Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/04/2011

Paris la nuit, de Jérémie Guez

parislanuit.jpgUne chronique de Bruno

 Retenez bien ce nom : Jérémie GUEZ. Il se pourrait bien en effet que ce jeune auteur qui vient de publier son premier roman aux éditions La Tengo, inscrive rapidement son nom en bonne place dans le paysage du polar et du roman noir français. Un écrivain plein de promesses, un talent certain et un sens de l’écriture qui m’ impressionne. Ce petit roman (il ne fait qu’une centaine de pages) qui s’inscrit dans une trilogie dont il est le premier opus, est véritablement mon premier gros coup de cœur de cette année 2011 !

Abraham est un fils de la rue, un fils de la nuit. Avec Goran son ami d’enfance, il partage défonces, embrouilles et petites combines. Dealer à l’occasion pour assouvir ses propres besoins de toxicomane, il erre dans les rues de la Goutte d’or à Paris, conscient que sa vie s’enfuit dans une direction toujours plus sombre, sans issue, qu’elle s’évapore peu à peu dans les volutes des joints qu’il partage avec Goran.

Qu’importe si sa vie est un cul de sac ! il en a conscience, ne se cherche pas d’excuse et assume le sort qu’il s’est choisi. « Je préfère me brûler les ailes, quitte à mourir avant trente piges, que ranger les étagères d’un supermarché jusqu’à la fin de mes jours. De toute façon, je sais que je chercherai toujours le vide. » . La mort ne lui fait pas peur. « La mort n’est ni une fin, ni un commencement, elle n’est rien, pas même un bouleversement ». Sa vie ne se résume plus qu’à la dope et son univers à son pote Goran. Seule Julia, jeune étudiante, lui apporte de temps en temps un peu de lumière lorsqu’il se retrouve dans ses bras.

Même avec son père les liens finiront par se distendre, comme s’il fallait finir de rompre les amarres pour définitivement partir à la dérive. Lui qui lui a donné ce prénom qu’il ne supporte pas Un nom de prophète, donné à un type sans diplôme, qui préfère vendre de la came plutôt que de se trouver un boulot. »

A l’occasion d’une de leurs nombreuses virées dans un bar de la capitale, ils découvrent qu’à l’arrière de celui-ci se trouve une salle de jeux illégale. Il ne leur faudra pas beaucoup de temps pour que germe l’idée de braquer celle-ci pour se faire de fric et voir venir.

Le temps de monter une équipe et de préparer l’opération, et les voilà lancer dans une expédition sans retour. Le coup réussi, viendra alors le temps de la fuite, de la planque et de l’attente. Car leur forfait ne peut rester impuni aux yeux des truands qu’ils ont spoliés et qui mettent tout en œuvre pour les retrouver.

Mais dans ce monde de déchéance sans honneur, la trahison est une déesse perfide qui frappe sans prévenir. Dès lors, Abraham et Goran vont franchir une étape sans retour. « En refusant de fuir, j’ai conscience de faire du meurtre un acte fondateur ».

Jérémie GUEZ est véritablement un alchimiste des mots. Il décrit avec une maîtrise déconcertante la déchéance d’un homme qui se consume de l’intérieur, « j’ai entrepris de me détruire, je sais que tout à bousculé, que je ne ferai pas machine arrière. Je suis une personne, parmi des millions, qui se laisse dévorer par les flammes de son enfer..

Un homme qui se noie dans son propre destin qui le submerge, mais qui se débat encore avec la force du désespoir et se lance dans ce braquage, comme pour se prouver qu’il est encore vivant, et qui n’a plus que sa propre violence pour le clamer. « Ma conscience ne peut plus me désavouer. J’avais le choix entre la folie et la vie, entre ma raison et le mal, et j’ai fait mon choix. J’ai pris cette infâme décision, celle d’imposer partout ma violence, parce que je refusais de souffrir une seule seconde de plus."

 

Abraham brûle sa vie sous l’éclat de la ville de lumière, dont il n’est qu’un habitant de l’envers, lui habite Paname quand les autres visitent Paris. Et son Paname n’est pas celui des beaux quartiers. « A chaque fois que je croise des touristes, j’ai envie de leur cracher à la gueule. Croire que Paris c’est ca, des monuments propres et des petites rues commerçantes, pour les étudiants et les rupins. J’aimerai leur dire de venir chez moi voir ce qu’est Paris, qu’ils puissent regarder le taureau dans les yeux, sentir un peu son souffle, ne serait ce qu’une seconde, jusqu’à être pris de vertiges. Mais au fond ils s’en foutent. Ils veulent être rassurés. Tous ces connards veulent du propret, du confort, des paysages de carte postale. Ils veulent tuer ma ville. »

Un monde qu’il rejette mais dont il se sert pour survivre. Un monde à l’envers qui lui voue admiration alors qu’il crève de ne pouvoir vivre. « Tous ces connards qui culpabilisent d’être fils à papa et qui se rêvent une vie aventureuse, veulent être comme moi. Je les fascine parce que je suis capable de casser le nez de quelqu’un qui me regarde mal. Ils ne savent pas qu’au fond je les envie car non seulement ils sont friqués aux as, mais en plus ils sont cultivés

Ce roman n’est pas sans me rappeler un vieux film espagnol de Carlos Saura « De prisa, de prisa » (sorti en France sous le titre « Vivre vite »). Histoire de jeunes qui brûlent leur vie dans une course vertigineuse vers le chaos et l’autodestruction.

C’est avec fougue, et dans un style incisif que Jérémie GUEZ a écrit ce premier roman, sans jamais tomber dans l’empathie ou le misérabilisme pour ses personnages. On devine que celui-ci est resté longtemps en gestation et qu’il a été poli patiemment pour donner ce roman abouti.

En tout cas c’est pour moi une totale réussite, un premier roman accompli, riche de promesses pour ce jeune auteur d'à peine 23 ans qui a véritablement une plume, un style, un ton bien à lui, et qui aura réussi à m’enthousiasmer. J’attends donc avec la plus grande impatience la parution des deux prochains opus. En tout cas, voilà un auteur dont je suivrai la carrière avec le plus grand intérêt!

Une très belle découverte que nous offrent là les éditions LA TENGO !

Dernier petit détail, ce roman ne coute que 12 euros, ca serait dommage de s’en priver !

 

Bruno

Le blog de Bruno : http://passion-polar.over-blog.com/


Présentation de l'éditeur

- Abraham est un petit dealer du quartier de la Goutte d Or. Son quotidien : embrouilles, défonce et nuits blanches. Un jour, il décide de tenter un gros coup avec sa bande de potes en braquant une salle de jeux illégale.

Paris la nuit est le premier roman de Jérémie Guez et le premier opus de sa trilogie parisienne.

Paris la nuit

Broché: 144 pages

Editeur : TENGO (9 février 2011)

 

Commentaires

Oui Bruno, tout à fait d'accord avec la grande qualité d'écriture de Jérémie Guez. Simplement, s'agissant d'un narrateur dont je sais dès le départ que sa vie est un cul-de-sac, qu'il ira d'embrouille en carambouille, de mauvais affect en mauvaise action, je n'ai pas vraiment envie de me laisser prendre par la découverte de cette vie. Je souffre à chaque page, à chaque ligne. Et j'admets qu'on veuille partager cette lecture mais je n'y arrive pas. Le noir oui, mais mis à distance !

cordialement
Albertine

Écrit par : Albertine | 30/04/2012

Les commentaires sont fermés.