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29/10/2014

La 3e guerre, de Stéphanie Aten

la 3e guerre,stéphanie atenUne chronique de Jacques.

Et si l’altermondialisme triomphait ?  

Nombreux sont ceux qui en ont rêvé, Stéphanie Aten l’a réalisé, même si ce n’est que dans son roman : les altermondialistes vont gagner la guerre contre le libéralisme, les puissances financières, les structures européennes moisies et antidémocratiques, l’OMC, le FMI, Monsanto... en bref, tous ceux qui étranglent les peuples de la planète pour donner libre cours à leur cupidité !

Et croyez-moi, assister au triomphe d’une utopie en marche est non seulement revigorant,  mais cela pourrait même vous rendre euphorique. Car il faut bien l’avouer, même parmi les plus convaincus, plus personne n’y croit vraiment : « ils » sont trop forts, trop puissants, trop bien organisés pour perdre autre chose que de minuscules batailles, qui n’ont de toute façon pas d’importance vitale pour le système. Certes, ces batailles chacun convient qu’il faut les mener, car la résistance est la moindre des choses si on ne veut pas être totalement laminé, mais c’est avec le sentiment qu’il faudra des décennies, sinon des siècles, pour parvenir enfin à une société mondiale dans laquelle les valeurs humanistes de solidarité et de justice sociale soient au cœur de nos sociétés.

Comme dans la sixième extinction de Guillaume Lebeau, l’enjeu se situe au niveau de la planète, climatique pour le premier roman, politico-économique pour l’autre. Les personnages de la 3e guerre, quel que soit leur camp, ont tous – mondialisation oblige – une analyse globale de la situation, des problèmes à résoudre, des rapports de force à établir. Mais ce roman est aussi un roman de suspense, dans lequel les enjeux proposés par l’intrigue sont à la fois personnels, et politiques.

Pour mettre en place cette intrigue, l’auteur met en scène deux camps qui se livrent une lutte sans merci : d’un côté le groupe Bilderberg, considéré comme le maitre d’œuvre occulte de la dérégulation toujours croissante de l’économie mondialisée, qui est représenté ici par un de ses principaux dirigeants, surnommé l’Orgueilleux ; de l’autre une mystérieuse organisation altermondialiste qui s’est choisie comme nom « 3 ». Structurée comme une armée, dotée de moyens financiers impressionnants et de militants venus de tous les pays, « 3 » est dirigée par un chef inconnu de tous, surnommé l’Architecte, lui-même entouré d’une équipe dirigeante choisie dans différents pays du monde.  

Bilderberg, pour mener à bien ses différents projets, a créé une armée internationale de mercenaires, le PAREM, et a comme objectif de faire de cette armée une armée mondiale qui conforterait son pouvoir économique dans tous les pays où la dérégulation libérale créerait des conflits violents... et ces pays sont nombreux !

La personnification du conflit va se jouer pour l’essentiel entre deux personnages-clés : Aten Daleth et Mina Attale. Le premier est un mercenaire de PAREM chargé de liquider un altermondialiste et qui souhaite après ce dernier contrat abandonner un travail qui commence à le lasser ; la deuxième se révèle au fil de l’histoire être une des responsables de « 3 ». Aten, qui a l’occasion de rencontrer plusieurs fois Mina, commence à se poser des questions sur la justesse de la cause altermondialiste. Va-t-il changer de camp et mettre au service de « 3 » sa connaissance approfondie de PAREM ?

L’auteur joue sur une triple partition : d’un côté une documentation solide sur les catastrophes humaines et écologiques engendrées par le libéralisme, de l’autre des  analyses fines, précises, argumentées sur la légitimité d’une action collective mondiale pour proposer une autre société ; enfin pour lier l’ensemble, elle a créé des personnages forts, bien campés, pour certains attachants, qui font voyager le lecteur du Brésil à Israël en passant par le Bangladesh et la Suisse.

