29/10/2018
Le fruit de mes entrailles, de Cédric Cham
Une chronique de Cassiopée
Du gris clair au noir foncé….
Trois personnages atypiques vont s’effleurer, se croiser, se chercher, se percuter dans le dernier roman de Cédric Cham. Il y a Amia, une jeune femme tombée dans la prostitution par hasard, par erreur, par un de ces concours de circonstances qui vous entraînent là où vous ne voulez pas aller. Simon, un ancien braqueur, devenu détenu modèle qui n’est pas loin de la liberté conditionnelle. Alice, une flic efficace qui ne laisse rien voir sous la carapace qu’elle a forgée pour se protéger. Chacun d’eux a une route (presque) tracée, une projection de l’avenir pratiquement établie même si ce n’est pas la meilleure. Mais il suffit d’un grain de sable, d’un tout petit truc et l’équilibre se rompt. La transmission de la vie, la mort, la maladie, chacun son caillou dans sa chaussure et tout boîte. Que faire ? Continuer le chemin au risque de se perdre, de ne plus jamais se regarder en face dans un miroir ? Essayer de changer le cours du destin, de lutter quels que soient les écueils, les préjudices probables ? Qu’est-ce qui pousse un homme, une femme sur une voie plutôt qu’une autre ? La réponse est simple : l’amour. Que ce soit celui de la chair de sa chair, celui de son travail, celui de la vie ….
C’est avec un style fort, puissant, une écriture percutante et limpide que l’auteur nous fait entrer dans son intrigue. On croit très vite avoir touché le fond mais les ténèbres sont là, de plus en plus profondes, de plus en plus obscures et elles nous engloutissent, nous submergent. Les trois protagonistes sont attachants, chacun à sa manière, avec sa part d’ombre, ses failles, sa soif de justice, son désir de mieux faire. Avancer encore et encore, malgré tout ce qui se met en travers, se prouver que c’est possible, que l’on peut rester fidèle à la décision prise en amont, que l’on va y arriver, que l’on peut surnager. Ces trois-là souffrent, chacun se disant qu’à chaque jour suffit sa peine, un pas après l’autre. Jusqu’où iront-ils ? Loin, si loin, au bout du chemin …. se battant au quotidien, essayant de rebondir après chaque événement tragique, difficile à vivre, que ce soit moralement ou physiquement. Ils sont différents mais également si semblables dans leurs souffrances, et pour ça, ils peuvent se comprendre….
J’ai eu la chance de rencontrer Cédric Cham à la fête du livre de Saint-Etienne et lorsqu’on le voit si calme, si posé, si serein, on se demande où il puise son inspiration. Ce récit est noir, du vrai noir pur et dur, qui vous marque au fer rouge, qui vous laisse pantelant, car on le sait, on n’est pas loin de certaines « horreurs » qui existent réellement et contre lesquelles la société doit lutter. Son récit a des accents d’authenticité et il est d’autant plus marquant pour cela.
Oui, c’est terrifiant ; oui, c’est captivant (mais dérangeant car on lit des choses sordides dont on sait qu’elles peuvent être réelles) ; oui, c’est addictif tant les phrases sont lourdes de sens, l’atmosphère précise et vivante et les différents individus bien en place. C’est un ensemble parfaitement maîtrisé et Cédric Cham a sa place dans la cour des grands !
NB : Et quelle belle play list !!
Le fruit de mes entrailles
Auteur : Cédric Cham
Éditions : Jigal (Septembre 2018
ISBN : 978-2-37722-044-1
280 pages
Quatrième de couverture
Vrinks, fiché au grand banditisme, finit de purger une longue peine en centre de détention quand on lui annonce brutalement que le corps mutilé de sa fille Manon a été retrouvé dans un fleuve. Fou de rage, il ne pense plus qu’à s’évader pour la venger… Amia, jeune femme d’une vingtaine d’années, prisonnière d’un sordide réseau de prostitution, réalise soudainement qu’elle va être mère ! C’est peut-être le signal qu’elle espérait pour trouver la force de fuir les griffes de ses bourreaux.
15:52 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : le fruit de mes entrailles, cedric cham | Facebook | |