14/11/2020
Rosine une criminelle ordinaire, de Sandrine Cohen
Une chronique de Cassiopée
Juger c’est comprendre.
Rosine est divorcée, elle vit avec ses deux filles et son nouveau compagnon, plus jeune qu’elle. Un jour, l’indicible, l’inacceptable se produit, le trou noir : elle noie les fillettes dans leur bain. Comment a-t-elle pu agir ainsi, qu’est-ce qui peut expliquer un tel geste ? Est-il nécessaire de chercher à comprendre l’horreur ? Clélia Rivoire est enquêtrice de personnalité, elle va interroger famille, amis pour essayer de cerner Rosine, décrypter ce qu’elle est pour que le jugement soit le plus juste possible. Oui, Rosine est coupable mais quelle peine lui infliger ? La justice ne prend pas en compte le mécanisme du déni, du black-out, pourtant déchiffrer ce qui est invisible aux yeux, lever le voile sur ce qui a pu provoquer cet acte est important.
Rosine a tout de la mère parfaite, donc personne ne sait pourquoi elle en est arrivée à tuer ses enfants. Clélia est persuadée qu’il faut aider Rosine à extraire du plus profond ce qu’elle ne sait pas d’elle. Ce qu’elle a peut-être enfoui, oublié ou effacé. Pour arriver à ses fins, l’enquêtrice peut aller loin, trop loin parfois, mais elle est entière, elle ne peut pas lâcher. Bien sûr, elle prend les choses trop à cœur, ça l’envahit, il lui est difficile de mettre de la distance. C’est une femme volontaire, engagée, borderline mais terriblement efficace, « une justicière de la justice ». Forte et fragile à la fois, secrète, farouche, à fleur de peau, « elle a la force des êtres en détresse ». Elle pousse chacun dans ses retranchements, elle ne s’épargne rien, quitte à se mettre en danger, en oubliant les règles.
Ce roman a été pour moi une véritable claque. Je n’aurais jamais pensé à analyser un fait divers aussi affreux avec les yeux de Clélia. On a tous une idée de la justice, qu’y-a -t-il de plus terrible que la mort d’un enfant, de surcroît tué par sa génitrice ? On ne peut pas excuser. Et là, on nous propose de faire le point sur le passé, de l’explorer afin de libérer la parole…
L’écriture de l’auteur est puissante, profonde, elle fouille les âmes (y compris celle du lecteur qui se sent interpellé). Le récit vous hante, votre cœur balance entre l’envie de châtier celle qui a osé donner la mort et le besoin transmis par Clélia de déchiffrer le pourquoi. Cette ambivalence est très intéressante, elle est même le nœud gordien (bien qu’il n’y ait pas d’action radicale). Les phrases sont courtes, elles frappent à la tête et au cœur, elles font mal mais tout ce qu’elles transmettent apporte un éclairage nouveau, donnant du sens à tout ce qui s’est passé.
Cette lecture m’a bouleversée, Sandrine Cohen dissèque, observe, gratte où ça fait mal. Elle présente une interprétation de la situation de départ qui est impressionnante de finesse. Comédienne, réalisatrice de documentaires et de fictions, photographe, doubleuse de films, chroniqueuse, elle signe là, un premier roman noir abouti, totalement bluffant.
Éditions : du Caïman (27 Octobre 2020)
ISBN : 9782919066865
244 pages
Quatrième de couverture
Un jour, Rosine Delsaux, une femme, une mère, une amie parfaite, tue ses deux filles. Elle les noie. Elle ne sait pas ce qui s’est passé, comment a-t-elle pu faire ça. Il y a forcément quelque chose dans la vie de Rosine qui a « permis » ce crime. Avec l’aide de Rosine, Clélia, enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux, va rechercher quoi.
22:38 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |