Rechercher : tempête blanche
Piège mortel en haute mer, de Guillaume Lefebvre
Une chronique de Cassiopée
Guillaume Lefebvre était capitaine de navire et ses romans s’inscrivent dans ce contexte qu’il connaît bien, avec un vocabulaire ciblé. Le lire c’est découvrir une intrigue policière mais également la vie sur un navire de quatre-vingt-onze mètres de long sur lequel le quotidien est gouverné par certaines règles et par un fonctionnement bien précis.
C’est sur l’Opale que va se dérouler l’essentiel de cette histoire et pour que le lecteur soit au plus près des événements, il y a régulièrement des QR codes qui permettent de découvrir différents lieux du bâtiment ou des actions liées à ses activités. J’ai trouvé cela très astucieux et surtout intéressant car on visualise plus facilement les scènes. C’est vraiment un atout pour ce livre de voir ces vidéos ! Elles ne sont pas trop longues et on replonge facilement dans le récit.
Louise, une jeune journaliste, est amoureuse de Mike. Elle possède un voilier pour ses loisirs et elle aime les sorties en mer mais elle a quelques difficultés financières à cause de cet achat. Mike lui propose de se faire de l’argent et elle accepte. Il faut dire que le beau gosse sait lui parler et qu’elle est sous son charme. Récupérer des sacs de drogue avec son bateau, les livrer, toucher le pactole et ce sera fini. Louise n’est pas très à l’aise avec cette idée mais Mike sera avec elle et ça ira vite et après ce sera fini, elle se laisse convaincre…. Les choses tournent mal, le jeune homme est enlevé par les malfrats et Louise est perdue…. Elle ne peut quand même pas demander de l’aide à la police ! Elle veut pourtant retrouver son chéri. En accord avec la rédaction de son journal, elle se retrouve sur l’Opale, dirigé par le capitaine Armand Verrotier. C’est peut-être un moyen de solutionner son problème. Armand pense qu’elle veut écrire un article sur la vie à bord, il ne se doute pas que sa présence apportera des ennuis en cascade (il en déjà quelques-uns) et que tout ça va l’entraîner loin.
L’auteur montre la différence de navigation entre l’embarcation de loisirs et les paquebots utilisés pour le travail. Les repères peuvent varier, on ne dirige pas ces bateaux de la même façon ! Il faut énormément de synchronisation sur l’Opale. Les repos peuvent être aléatoires, chacun est obligé de se tenir à son poste et prend son rôle au sérieux. Le capitaine doit se montrer ferme mais attentif à chacun.
J’ai trouvé ce livre bien construit. L’auteur glisse le vocabulaire maritime avec intelligence et les notes de bas de page nous aident à cerner ce qui nous échappe. Il est dans son élément, il sait de quoi il parle et ça donne de la consistance à ses personnages, notamment Armand Verrotier dont il analyse les ressentis, les hésitations, les prises de décision avec finesse. La vie en pleine mer est loin d’être un long fleuve tranquille ! Sans trop nous plomber par des descriptions, avec quelques détails et les QR codes, on est vraiment au cœur de l’action et on ressent bien l’atmosphère à bord. J’ai réalisé que ce n'était pas si grand que je l’imaginais et c’est presque un huis clos quand on vit ensemble plusieurs semaines ou mois. Il est difficile de s’échapper pour souffler !
L’écriture et le style de Guillaume Lefebvre s’affirment de plus en plus et c’est un vrai plaisir de retrouver cette ambiance bien particulière qu’il instaure. On s’y croirait !
Éditions : Aubane (25 janvier 2023)
ISBN : 978-2492738883
312 pages
Quatrième de couverture
Lorsque le capitaine Armand Verrotier accepte de prendre à son bord Louise Charpentier, jeune journaliste prometteuse native de Saint-Valéry-sur-Somme, il est loin de se douter que la jeune femme n’est pas là par hasard. Après avoir infiltré lors de son dernier reportage le milieu du trafic de stupéfiants, elle est maintenant recherchée et son ami a été enlevé. À bord de l’Opale, le duo va devoir affronter bien des tempêtes.
26/02/2023 | Lien permanent
Police, de Jo Nesbo
Une chronique de Bruno (BMR )
Pour celles et ceux qui aiment Harry Hole.
Harry, es-tu là ?
Est-ce le réchauffement planétaire et la fonte des glaces mais la source des polars nordiques semble intarissable et Jo Nesbo n’est pas en reste.
Voici donc Police (on a loupé un ou deux épisodes précédents).
Pourtant depuis quelques temps, depuis le Bonhomme de neige notamment, la plume du norvégien s’est essoufflée et semble avoir pris un virage qui ne nous enthousiasme plus guère : thriller, serial-killer et policiers ripoux, ces ingrédients trop classiques prennent désormais toute la place et Police (avec un titre pareil, c’était couru !) coule de la même veine.
Reste notre fidélité à cet auteur découvert il y a plusieurs années et une écriture toujours très pro, évidemment.
Un serial-killer s’en prend à des flics qui semblent avoir en commun le fait de ne pas avoir élucider d’anciennes affaires …
[…] « Tu vois quelque chose ? demanda Katrine.
— Ouais, dit Harry.
— On a besoin des TIC ?
— Ça dépend.
— Ça dépend de quoi ?
— Ça dépend si la Brigade criminelle est prête à se charger de cette mort. »
[…] Comme disait Harry, un tueur en série, c'est une baleine blanche. Un tueur en série de policiers, c'est une baleine blanche à pois roses. Il n'y en a pas deux.
[…] Rien que dans le district d'Oslo… il y a combien de policiers ?
— Mille huit cent soixante-douze », dit Katrine. Ils la dévisagèrent.
Elle haussa les épaules. « Je l'ai lu dans le rapport annuel de la police du district d'Oslo. »
Ils continuèrent de la dévisager. « La télé du studio ne marche pas, et je n'arrivais pas à dormir. OK ?
— Peu importe, dit Bjørn.
Jo Nesbo nous a habitué aux fausses pistes longuement crédibles, mais cet épisode est épicé de deux passages particulièrement retors (au tout début et à la toute fin) pendant lesquels l’auteur nous roule joliment dans la farine sur plusieurs pages et nous fait prendre, très habilement il faut le reconnaitre, des vessies pour des lanternes : on se surprend même à relire frénétiquement les pages précédentes en se disant mais, bon sang de bonsoir, comment a-t-on pu lire/croire que …
Cruel est l’auteur pour le lecteur crédule.
Et bien sûr c’est un festival, on a droit à du ‘grand’ Harry Hole toujours aussi déjanté qui ravira, une fois de plus, les inconditionnels de la première heure.
[…] — Il a parlé d'une intuition, dit Beate. Par là, il veut dire…
— Une analyse fondée sur des faits non structurés, dit Katrine. Connue sous le nom de “méthode Harry”.
[…] Øystein prit une cigarette et l'alluma avec son briquet.
« Harry.
— Oui.
— T'es le plus enculé de solitaire que je connaisse. » Harry regarda sa montre. Bientôt minuit. Il cligna des yeux.
« Je dirais plutôt seul.
— Non. Solitaire. Par choix. Et bizarre.
— Bon, dit Harry en ouvrant la portière.
[…] « Bon sang, Harry… Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
— Juste une explosion. C'est moins grave que ça en a l'air.
— Pas grave ? Tu as l'air d'une orange de Noël avec ses clous de girofle.
— C'est seulement…
— Je veux dire, une orange sanguine, Harry. Tu pisses le sang.
[…] Harry déboula à l'accueil. Les gens le regardaient fixement et s'écartaient. Une femme se mit à crier, une autre plongea derrière un comptoir. Harry se découvrit dans le miroir derrière le comptoir. Un type de près de deux mètres, rescapé d'une bombe, avec à la main le pistolet automatique le plus hideux de la planète. « Sorry, folk », marmonna Harry. Et il passa la porte à tambour.
Réservé aux fans.
À ceux qui ne connaîtraient pas encore (mais est-ce possible ?), on conseillera plutôt d’anciens épisodes comme Le sauveur ou Rue Sans-souci, dans un registre moins thriller et plus intello-polar.
Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR
Police
Jo Nesbo
Editions Gallimard (mars 2014)
Collection série noire/thrillers
608 pages
22/12/2014 | Lien permanent
Léviathan, tome 2 : la nuit, de Lionel Davoust
Une chronique de Christophe.
"Le pouvoir trouve toujours un moyen".
C'est super dur les romans en plusieurs tomes. Parce qu'en général, ils ne sortent pas en même temps ou alors, nous, lecteurs impatients, ne savons pas attendre d'avoir la totalité du projet en main pour nous lancer... C'est une nouvelle fois le cas avec "Léviathan", le projet de thriller fantastique de Lionel Davoust, dont les deux premiers tomes (sur 3) sont en librairie et le dernier volet attendu pour 2013 (seulemeeeeent, dit-il avec un râle de désespoir). J'avais déjà parlé ici de "Léviathan : la Chute", premier volet de cette ambitieuse trilogie. Voici donc, en rongeant mon frein en attendant de découvrir le dénouement de cette histoire, son coeur : "Léviathan : la nuit".
Lorsque Michael Petersen, lors d'une tempête aussi violente qu'inattendue, a été porté disparu dans les eaux froides et sombres de l'Antarctique au cours d'une mission de routine, les autres membres de l'équipe ont sérieusement douté de le retrouver. Encore moins vivant. Pourtant, alors que le calme est revenu aussi subitement que la tempête s'était levée, les recherches désespérées de l'équipe vont permettre de retrouver le corps de Michael, échoué sur la grève d'un îlot désert...
Et, à la grande surprise de tous, Petersen vit encore. Faiblement, c'est vrai, mais il respire. En revanche, il est inconscient, plongé dans un coma d'une profondeur qui laisse perplexe le médecin de la base. Pour lui, aucun doute, ce coma n'en est pas tout à fait un, en fait, Michael Petersen serait en train de... rêver !
De quoi déconcerter tous ses collègues présents au bout du monde, dans ce lieu hostile ou Petersen, eu égard à sa phobie de l'eau, n'aurait jamais dû se trouver. Mais un état qui, en revanche, ne surprend pas du tout le mystérieux "Comité". Cette organisation aussi discrète que tentaculaire a toujours exercé une surveillance serrée autour de Michael Petersen, au point de noyauter tout son entourage familial.
Ayant appris ce qui était arrivé au zoologiste, un des membres du Comité, connu sous le nom de Julius Ormond, mais sans doute n'est-ce là qu'un nom d'emprunt, fait le voyage jusqu'en Antarctique pour venir récupérer Petersen et le ramener chez lui, auprès des "siens", qui sauront au mieux veiller sur lui... Une attention aux raisons encore bien mystérieuses, même si l'on ressent une véritable crainte concernant Petersen, dont le profil de bon père de famille, un peu plan-plan, sans envergure, bref, qui n'a rien pour effrayer les foules... a priori.
Savoir son mari aussi redouté par des êtres aussi puissants que les membres du Comité a fini par mettre la puce à l'oreille de Masha, son épouse, agent du Comité elle-même, mais qui, au fil des années, a fini par prendre son rôle d'épouse, et surtout de mère, très à coeur, au point de ne plus trop savoir dans quel camp elle se situe. La voilà bien décidée à comprendre ce que cache cet époux dont elle croyait tout savoir, dans le but de sauver cette cellule familiale qui lui est devenue très importante.
Mais, lorsque Petersen revient aux Etats-Unis, commence une série d'évènements qui vont changer beaucoup de choses... D'abord à Portland, puis à Los Angeles, dans le cercle même intime du zoologiste, des crimes terribles sont commis, de façon assez inexplicable... Mais ces indices incroyables et les causes de la mort des victimes ne peuvent renvoyer qu'à une seule personne : Michael Petersen, tout juste réveillé de son coma onirique...
Qu'est-il arrivé à cet homme pour qu'il se retrouve aussi soudainement dans une telle spirale, dont il ne semble rien comprendre et encore moins maîtriser ? Et qui tue ainsi autour de lui, quitte à lui faire porter la responsabilité des faits ? Est-ce cela, ce bien étrange assassin que craint tant le Comité ?
Pendant que des puissances supérieures à notre entendement de mortel vont commencer à s'affronter, un homme commence à faire le lien entre tous ces évènements... Oh, il n'y comprend rien, rassurez-vous, mais son schéma, tout scientifique qu'il est, l'a mis sur la voie de ce combat de Titans. Il s'appelle Andrew Leon, sa vocation, sa passion, ce sont les modèles mathématiques, mais, pour gagner sa croûte, il est agent du FBI.
Cependant, il a entamé un étrange quadrillage du monde grâce à de petits boîtiers qui semblent lui indiquer... comment dire... qu'il existe une corrélation entre pensée et matière (enfin, si j'ai tout bien compris, Lionel, si tu passes par là, n'hésite pas à me corriger...)... Et c'est cette expérience, qui avait donné quelques résultats sans plus jusque-là, qui va d'un seul coup faire apparaître des résultats complètement atypiques, hors norme, même. De quoi titiller la curiosité de Leon, lui-même à la marge dans son boulot d'agent fédéral, et qui va se lancer sur la piste de ces évènements étranges, forcément liés entre eux, et ceux, depuis cette soirée du solstice d'hiver, en Antarctique...
N'entrons pas plus dans les détails de l'histoire, mais, vous le comprenez, après un premier tome qui plantait le décor, avec "Léviathan : la nuit", on entre vraiment dans le vif du sujet, chacun, petit à petit, dévoilant son jeu, sa personnalité, aux autres ou à lui-même... Une certitude, toutefois, si le fantastique pointait déjà le bout de son nez dans le premier livre, le thriller restait aux commandes. Là, le glissement vers un récit à dominante fantastique est clair et net. Les éléments clefs de l'histoire sont tous des évènements issus du fantastique et, à l'exception d'Andrew, et dans une moindre mesure de Petersen lui-même, pour le moment en tout cas, les personnages révèlent tous leur nature... extraordinaire. Pour le moins.
Mais, encore une fois, ce mariage dans lequel Davoust mêle aux ingrédients du thriller classique, des éléments venus de sa fantasy "natale", est très réussi. Avec une mention spéciale aux scènes de combat, particulièrement réussi et intenses, extrêmement visuelles et dégageant un lyrisme violent dignes des films asiatiques...
Le vrai changement, dans ce tome deux, c'est que Michael Petersen n'en est plus le centre, comme c'était le cas dans "la Chute". Dans "la Nuit", on en sait beaucoup plus, mais pas encore tout, loin de là, sur le "Comité" et sur cette voie de la Main Gauche qu'elle suit et dont elle essaye d'étendre l'influence. On en sait plus, peu à peu, sur les raisons d'être du Comité, sur ses ambitions, mais aussi sur les dissensions et les rivalités qui règnent en son sein, sans pour autant qu'on puisse dire avec certitude, quel est le rôle de chacun de ses membres.
Quant au rapport de force, lui aussi reste bien flou. il faut dire que la promptitude des uns et des autres à trahir gentiment leurs camarades est remarquable et frôle également le pouvoir surnaturel...