Stéphanie Aten nous propose dans ce roman une Utopie sympathique et originale, dans laquelle le rôle de l’intelligence collective d’Internet va être essentiel pour la réussite du projet altermondialiste. Si le thème du roman est très politique, il est aussi, dans le même temps, un véritable roman d’aventure, d’action et de suspense.

De quoi nous faire rêver, pendant la lecture de ces 530 pages, à un monde meilleur...

 

La 3e guerre
Stéphanie Aten
Éditions Hélène Jacob (septembre 2014)
Collection Thriller/Suspense
530 pages ;

Commentaires

Qu’est ce qui est le plus étonnant dans ce suspense de Stéphanie Aten ?
Est-ce le revirement de l’agent secret, Aten, mercenaire de l’armée privée internationale, le PAREM ? Est-ce la victoire des altermondialistes sur les rapaces de la finance internationale et du grand capital ? Est-ce le rôle joué par Internet dans cette victoire ? Pas vraiment (même si sur ce dernier point, l’auteur pousse très loin l’hypothèse d’une prise de pouvoir de ce « cerveau planétaire », à un point il est vrai, surprenant).

Mais non, le plus étonnant est dans la mise en scène de ces altermondialistes qui révèlent collectivement et durablement leur capacité d’empathie, de solidarité, de compassion, de pardon ; et pour lesquels ces qualités sont la condition même pour combattre efficacement les exploiteurs et changer le monde.
Les personnages d’exception qui dirigent le mouvement altermondialiste, portent l’humanisme à son apogée, abandonnant leurs attachements matériels, pour devenir « vraiment » humains. Ainsi Bianco dira-t-il : « Toute ma vie je suis resté sur le territoire bien confortable de ce néant, ne vivant que pour l’argent, un argent lui-même virtuel. J’ai vécu dans ce néant pour du vent. J’ai vécu sans être un homme, sans être une âme, quel fou j’ai été...(...) je veux redevenir quelqu’un. Je veux mourir en me disant que j’aurai été un tout petit peu grand, que j’aurai oeuvré pour l’intérêt de tous plutôt que pour le mien ; que les autres auront eu besoin de moi et que j’aurai été là. » (...) «’3’ est un miracle. Surgi de nulle par. ‘3’ nous offre une chance. Il faut cesser de dire qu’on ne peut rien faire, c’est faux, tout ne dépend que de nous au contraire. Et même si on perd... j’aurai vécu. J’aurai été vivant. »

Le plus étonnant est dans l’affirmation que oui, certains peuvent exercer un pouvoir sans souci de s’en approprier le mérite, et sans chercher à le capter, quittant la scène du combat tels des martyrs. On aura compris que la dimension mystique est profondément présente, alors même qu’il s’agit bien de luttes sociales et politiques, un terrain où la quête spirituelle n’est pas au premier plan. « Aimer permettait à l’Etre de rester unique, tout en ne pouvant devenir entier qu’en tant que parcelle des autres. La Vie elle-même reposait sur cet enchevêtrement. Il s’agissait d’un maillage invisible. D’une trame reliant le vivant. Partout dans le monde, au même moment, l’Humanité renouait ce lien et se trouvait ainsi nantie de la force qui allait avec lui. En bon athée qu’il avait toujours été, Aten ne l’avait jamais soupçonné. Mais dans les yeux de Mina, il s’y trouva inséré. ». Révélation d’une Voie : nous sommes bien dans une forme de quête spirituelle.
La force de l’auteur est de ne pas s’y abandonner, mais de montrer comment peuvent s’articuler les choix de vie personnels et les engagements politiques, en postulant que la cohérence des deux dimensions est une condition d’efficacité.

En creux, elle souligne le caractère exceptionnel d’une telle cohérence, et dessine ainsi une critique discrète mais parlante, des faiblesses des mouvements sociaux, trop souvent minés par les combats d’égo ou les conflits de pouvoir personnel.

Mais au total comme le dit Jacques, on gagne à se laisser porter par cette belle utopie, joliment racontée, et peut être, à réfléchir sur son message subliminal.

A Marseille, le 15 novembre 2014

Albertine,



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Écrit par : Albertine | 15/11/2014

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