? Est-ce le rôle joué par Internet dans cette victoire ? Pas vraiment (même si sur ce dernier point, l’auteur pousse très loin l’hypothèse d’une prise de pouvoir de ce « cerveau planétaire », à un point il est vrai, surprenant).

Mais non, le plus étonnant est dans la mise en scène de ces altermondialistes qui révèlent collectivement et durablement leur capacité d’empathie, de solidarité, de compassion, de pardon ; et pour lesquels ces qualités sont la condition même pour combattre efficacement les exploiteurs et changer le monde. Les personnages d’exception qui dirigent le mouvement altermondialiste, portent l’humanisme à son apogée, abandonnant leurs attachements matériels, pour devenir « vraiment » humains.

Ainsi Bianco dira-t-il : « Toute ma vie je suis resté sur le territoire bien confortable de ce néant, ne vivant que pour l’argent, un argent lui-même virtuel. J’ai vécu dans ce néant pour du vent. J’ai vécu sans être un homme, sans être une âme, quel fou j’ai été...(...) je veux redevenir quelqu’un. Je veux mourir en me disant que j’aurai été un tout petit peu grand, que j’aurai oeuvré pour l’intérêt de tous plutôt que pour le mien ; que les autres auront eu besoin de moi et que j’aurai été là. » (...) «’3’ est un miracle. Surgi de nulle par. ‘3’ nous offre une chance. Il faut cesser de dire qu’on ne peut rien faire, c’est faux, tout ne dépend que de nous au contraire. Et même si on perd... j’aurai vécu. J’aurai été vivant. »

Le plus étonnant est dans l’affirmation que oui, certains peuvent exercer un pouvoir sans souci de s’en approprier le mérite, et sans chercher à le capter, quittant la scène du combat tels des martyrs. On aura compris que la dimension mystique est profondément présente, alors même qu’il s’agit bien de luttes sociales et politiques, un terrain où la quête spirituelle n’est pas au premier plan. « Aimer permettait à l’Etre de rester unique, tout en ne pouvant devenir entier qu’en tant que parcelle des autres. La Vie elle-même reposait sur cet enchevêtrement. Il s’agissait d’un maillage invisible. D’une trame reliant le vivant. Partout dans le monde, au même moment, l’Humanité renouait ce lien et se trouvait ainsi nantie de la force qui allait avec lui. En bon athée qu’il avait toujours été, Aten ne l’avait jamais soupçonné. Mais dans les yeux de Mina, il s’y trouva inséré. ».

Révélation d’une Voie : nous sommes bien dans une forme de quête spirituelle. La force de l’auteur est de ne pas s’y abandonner, mais de montrer comment peuvent s’articuler les choix de vie personnels et les engagements politiques, en postulant que la cohérence des deux dimensions est une condition d’efficacité. En creux, elle souligne le caractère exceptionnel d’une telle cohérence, et dessine ainsi une critique discrète mais parlante, des faiblesses des mouvements sociaux, trop souvent minés par les combats d’égo ou les conflits de pouvoir personnel. Mais au total comme le dit Jacques, on gagne à se laisser porter par cette belle utopie, joliment racontée, et peut être, à réfléchir sur son message subliminal.

A Marseille, le 15 novembre 2014, Albertine.

La 3e guerre
Stéphanie Aten
Éditions Hélène Jacob (septembre 2014)
Collection Thriller/Suspense
530 pages ;