Mais, si on voit se dévoiler lentement chacun des personnages, sans encore tout savoir de ses projets, une chose est sûre : depuis qu'il a pris le chemin de l'Antarctique et plus encore, depuis sa chute dans ses eaux glacées, Michael Petersen a entamé une impressionnante métamorphose. Falot, veule, quasi transparent, malgré l'intérêt que des forces puissantes semblent lui porter, ce plongeon inattendu semble avoir réveillé en lui une personnalité dure, violente, incontrôlable (en tout cas pour le moment).
Et voilà que celui qu'on envisageait déjà comme la victime malgré lui d'un complot le dépassant complètement, prenant un tout autre visage. A tel point que, comme pour la majeure partie des personnages impliqué dans le Jeu Suprême (car, tout n'est que jeu, qu'on se le dise !), il devient bien difficile de dire s'il faut le ranger parmi les gentils ou les méchants (si l'on considère que cette classification a encore un sens dans le contexte global de "Léviathan").
Mais Lionel Davoust, tout auteur d'imaginaire qu'il est à temps plein désormais, n'en oublie pas ses racines scientifiques... A travers le personnage d'Andrew Leon, qui aurait dû réfléchir à deux fois, voire se casser une jambe, avant de mettre un doigt dans un engrenage qui va le happer (Leon, c'est le Chaplin des "Temps Modernes", échappant aux rouages énormes qui menacent de l'écraser... Mais jusqu'à quand ?), Davoust insère dans son histoire un soupçon de raison scientifique pure et dure.
Une raison qui va vaciller rapidement. Car, au-delà de voir son idée empirique donner des résultats, l'agent, pourtant considéré par tout son entourage comme un iconoclaste, pour ne pas dire un hurluberlu, va voir toutes ses conceptions et ses convictions brutalement remises en cause. Lui, le cartésien, qui ne jure que par l'expérimentation scientifique, va se retrouver coincé dans cette bataille qui dépasse l'entendement, obligé de s'allier à Magda pour... comprendre ! Simplement comprendre ce qui se passe dans ce monde livré au chaos, provoqué non par le vol d'un papillon au Texas, mais par un "plouf !" en Antarctique...
Enfin, vous ferez connaissance avec "L'Ombre", là encore personnage ambigu et inquiétant, bien éloigné des soucis de discrétion du Comité, il débarque dans cette histoire comme un ouragan, laissant bien des dégâts dans son sillage. Une troisième force inattendue qui bouscule Petersen, stimule sa folie et ses doutes, provoque la métamorphose en malmenant sa cible, en le poussant dans ses derniers retranchements, tel un Jiminy Cricket démoniaque.
J'ai été emballé par ce second volume où j'ai retrouvé tout ce qui m'avait plu dans le premier tome, mais crescendo. Les interrogations issues de la lecture de "la Chute" ont commencé à trouver des embryons de réponses, mais une multitude d'autres sont apparues. La silhouette des personnages se dessinent désormais plus nettement sans être encore parfaitement éclaircies et l'affrontement, qu'on sentait inévitable, a commencé pour notre plus grand plaisir de lecteur (un peu atteint, il faut le reconnaître...).
Toutefois, prévenons les fanas de thrillers purs et durs, avec phrases courtes, chapitres courts, rythme effrénés, qu'ils ne doivent pas se lancer dans "Léviathan" avec cet esprit-là. L'architecture de ce deuxième tome est bien plus complexe et développée que les thrillers à l'américaine. Que cela ne vous effraie pas, la tension, elle, est constante, atteint des pics réguliers et l'on dévore ce roman aussi bien qu'un page-turner. Parce que nous sommes comme Leon : on a envie de comprendre !
Et c'est dire si j'attends désormais le troisième volet de cette trilogie pour enfin savoir qui est vraiment Michael Petersen et ce qu'est sa véritable personnalité, celle qu'il refoule depuis si longtemps, celle que certains veulent voire "éclore" et que d'autres redoutent...
Mais pour cela, il faudra attendre 2013... Pfffff.... C'est looooooooong, Lionel !!
Christophe
(http://appuyezsurlatouchelecture.blogspot.com/)
La chronique de Paco sur ce roman.
Léviathan, tome 2 : la nuit.
Lionel Davoust
Editeur : Don Quichotte
408 pages, 22 €
P
24/06/2012 | Lien permanent
Génération, de Bretin et Bonzon
Une chronique de Paul.
Entrez dans la réalité virtuelle des jeux de rôle vidéos !
L'addiction aux jeux vidéos peut se révéler mortelle. C'est l'amère constatation de la mère de Narusé peut effectuer en entendant son gamin, qui s'est enfermé dans sa chambre, crier puis s'effondrer devant son écran d'ordinateur. Elle est même obligée d'appeler les pompiers car une forte odeur d'essence et une chaleur de fournaise règnent dans la pièce dans laquelle pourtant aucune flamme n'est visible.
Narusé s'était affublé du surnom de Bakounine, tandis que ses compagnons de jeu avaient pris pour alias Lennon et autres références artistiques ou politiques. Pourtant il était conseillé par Wamelin mais après être arrivé au niveau 8 et obtenu la bienvenue à Island, Narusé s'était pris les pieds et les neurones dans la toile déployée par un adversaire plus fort que lui. Il n'est pas mort mais est devenu un légume.
Dans la banlieue lyonnaise, Renzo Sensini, inspecteur d'Interpol, est mis sur la sellette par quatre hommes qui dépendent des Services de Sécurité français et étranger. En cause son rapport sur Complex, une organisation transnationale secrète contrôlant une partie des activités économiques de la planète et dont l'influence serait à l'origine de décisions politiques. Selon eux, ce rapport serait à oublier et Sensini devrait passer à autre chose. Afin de mieux enfoncer le clou, l'un d'eux affirme : Parfois certaines situations nous semblent étrangement familières. Cela vous est sans doute déjà arrivé, monsieur Sensini. Un peu comme si on les avait vécues. En rêve, ou ailleurs. Il poursuit ainsi : Parfois, c'est le contraire. On croit vivre une situation que l'on n'a jamais vécue. Ni en rêve, ni ailleurs. Sensini préfère jeter l'éponge, reprendre sa liberté. Et il passe une soirée au restaurant en compagnie de Roman Dragulescu, son adjoint et ami, et Iva dont c'est l'anniversaire. Un repas de fête pour sceller en même temps sa démission. Il voulait inviter également Iva à partir en voyage à Rome, mais Iva a trouvé un nouveau petit ami. De toute façon, c'est définitivement fini entre eux deux, lorsque la jeune femme veut démarrer sa voiture, celle-ci explose. Sensini se demande si elle était personnellement visée ou si c'était lui qui était dans le collimateur d'un individu ou un organisme peu scrupuleux.
Sur une île perdue entre ici et ailleurs, les hommes de l'organisation Complex ont une épine dans le pied, épine nommée Sensini. What, When, Wich, Why, Who, Where et consorts envisagent de le supprimer purement et simplement et ils pensent à Chitchine, leur homme de main, pour exécuter ce contrat. Mais un autre problème accapare l'attention de What et ses compagnons. Le système de protection de Complex a connu depuis quelques semaines des intrusions. Des jeunes gens, jouant à un jeu vidéo élaboré par des inconnus, qui n'est pas encore sur la marché et nommé Island, parviennent à forcer les barrages, avalant les niveaux malgré les difficultés.
