15/06/2014
Prescription mortelle, de Robin Cook
Une chronique de Jacques.
Mon médecin est dans ma poche...
Avec Prescription mortelle, l’américain Robin Cook nous propose un thriller politico médical astucieux, doublé d’une réflexion sur l’évolution possible des politiques de santé aux États-Unis. Comme le personnel politique français est souvent fasciné par ce qui vient d’outre-Atlantique, et que le lobbying est fort dans certains milieux pour développer les assurances privées au détriment de notre système public de santé, ce roman nous permet, en prime, de savoir à quelle sauce nous risquons d’être mangés si nous n’y prenons garde.
Robin Cook part d’un double constat et développe jusque dans ses extrêmes limites l’idée qui en découle :
– il est de plus en plus difficile de trouver des médecins généralistes aux États-Unis, tout comme en France où certaines régions connaissent un désert médical.
– Le nombre de personnes utilisant un Smartphone connait une croissance rapide, et il probable que lorsque la génération du baby-boom aura disparu, 90 % de la population utilisera ce genre d’outil.
L’idée qui découle de ces deux faits est simple, mais prometteuse : une application pour votre Smartphone – légèrement amélioré par rapport aux modèles actuels – va remplacer votre médecin généraliste.
Remarquons qu’il s’agit à peine de science-fiction, puisque les technologies permettant de mettre en place un tel système existent quasiment toutes. Dans la réalité, il manque seulement un algorithme suffisamment sophistiqué, des serveurs spécifiques qui accueilleraient l’ensemble de ces données personnelles et les gèreraient, et une société qui pourrait investir des sommes importantes pour tenter ce pari.
C’est fait : votre Smartphone dispose donc de cette application, nommée iDoc, qui veille sur votre santé, à chaque instant de votre vie, de jour comme de nuit. Enregistrement en continu de votre rythme cardiaque ; analyse de votre ADN ou de certaines protéines à partir d’un peu de salive ou d’une goutte de sang sur l’écran tactile ; suivi permanent de plusieurs données physiologiques habituellement traitées en milieu hospitalier ; capacité de détecter immédiatement une crise cardiaque au moment où elle survient, mais aussi d’anticiper son risque plusieurs jours à l’avance ; possibilité non seulement de surveiller, mais aussi de traiter certaines maladies chroniques comme le diabète, en reliant des réservoirs médicamenteux au logiciel à l’aide de capteurs... Mais il y a mieux (ou pire, nous verrons plus tard), l’appareil est relié à une gigantesque base de données qui contient tous vos antécédents médicaux ainsi que la totalité des connaissances médicales permettant d’établir un diagnostic. De cette façon, après l’établissement de celui-ci, il vous prescrira directement les médicaments dont vous avez besoin à n’importe quel moment de la journée. Prescription envoyée sans aucune action de votre part à une pharmacie de votre choix : vous n’aurez plus qu’à les récupérer.
Un bel outil, mais hélas, les choses vont tourner au vinaigre. De nombreux patients d’iDoc, atteints de maladies incurables, décèdent prématurément. Or le maitre d’œuvre de ce bijou technologique est une des plus importantes compagnies d’assurance-santé américaine, l’Amalgamated Heathcare. Les patients incurables quand ils arrivent en fin de vie coûtent fort cher à la compagnie. Sachant qu’ils sont perdus, on peut légitimement (?) considérer qu’ils sont non rentables pour elle.
George Wilson, jeune radiologue dont la compagne vient de mourir alors qu’elle était elle-même atteinte d’une maladie incurable comprend vite qu’iDoc est responsable de son décès. Est-ce une erreur de programmation ? Ou bien Amalgamated Heathcare, pour rentabiliser son investissement, s’est-elle octroyé le droit de tuer discrètement des hommes et des femmes qui étaient de toute façon condamnés ? George va tenter de comprendre ce qui s’est passé, puis il va affronter une société puissante qui a beaucoup à perdre si les défauts de son système sont révélés, et en prime il va se poser quelques questions d’éthique médicale.
Pour rassurer ceux que les questions de santé publique n’intéressent que modérément et qui sont avant tout attachés au suspense : ils ne seront pas déçus. George Wilson risque gros dans cette affaire, car les financiers qui ont investi des sommes considérables dans iDoc ne veulent en aucun cas perdre leur argent. Et lorsque l’achat des consciences ne fonctionne pas, leurs méthodes peuvent devenir plus brutales : l’argent permet de payer des hommes de main qui peuvent régler les problèmes à leur façon. Mais rassurez-vous, c’est une pure fiction. Dans la réalité, de telles choses seraient inimaginables !
Au total, Prescription mortelle est un thriller bien construit, écrit avec vivacité, agréable à lire. Les personnages sont bien campés, la documentation scientifique est solide, et le suspense est toujours présent, de la première à la dernière page. De quoi passer un bon moment de lecture !
Jacques (blog : lectures et chroniques)
Prescription mortelle
Robin Cook
Éditions Albin-Michel (28 mai 2014)
476 pages ; 22 €
10:34 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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