Dans la banlieue de Richmond, en Virginie, Tracy Mercy est dérangée pendant son petit déjeuner, alors que son père, Morton, qu'elle déteste, est encore au lit en train de batifoler avec une nouvelle amie, une jeunette comme d'habitude. Tracy est une mordue de jeu de rôle et elle a emprunté comme pseudo RosaLux. La lettre qu'elle vient de recevoir contient un carton d'invitation, tout ce qu'il y a de plus officiel. Et le timbre, qui orne l'enveloppe, ne comporte aucune mention de valeur ni d'oblitération et représente une île bleue avec une inscription Island. Un certain Wamelin prie Tracy à se rendre près de la voie C24 de la gare de Richmond. Tracy s'y rend à l'heure indiquée et découvre un endroit vide où seul un employé bizarre trifouille un lustre afin de changer une ampoule. Tout est baroque d'ailleurs et elle doit pousser une porte qui indique réservée uniquement aux visiteurs. On se croirait dans la gare qui emmène Harry Potter à Poudlard. Effectivement un jeune homme l'attend, Wamelin, qui joue de l'harmonica.
Sensini essaie de joindre son ami Léo mais celui-ci ne répond pas. Alors il se rend dans l'Aubrac en compagnie de Roman, mais l'intérieur de la maison de Léo a été dévasté. Comme si une tornade était passée par là. Mais de Léo, point. Obligé de rentrer à Lyon, Roman est assis en face d'un homme qui lui offre un café alors qu'il n'en boit jamais. Il saura que cet individu n'est autre que Le Loup, un ennemi de Sensini, à cause d'une histoire qui remonte à plus de vingt ans.
Cette histoire oscille entre Alice au pays des Merveilles, Hamelin le joueur de flûte, La Tempête de Shakespeare et autres références littéraires, et s'articule comme un jeu vidéo à plusieurs niveaux et des participants à distance. Je ne connais pas trop ce système, les plus jeunes s'y retrouveront. Mais l'accent est porté sur l'identification entre le joueur et le personnage virtuel qui évolue sur un écran, avec des effets visuels très réalistes. Celui qui joue peut être transporté dans un univers qu'il découvre, où il sent englouti, accaparé par l'action, les combats, l'univers ludique, les personnages à affronter plus ou moins malsains. Il est investi d'une mission qu'il doit à tout prix réaliser, comme si sa vie et celle de ses compagnons étaient en jeu. Le jeu dont vous êtes le héros.
Et la frontière entre virtuel et réalité est comme floutée, abolie dans ce roman. Le lecteur et les différents protagonistes évoluent au gré des aventures mouvementées de tous ces personnages. J'avoue que parfois j'ai décroché, navigant à vue, ne sachant plus dans quel univers j'étais plongé, n'arrivant plus à différencier le vrai du faux, le réel du virtuel. Et c'est en cela que le duo Denis Bretin et Laurent Bozon se montre machiavélique en imprimant une progression impitoyable dans leur récit, bousculant les codes, prenant le lecteur, non pas en otage ce mot utilisé à toutes les sauces n'ayant plus aucune signification, mais comme un spectateur obligé de monter sur scène parmi les artistes et de participer à une pièce de théâtre sans en connaître la trame et s'intégrer dans le jeu en fonction des acteurs d'une commedia dell'arte débridée.
Bretin & Bonzon, qui s'affirment les Boileau-Narcejac du suspense fantastique, n'oublient pas pour autant de placer ça et là des notes d'humour. Ainsi Tracy s'adresse à un voyageur affalé sur les banquettes d'un train qui l'emmenant à la gare de Richmond en ces termes : Le Seigneur a dit celui qui met ses pieds là où il met son cul, un jour il pisse dans ses chaussures. D'accord, elle ne s'exprime pas avec une politesse exquise, mais ce genre de réflexion serait de mise lorsque vous désirez vous asseoir et que la place est prise par des godillots boueux.
Savoureuse également cette définition du livre : Support de mémoire fixe énergétiquement inerte.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Génération (complex 3)
BRETIN & BONZON
Editions du Masque.
Parution le 5 février 2014.
398 pages. 20,00€.
23/02/2014 | Lien permanent
Puzzle, de Franck Thilliez (chronique 3)
Une chronique de Richard
Manquera-t-il un morceau à ce Puzzle ?
«Quoi qu’il arrive, rien de ce que vous allez vivre n’est la réalité. Il s’agit d’un jeu»
Époustouflant !
Passionnant !
Dérangeant !
Et affreusement efficace ... même si certains lecteurs pourraient deviner la finale. Et bien, je vous le dis: on s’en fiche !
J’ai beaucoup aimé ce «Puzzle» de Frank Thilliez !
J’ai eu un très bon moment de lecture avec ce thriller, qui a bien répondu aux exigences d’un thriller : une histoire prenante; une tension qui se nourrit au fil des pages; un endroit inhospitalier (insulte suprême pour un ancien hôpital !) et angoissant; des personnages projetés au centre d’un événement extraordinaire ... et un lecteur qui se pose de centaines de questions, tout au long de sa lecture.
Bienvenue dans le monde angoissant du huis-clos. À certains moments, le lecteur fera des rapprochements avec certains romans qui ont utilisé cette technique. On ne peut passer à côté des «Dix petits nègres» de la grande dame anglaise du roman policier ni de l’angoissant «Shining» du maître de l’horreur américain. J’ai même fait un certain parallèle avec le très bon «Criminal Loft» (Armelle Carbonel) dont j’avais fait la critique.
Chloé Sanders, son ex-petite amie, entre en contact avec Ilan Dedisset pour lui annoncer qu’elle a enfin trouvé la porte pour pénétrer dans le jeu «Paranoïa» qui rapportera 300 000 euros au gagnant. Depuis le temps que tous les deux, ils rêvent de ce moment ! Chloé réussira-t-elle à convaincre Ilan de se lancer dans cette aventure?
Ilan est prudent, convaincu qu’il est au centre d’un complot dont l’origine remonte à la recherche que ses parents ont réalisée, juste avant leur mort, dans un accident assez difficile à justifier.
Finalement il accepte et se lance dans cette chasse au trésor.
En route vers leur destinée, Ilan et Chloé rencontrent un personnage inquiétant, menotté, portant une cagoule. lL’individu est transféré dans une prison de la région, accusé du meurtre de 8 personnes dans un chalet isolé, en montagne. Que vient-il faire dans cette histoire déjà assez trouble ?
Finalement, les huit participants sont réunis dans un ancien hôpital psychiatrique, obnubilés par l’appât du gain qui pourrait s’avérer fort dangereux et manipulés par un meneur de jeu diabolique.
Une des premières consignes le confirme: «L’un d’entre vous va mourir.»
Commence alors, cette chasse à l’aveugle où les règles du jeu sont floues, où les attentes sont vagues et où les moyens sont illimités.
Cloitrés, emprisonnés dans ce lugubre endroit, coupés du monde par une tempête de neige, la partie commence dans un concert de «chacun pour soi» ! «Paranoïa» est maintenant en marche ! Le jeu commence ! Mais est-ce réellement un jeu ?
Ces quelques jours de joute, dans un terrain de jeu lugubre où les jouets sont humains et les personnages, des pantins, apporteront leur lot de violence, de morts et de combats physiques et psychologiques. Chaque page, chaque chapitre, entraînera les participants au plus profond d’eux-mêmes; l’humain y montrera, souvent, son visage le plus laid, celui de l’homme qui veut à tout prix gagner, et toujours au détriment de l’autre.
Le jeu est impitoyable, il n’y aura qu’un seul gagnant !
Peut-être !
Tout est mis en place pour exacerber le côté «animal» des huit joueurs: stratégies violentes, exploitation des faiblesses de chacun, endroits lugubres, matériel médical et de torture, épreuves exigeantes, objectifs cruels et ambiance noire. Ils ne peuvent faire autrement, les huit humains en cage se transforment très rapidement en animaux traqués, prêts au pire pour s’en tirer. Avec les 300 000 euros, évidemment !
Voici donc l’atmosphère dans laquelle l’auteur place ses personnages et installe ce climat angoissant pour ses lecteurs. Acceptant de jouer le jeu, comme les huit participants, le lecteur se laisse entraîner dans ce tourbillon, marche avec eux dans ces corridors funestes, entre dans des salles qui résonnent encore des cris des patients que l’on trépane et pour atteindre son objectif, pousse le bouton qui délivrera une charge électrique sur l’autre concurrent. Impuissant, le lecteur assistera aussi à la découverte des corps de ceux qui sont tombés au combat.
Frank Thilliez nous offre donc toute la recette d’un très bon thriller: un style vif, concis où chaque phrase est au service de l’intrigue, de la tension qui monte. Et même si en chemin, on commence à se douter de la résolution finale, rien ne vient altérer cette montée de la pression, ce sentiment de peur qui fait frissonner le lecteur de thriller psychologique.
Évidemment, on aime ou on n’aime pas ! Moi, j’aime bien ces tours de montagnes russes littéraires où parfois, une descente vertigineuse nous procure une drôle de sensation, au creux du ventre. J’apprécie cette anticipation de la frayeur que l’on ressent quand le convoi monte tranquillement cette pente vertigineuse et qu’au plus haut de la structure, le cœur se met à battre à toute vitesse, presqu’incontrôlable. Alors, si pour vous, un roman peut vous apporter ces sensations, alors réalisez ce puzzle et laissez-vous porter par cette très bonne histoire.
Voici quelques extraits:
«De quoi mourait-on dans les hôpitaux psychiatriques ? De maladie ou de tristesse ?»
«Ilan naviguait de choc en choc, d’horreur en horreur et pourtant, il avait l’impression de progresser. De se rapprocher d’une vérité qui s’avérait d’ores et déjà ignoble.»
«On ne peut pas tuer la mort.»
« Le jeune homme sentait une lutte à l’intérieur de sa tête, quelque chose de puissant qui l’empêchait d’accéder à la vérité.»
«Il continua à réfléchir à ce mélange d’invention et de souvenir, ce film improbable qui venait de se dérouler dans sa tête.»
Bonne lecture !
Richard (Polar, noir et blanc)
A lire : les chroniques de Paco et de Christophe sur Puzzle.
Puzzle
Frank Thilliez
Fleuve noir
2013
430 pages
28/12/2013 | Lien permanent
L’art des liens, de Raphaëlle Thonont
Une chronique de Cassiopée
Sept ans…le temps de se faire une raison comme l’âge qui va avec … Ce pourrait être le choix de Léo… Sauf que ce n’est pas ce qu’il décide… Anouk avait vingt jours lorsque sa mère Sofia, écrivain, a disparu…Léo a pris les rênes, il le devait à leur fille (« L’enfance de sa fille est devenue son marathon »), il le devait à sa femme, il se le devait… Comme un devoir, comme une raison d’exister, de poursuivre, d’avancer …. A tâtons sur la corde raide, en équilibre précaire, instable, avec parfois le soutien de «l’herbe », d’autres fois celui des amis….
Mais connaît-on vraiment ses amis ?
Vaste réseau de liens qui se tissent, se sont tissés, s’étirent, s’écartent, se referment, autour de lui…Plus Léo avance dans la compréhension de l’éloignement, délaçant l’un après l’autre les secrets dont sa femme s’est entourée, plus un autre étau se resserre …
Le lecteur sent monter en lui insidieuse cette peur que tout vire au drame, car Léo va toujours plus loin dans sa recherche…
« Avec Sofia Ellman, le travail se tissait avec la légèreté d’une épeire à sa toile. »
Sofia, sa femme, il pensait tout savoir d’elle (ou presque) mais ce n’est pas le cas… La quête qu’il (re)commence, des années après sa disparition (car il n’a jamais vraiment baissé les bras) est à double tranchant : défaisant le nœud gordien dans lequel elle s’est engouffrée, il s’englue dans un autre, s’oubliant pour mieux la retrouver…. Ce « jeu » d’attaches qui n’en est pas un est troublant, captivant, bluffant …. scotchant le lecteur sous les mots qui l’engluent comme le fardeau qui alourdit Léo en appuyant de plus en plus sur ses épaules. Et ce qu’il découvre ne l’allège pas …loin de là…
« On ne peut pas toujours prendre de la hauteur. Depuis sa disparition, je patauge. Je m’envase. »
Les cordes sont présentes, lien invisible des pages de cet opus. A travers le shibari et l’hojōjutsu, purs produits de la culture japonaise, considérés comme des arts mais très dérangeants dans leurs styles, le lecteur, emporté dans les rets de Raphaëlle Thonont, sera subjugué, attiré, révolté, mais rarement indifférent…
L’art, il en est beaucoup question, Léo est peintre et ses œuvres sont bien supérieures depuis qu’il lutte contre le silence, contre l’absence, contre le doute…
Pourquoi ? Pour ne pas sombrer ? Pour donner le meilleur de lui-même en attendant le retour de l’aimée ? Pour exister ? Pour tenir debout ?
Mais l’art dans ce livre transpire dans les mots de l’auteur…
Son écriture est tour à tour
poétique :
« Le temps des questions vient après la tempête, celui des réponses avec la vieillesse. Quant à la colère, elle gonfle tes voiles et t’envoie sur les récifs. »
« tendue » et brève :
« Léo attend.
Udo s’endort. »
crue :
« Artiste, c’est pas une caution, c’est juste un moyen d’échapper aux autres, de se cacher derrière sa propre merde. »
et bien d’autres styles encore…
Lorsqu’on voit le visage souriant de l’auteur, on se demande où elle a puisé la force d’écrire une œuvre comme celle-ci…. Et puis on se souvient…Chacun de nous a une part d’ombre, une face cachée …. Et pour Raphaëlle Thonont, le noir lui va si bien….
Titre : L’art des liens
Auteur : Raphaëlle Thonont
Éditions : Écorce (Septembre 2013)
Collection : Noir
Nombre de pages : 203
ISBN : 978-2-9535417-5-5
Quatrième de couverture
« Comme un boxeur sonné, je m’endormirai dans tes cordes », se récite Léo Harossian face au tableau : un dos, sans visage, ligoté avec science. Lui-même n’aurait pas su peindre aussi bien ses terreurs. Sous les liens, il perçoit la pulsation lancinante de l’attente. Sept ans qu’il s’épuise à espérer le retour de Sofia. Sept ans qu’il se racornit dans sa chrysalide de cordes, sous les yeux de sa fille Anouk.Sofia Harossian, née Ellman, écrivain, disparue le 22 juin 2004. Dans son berceau, leur fille Anouk n’avait que vingt jours.Octobre 2011. Un message laissé par deux gamins sur le répondeur de Léo affirme que Sofia est vivante et a besoin d’aide. Secondé par son ami Stephen Holmlund, ex-flic, Léo entraîne Anouk dans une quête sombre. Pour que les chairs parlent à l’âme, il faut connaître les liens. C’est la voie du shibari et la leçon de la femme ligotée.
23/09/2013 | Lien permanent
L'affaire Agathe Vanders, de Guillaume Lefebvre
Une chronique de Cassiopée.
C’est une nouvelle fois dans le milieu maritime que nous entraîne Guillaume Lefebvre et nous retrouverons les embruns qui vous fouettent le visage, les limicoles qui s’envolent, les tempêtes qui effraient, les hommes avares de paroles, les non-dits et les secrets de ces personnes qui n’ont pas de temps à consacrer aux blablas…
Agathe Vanders, est une belle jeune femme, sûre d’elle, qui a une excellente situation. Elle part régulièrement avec son bateau.
Armand Verrotier, capitaine de navire, travaille pour une compagnie et accepte des missions plus ou moins longues, il peut aller parfois assez loin, en Afrique par exemple, et nous le suivrons…découvrant au passage certains aspects de la vie là-bas, le rôle des femmes, le regard sur les « blancs »….
Juliette Moreno, jeune maman, de Romain, se bat pour son fils qui souffre d’un léger handicap mental. Il a besoin d’être rassuré, aimé, accompagné. Juliette est assistante sociale et côtoie beaucoup de marins et leur famille.
Agathe va mourir et Armand et Juliette vont à cause de ce fait, se rencontrer…
La suite pourrait être : « ils s’aimèrent, furent heureux et eurent beaucoup d’enfants… »
Mais l’auteur nous maintient le plus souvent « dans la vraie vie » donc : « ils se rencontrèrent, se posèrent des questions et voulurent mener l’enquête… »
Et cela ne fut vraiment pas aisé….
Ni pour eux, ni pour nous….car l’intrigue a des ramifications et l’auteur sait parfaitement nous emmener de ci, de là. Une fois encore, j’ai apprécié que les individus aient un train de vie quasiment normal, sur plusieurs mois, ne voyant ressurgir qu’au détour d’un hasard, les interrogations qui sont restées en eux et de temps à autre, l’occasion d’avancer dans la compréhension de ce qui les a intrigués.
Mêlant avec habileté, secrets familiaux, vieilles rivalités professionnelles, multinationales et lobbying, nous avons affaire à un roman étoffé, complexe, mais accessible. De nombreux sujets sont abordés et nous poussent à la réflexion et il n’est pas évident de trancher et d’avoir une opinion. De plus, comme Armand voyage (pour ses recherches ou son travail), nous nous retrouvons, à sa suite, à Rome, au Kenya…. Il m’a semblé que l’auteur connaissait de visu les lieux dont il parlait car ses descriptions étaient précises. C’est, à mon avis, un plus, car « on s’y croirait… » (entre autres, pour Rome et le musée du Vatican…le Kenya, je ne connais pas…)
L’écriture est de qualité, seule une expression m’a surprise (elle est employée au moins deux fois, c’est : « être déballé » (bouleversé ?) que je ne connaissais pas… Les termes du monde des marins sont appropriés et donnent à Armand un air de vrai professionnel.
Les dialogues sont bien construits et rythment le récit
Il y a trois parties inégales, dans lesquelles on trouve des chapitres de plusieurs pages (qui ont des titres jusqu’au 13, puis cela s’arrête, pourquoi ?...) et un épilogue. Le tout est bien amené, bien bâti. Il y a plusieurs pistes et j’aimerais savoir si l’auteur avait préparé une trame générale avant de se lancer afin de ne pas s’embrouiller dans les différents aspects de son livre.
J’ai apprécié que les protagonistes soient présentés sous divers angles et que les relations qu’ils nouent soient développées. Il y a ainsi plus de profondeur dans le texte, on se sent plus proche des êtres de papier que l’on côtoie. De plus, comme on a l’impression de les « connaître » un peu mieux, on se prend à essayer d’imaginer leurs réaction, comme s’ils faisaient partie de nos familiers.
C’est un très bon roman, qui sans nous mettre face à des situations glauques, fait froid dans le dos… en effet, la réalité n’est pas si loin…quand on voit comment les grosses sociétés agissent (et encore, on ne sait pas tout…)
Cassiopée
Titre : L'affaire Agathe Vanders
Auteur : Guillaume Lefebvre
Editions : Ravet-Anceau
Collection : Polars en Nord
Paru le 10 juin 2013
ISBN : 978-2-35973-332-7
Quatrième de couverture
En mer d’Opale deux incidents d’une proximité troublante se produisent la même nuit. Un pétrolier explose et une jeune femme, Agathe Vanders, est retrouvée carbonisée sur son voilier. Les autorités maritimes sont en effervescence. S’agit-il d’une simple coïncidence ou d’un dommage collatéral ? Une commission est chargée de lever ce doute. Parmi ses membres, le capitaine de navire, Armand Verrotier est un ami du père d’Agathe. En désaccord avec les conclusions de l’enquête, Armand va opérer seul pour rétablir la vérité. A ses risques et périls.
28/07/2013 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le léopard, de Jo Nesbo (chronique 3)
Une chronique de Paco
Efficace, addictif. Une intrigue complexe et relativement conventionnelle. Tous les codes d'un excellent thriller sont réunis pour cette histoire qui nous emmène jusqu'au bout du monde. Jo Nesbo n'a - à mon sens - plus grand chose à prouver; encore une fois, c'est une intrigue vraiment bien ficelée qu'il nous offre.
Pour cette raison, je ne vais pas épiloguer sur ce roman - quoi que - qui a déjà visiblement une place de choix dans les critiques. Je vais me borner à exprimer ce que vous aller découvrir en ouvrant ce pavé de 850 pages. Tout d'abord, si le nombre de pages vous effraye et vous semble indigeste, je vous rassure immédiatement, elles se tournent jusqu'à la fin d'une facilité déconcertante.
L'auteur, après un démarrage tout de même un peu lent, nous immerge dans l'intrigue avec pas mal d'adresse et, une fois dedans, nous n'en ressortons plus si facilement. Jo Nesbo nous réserve à chaque fois des enquêtes qui paraissent aux premiers abords très alambiquées, mais au fil de l'histoire, nous remarquons petit à petit que tous les éléments s'emboîtent remarquablement bien, et du coup nous nous étonnons même que cela soit aussi simple. Un tour de force, un secret, ou plutôt un art que Jo Nesbo maîtrise plutôt bien; cette manière de nous envoyer sur plusieurs fronts, un peu perdus, pour ensuite nous prouver A+B que tout est finalement très logique et discursif. Frustrés, nous aurions aimé être dotés d'un peu plus de raisonnement pour y voir plus clair, plus rapidement. Mais je crois que c'est perdu d'avance.
Deuxième force de l'auteur, c'est ses personnages. Dans Le Léopard, nous retrouvons l'inspecteur Harry Hole, protagoniste récurant des romans de Jo Nesbo. Ce flic très conventionnel pour un roman policier, à savoir alcoolique, bourru et aussi dangereux qu'un électron libre, nous surprends à chaque fois par ses méthodes peu orthodoxes mais au combien efficace. Selon ses collègues, c'est une légende vivante; un sale con, mais une icône. Dans ce roman, c'est un homme attachant que nous suivons, touchant et bouleversant. Un homme froid et solitaire, mais aussi amoureux et dépendant; qui prend énormément de risque pour sa vie, mais qui semble vouloir la conserver à tout prix; un homme qui a un grand respect pour les autres, pour les victimes, mais qui ne se respecte pas lui-même. Bref, un type complexe en très grande contrariété avec lui-même, un flic bourré (c'est le cas de le dire) de paradoxes.
Jo Nesbo nous ouvre la porte de son roman en nous plantant au beau milieu de Hong-Kong. Une ville glauque et surprenante, mais également dangereuse. Des dangers qu'on risque d'affronter si on fait le con. Et en parlant de faire le con, nous tombons sur Harry Hole qui s'est réfugié dans cette métropole asiatique depuis environ six mois. Cet inspecteur, qui accumule à présent les grosses emmerdes en tombant dans la débauche, a donné sa démission suite à une affaire qui l'a touché de près, qui a chamboulé son intimité, qui a mis sa famille en danger. Une sale affaire qui le hantera certainement encore longtemps (voir "Le Bonhomme de neige").
Mais Harry est un homme qu'on va venir rechercher car ses anciens collègues d'Oslo ont grandement besoin de lui pour une nouvelle affaire qui leur donne du fil à retordre. Une affaire qui semble impliquer un tueur en série. Notre ancien inspecteur n'en a pas grand chose à foutre, mais va finalement revenir en Norvège, suite à des arguments qui le touchent personnellement voir intimement. Pour l'affaire, ce n'est pas encore gagné. Mais l'âme du flic se réveille et Harry accepte de contribuer à l'enquête. Un flic restera toujours un flic?
Nous avançons dans cette enquête complexe en effectuant pas mal de kilomètres. Des hautes montagnes de la Norvège, ses refuges, ses dangers, ses tempêtes, en passant par le Rwanda, avec ses fantômes rappelant encore les coups de machettes qui ont fait couler des litres de sang, pour poursuivre vers le Congo, à proximité du Nyiragongo, ce volcan en activité le plus dangereux d'Afrique; Jo Nesbo, à travers l'histoire et ses personnages, nous présente ces divers lieux avec une grande maîtrise en nous donnant l'occasion d'en apprendre suffisamment sur l'endroit où nous nous trouvons pour capter tout notre attention. C'est habile et très pro.
Durant cette enquête, parallèlement, l'auteur va mettre un accent sur un phénomène qui chamboule les services de police dans la région d'Oslo. Cette affaire importante et médiatique aura un rôle clé et son dénouement connaîtra des conséquences politiques importantes sur la future répartition des tâches entre la police criminelle d'Oslo et la police nationale; la Kripos. Harry Hole, de la police criminelle d'Oslo devra enquêter d'une manière assez particulière, presque en "freelance", mais en tout cas en sourdine, guéguerre des services oblige... Avec deux collègues de la police criminelle, soigneusement choisis par leur boss - les seuls avec qui Harry arrive encore bosser sans s'énerver, le choix était restreint! - il va tenter de démêler cette affaire pour le bien de sa brigade, respectivement pour la police d'Oslo, mais surtout pour les victimes.
Beaucoup de doutes quant à la menace nous parviendront constamment. Nous irons jusqu'à croire qu'elle provient peut-être d'un côté que nous aurons du mal à admettre. Comme dans "Scooby-Doo", nous attendons avec une grande impatience que les masques tombent enfin! Mais le problème, c'est que Jo Nesbo nous aide très volontiers à faire sans cesse fausse route. Les rebondissements sont nombreux, subtiles et nous n'avons jamais de le temps de nous mettre en garde avant de les prendre en pleine face. Dans cette oeuvre, l'auteur nous en dévoile beaucoup pour encore moins nous en dire, c'est perspicace et insaisissable.
Le prédateur, qui ne se trouve jamais loin, vous ne l'entendrez jamais approcher et surtout vous ne saurez jamais d'où il vient. Mais comme dira à un moment clé "le Bonhomme de neige", ce tueur en série qui a sévie il y a quelques mois en Norvège et qui a anéanti la vie d'Harry Hole:
"Il est près de toi, Harry, j'en suis presque certain, il n'arrive tout simplement pas à s'en empêcher. Mais il est venu d'un angle mort. Il s'est glissé dans ta vie par hasard, à un moment où ton attention était tournée vers autre chose. Ou quand tu étais faible. Il a sa place là où il est. Un voisin, un ami, un collègue. Ou alors il ne fait qu'être là, juste derrière une autre personne plus nette pour toi, une ombre à laquelle tu ne penses même pas, comme un appendice de l'autre. Réfléchis sur ceux qui sont entrés dans ton champ de vision. Car il s'y est trouvé. Tu connais déjà son visage. Vous n'avez peut-être pas échangé beaucoup de mots, mais s'il est comme moi, il n'a pas pu s'empêcher, Harry. Il t'a touché."
Sur ces bonnes paroles, bonne lecture.
Paco (passion romans)
Deux autres chroniques sur ce roman :
- celle de Richard
- celle d'Astrid
Le léopard
Jo Nesbo
Editions Gallimard, 2011
Ici, version poche Folio policier
27/11/2012 | Lien permanent
Incident à Twenty-Mile, de Trevanian (chronique 2)
La promesse de l’Amérique.
Une chronique de Thierry.
«Twenty-Mile est moribonde.
Et ses habitants sont la lie de l’humanité : les paresseux, les poissards, les perdants, les perdus, les piteux, les péteux, les petits. Et là, je te fais que les P, nom de Dieu !»
Twenty-Mile est une bourgade fantôme du Wyoming.
Un cimetière trop grand aux épitaphes plus que douteuses : «Maintenant, au tour de ma femme !» ou «Je ne suis pas mort, je dors."
Un cimetière hanté d’arracheurs de dents, de chercheurs d’or et de putes aux robes rouges...et même une Mule !
Ici, le dernier shérif est parti depuis bien longtemps...
Un saloon, un hôtel (de passe), un barbier, un Grand Magasin.
C’est à peu près tout.
Une mine, le Filon Surprise, appartenant aux marchands de Boston, déverse, chaque samedi, d’un train bondé, sa horde assoiffée dans les rues de Twenty-Mile.
Respirer un peu avant de replonger sous terre.
Nous sommes en 1898.
La conquête de l’Ouest s’achève dans ses dernières désillusions.
«C’était comme ça. Quand vous arriviez, vous vous faisiez exploiter par ceux qui étaient arrivés avant vous. Puis, si vous étiez malin et travailleur, et chanceux, faut pas oublier chanceux, vous pouviez devenir des exploiteurs à votre tour.
C’était la Grande Promesse de l’Amérique !»
C’est l’Amérique des villes en bois où le seul bâtiment construit en pierre est la prison. L’ Amérique où les révérends posent leur revolver sur leur table de chevet...près de la Bible.
L’ Amérique avec foi, sans loi.
Quand arrive en ville, Matthew, dit Le Ringo Kid, dit Chumms, dit Dubchek.
Pour tout bagage : un vieux fusil qui date de Mathusalem, un lourd secret et un fichu bagout.
Un sacré numéro, un caméléon, un fieffé menteur. Un jeune freluquet qui s’abreuve de légendes de l’Ouest, déjà.
Il a lu tous les livres des aventures du Ringo Kid écrites par Anthony Bradford Chumms. Le Ringo Kid s’en sort toujours.
Il va réussir à se faire adopter par la communauté, peu accueillante de Twenty-Mile.
«Il avait réussi à s’insinuer dans la communauté, maintenant il lui fallait se rendre indispensable.»
«Qu’est-ce qui est le plus important à avoir dans la vie ? La beauté ? L’intelligence ? La richesse ?
- Le respect, dit Matthew sans hésiter.»
Matthew va t-il s’amouracher de Ruth Lillian à la chevelure rouge cuivre qui capte des myriades de granules de lune ou sombrer, corps et âme, dans le corps trop plein de promesses, trop plein de péchés de Kersti.
Jusque là, tout va, à peu près, bien...
Quand arrive ce Lieder.
Ce Lieder est un fou. Qui cite des Evangiles, bien à lui, à tout bout de champ. Il veut se battre contre la plaie des immigrants venus infester son pays béni. Il veut monter une milice pour une Amérique libre, éradiquer les barons de Wall Street.
La croisade d’un illuminé.
Un sadique qui va semer la terreur dans Twenty-Mile.
Il veut piller le train de la mine d’argent.
Il veut montrer la Lumière et la Voie aux mineurs.
Lieder vient de s’évader de prison en compagnie de Minus et Mon-P’tit-Bobby, deux tueurs très, très attardés.
Twenty-Mile va connaître l’enfer.
Et dans cet enfer les femmes vont souvent montrer plus de courage que les hommes.
«La plupart des hommes sont prêts à subir des tonnes d’humiliation juste pour continuer à vivre.»
Et Trevanian va nous entraîner, nous ligoter carrément (à la chaise de lecture), le fil à la patte, au fil des pages, dans cette histoire mythique de l’Amérique.
Les trois tristes filles de joie au coeur tendre, Frenchy la Noire à la cicatrice qui lui strie le visage du coin de l’oeil au coin de la bouche, Chinky, la petite chinoise, et la vieille Queeny sont inoubliables.
Si le lecteur, ne l’oublions pas, toujours attaché à sa chaise, pouvait secouer les puces de Matthew ou se débarrasser de ce Lieder, il le ferait volontiers !
Un western terrible qui va crescendo pour nous laisser, pantois, au bord du gouffre.
Tout y passe : la cruauté, la lâcheté, le courage, le racisme et les illusions perdues.
Le style de Trevanian est impeccable, efficace, cruel et tendre, légèrement épicé d’humour, pas trop tout de même, faut pas exagérer, cela reste du Trevanian.
La traduction est irréprochable.
Un moment de lecture mémorable !
«Méfie-toi de l’homme qui ne connaît qu’un livre !»
Thierry
Une autre chronique sur ce livre, celle de Richard.
Incident à Twenty-Mile
Trevanian
traduction de Jacques Mailhos
Editions Gallmeister (octobre 2011)
Collection noire
350 pages ; 24,30 €
Présentation de l'éditeur
En 1898, au coeur des montagnes du Wyoming, la petite bourgade de Twenty-Mile n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle vient à s'animer lorsque débarque un jeune étranger désireux de plaire à tout le monde, avec pour seul bagage un vieux fusil et un lourd secret. Au même moment, un dangereux détenu s'échappe de la prison territoriale de Laramie en compagnie de deux tueurs dégénérés. Il commence à tracer un sillon de violence à travers l'Etat avant de décider de s'emparer de la petite ville pour y attendre le prochain convoi venu de la mine d'argent. L'isolement de Twenty-Mile, encore renforcé par une terrible tempête, va coûter cher à ses habitants. Avec Incident à Twenty-Mile, resté inédit en français, Trevanian propose une nouvelle lecture du western qui dynamite les conventions du genre. L'auteur de Shibumi et de La Sanction nous offre une oeuvre tout à la fois brillante et nostalgique.
Trevanian est l'un des auteurs les plus mystérieux de ces dernières années. De lui, on sait peu de choses. Américain, il a vécu dans les Pyrénées basques et il est probablement mort en 2005. Ses romans se sont vendus à des millions d'exemplaires dans le monde et ont été traduits en plus de quatorze langues.
05/11/2012 | Lien permanent
L'invisible, de Robert Pobi
Une chronique de Christine.
Avez-vous remarqué comme la notion de « pire ennemi » varie selon les circonstances ?
Cela peut aller du gamin de cinq ans qui chipa votre doudou dans le dortoir de la maternelle à votre oncle Jean-Alphonse qui vous promit un avenir de délinquant notoire. Ou de votre patron, qui vous força à annuler vos vacances pour raison de service, à votre voisin actuel qui passe toujours sa tondeuse à l’heure de la sieste.
Mais pas besoin, le plus souvent, d’aller chercher aussi loin.
L’ennemi est peut-être beaucoup plus proche qu’on ne le pense.
Réfléchissez bien…
Donc, non, je ne crois pas au Diable. Je n’en ai pas besoin, l’homme a commis suffisamment d’horreurs pour m’impressionner. Donnez aux humains la possibilité de se comporter de façon monstrueuse et vous ne serez jamais déçu.
Cela fait une trentaine d’années que Jake Cole a quitté Montauk, la ville de son enfance, laissant loin derrière lui les rapports conflictuels avec son père et le drame vécu lors de l’assassinat de sa mère. Mais il est obligé de revenir lorsque son père, peintre de génie, artiste reconnu, est hospitalisé suite à une crise de démence. Il faut qu’il s’occupe de la maison familiale, et du placement de son père en établissement spécialisé.
Lorsque l’on retrouve dans la région les cadavres d’une femme et d’un enfant sauvagement dépecés, c’est tout naturellement que le FBI demande à Jake de prêter main-forte à la police locale. Car il est un agent spécial, très spécial, du FBI. Doté d’une capacité d’analyse hors norme, il sait comme nul autre s’imprégner d’une scène de crime pour élucider les affaires les plus sordides.
Son sang-froid et son détachement vont être mis à rude épreuve : tout dans cette affaire lui rappelle les circonstances de l’assassinat de sa mère. Serait-ce le même coupable, revenu trente ans après pourchasser la famille Coleridge de sa malédiction ? Car son père, sur son lit d’hôpital, l’a mis en garde : « Il » est revenu…et « Il » ne compte pas en rester là.
Mais comment savoir si ce sont élucubrations d’un cerveau malade, ou les avertissements d’un homme au courant d’un terrible secret ? Pour le savoir, il faudra réussir à décrypter les nombreux indices éparpillés dans la maison.
Il y a urgence, car un formidable ouragan approche des côtes, peut-être l’ouragan du siècle. Il reste peu de temps avant que la ville soit évacuée, et que les indices ne soient balayés par la tempête.
Mais il n’y a pas que les éléments qui se déchaînent.
La folie meurtrière également…
Ça sert à ça, la famille, Jakey. On fait pour la famille des choses qu’on ne ferait pour personne d’autre.
Difficile de poser ce livre une fois les premières pages lues. Tout concourt à capter l’attention du lecteur. Le personnage de Jake Cole tout d’abord, dont on découvre peu à peu l’histoire, peu banale, les failles, terribles, les rapports complexes autant avec son père qu’avec les autres membres de la famille.
Chaque détail compte, donnant une densité et une force peu commune à un personnage attachant dont le lecteur partage les doutes, les angoisses, les interrogations.
Les personnages ont tous une réelle présence. Certains, bien sûr, davantage que d’autres. Mais ils suscitent tous l’intérêt, tout en prenant place, au fur et à mesure, dans un ensemble beaucoup plus vaste dont on ne découvrira la vision d’ensemble que vers les toutes dernières pages.
L’intrigue, ensuite. Le suspense va crescendo, les rebondissements nous prennent vraiment par surprise, la tension monte, les pistes se multiplient. La construisant de telle manière qu’elle est menée en parallèle avec la progression de l’ouragan jusqu’à l’acmé commun, là aussi l’auteur nous manipule, plaçant ses pions les uns après les autres avec un certain machiavélisme. Ambiance stressante garantie !
La psychologie des personnages est loin d’être bâclée, il y a là une utilisation forte des liens familiaux, du poids des actes passés, des non-dits pour protéger l’autre ou pour se protéger.
Parlons également de l’art, qui occupe une belle place dans cette histoire. Ce ne sera pas sans rappeler quelques souvenirs aux lecteurs du livre de Jesse Kellerman « Les visages ».
Et sans oublier une large, très large, palette d’émotions… mais attention, il y a certains passages qui pourraient heurter les âmes sensibles. Mieux vaut vous prévenir, je ne tiens pas à avoir votre malaise vagal sur la conscience !
Le seul élément légèrement en deçà serait la chute, que je sentais plus ou moins venir vers les toutes dernières pages. Là aussi, il y a quelques références qui me viennent à l’esprit, mais je n’en dirai pas plus pour ne rien dévoiler.
Mais ne boudons pas notre plaisir ! C’est un roman vraiment épatant !
Pour résumé : un premier roman réussi, et un thriller intense que l’on peut placer sans hésiter dans les excellentes découvertes de cette année.
Christine, (Blog : Bibliofractale )
L’invisible
Robert Pobi
Sonatine (mai 2012)
425 pages
21,30 €
13/06/2012 | Lien permanent