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17/12/2010

Le chuchoteur, de Donato Carrisi

 lechuchoteur.jpg Une chronique de Jacques

 

 Voici un thriller construit avec une précision d’orfèvre, qui place son auteur directement dans la cour des «grands» du polar que sont Mankell, Connelly et autre Coben.

C’est d’autant plus remarquable qu’il s’agit du premier roman de Donato Carrisi. Il est vrai que celui-ci est tout de même scénariste depuis dix ans, nous apprend la quatrième de couverture, et cela se ressent à la lecture, car il manifeste une maitrise rare de la construction de son récit.

Un parti pris amusant m’a frappé d’emblée : le souci de masquer les lieux où se déroule l’action. Aucun pays n’est nommé, ni aucune ville, les noms de personnages sont français, italiens, anglo-saxons, espagnols, allemands… ou autres. Cette volonté de se défaire de tout ancrage géographique témoigne moins du désir de l’auteur d’écrire un « roman international », dans lequel les lecteurs de n’importe quel pays pourraient se retrouver, que de sa volonté de privilégier les personnages et leurs rapports, ainsi que l’intrigue, très sophistiquée.

 Nous avons donc une nouvelle histoire de tueur en série. Comment faire du neuf dans ce domaine après les milliers de romans écrits sur ce thème ? Par des choix délibérés, qui fonctionnent bien.

Tout d’abord l’ancrage dans le réel. S’il ne le suscite pas à travers une géographie précise, Donato Carrisi va le chercher au fond de ses personnages. Il est, tout comme David Chattam, un spécialiste en criminologie et en sciences du comportement et il est aussi l’auteur d’une thèse sur un célèbre tueur en série italien, Luigi Chiatti. Ses descriptions des différents tueurs et de leurs motivations sont précises, détaillées, subtiles, et s’appuient toujours sur des cas réels, en particulier celui qui donne sens au titre du roman, le « chuchoteur ». Un type de tueur en série que je ne connaissais pas et dont il est impossible de parler ici sous peine de vous enlever le plaisir de la découverte et de gâcher une partie su suspense.

Le criminologue Goran Gavila, associé à l’enquête comme spécialiste « civil » nous fait découvrir, pendant que l’enquête avance, les méandres tortueux de ces êtres atypiques et rares qui restent, malgré toutes les horreurs qu’ils commettent, des humains dans lesquels chacun de nous peut parfois reconnaître une part de lui-même. Comme dans beaucoup de romans à succès, le lecteur a ainsi l’impression d’apprendre quelque chose de concret, de précis, et se sent valorisé.

La deuxième technique utilisée par Carrisi porte sur le travail qu’il a fait sur les caractères et la psychologie des personnages principaux, ici Mila Vasquez, experte dans les affaires d’enlèvement et le criminologue Goran Gavila. Bien sûr, cela fait longtemps que les héros de polars sont plutôt des antihéros torturés, asociaux, qui ont des difficultés relationnelles avec leurs proches et une vie de famille merdique. Quel auteur de polar contemporain imaginerait un personnage principal B.C.B.G., nickel-chrome, propre sur lui, équilibré, qui ne déraille jamais ? Le mécanisme d’identification ne fonctionnerait plus : nous, lecteurs, avons besoin de personnages qui nous ressemblent un chouïa, et qui sont donc bourrés de défauts divers et variés. Carrisi va très loin dans ce domaine : Goran et Mila sont des névrosés/détraqués à côté de qui Sarkozy (ou Berlusconi) apparaitraient comme des parangons d’équilibre psychologique. Et leurs failles béantes sont au fil des pages disséquées, détaillées, explicitées au lecteur d’une façon aussi habile que précise et crédible.

Enfin, dernière technique utilisée et bien maîtrisée par l’auteur, un suspense savamment distillé. Dans chacun des chapitres, le déroulement de l’enquête apporte de nouveaux rebondissements qui déstabilisent les certitudes acquises par le lecteur et le poussent à se poser de nouvelles questions.

Les infos glanées sur le Net laissent penser que Carrisi nous propose ici le premier tome d’une future trilogie, en tout cas à la fin du roman tout est mis en place pour ça, aussi bien du côté des enquêteurs que du tueur. Si les deux autres volumes sont du même tonneau, il y a quelques chances qu’il concurrence rapidement Stieg Larsson et son Millénium.

                                                                                                   

Présentation de l'éditeur :

Cinq petites filles ont disparu.
Cinq petites fosses ont été creusées dans la clairière.
Au fond de chacune, un petit bras, le gauche.

Depuis qu'ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe d'agents spéciaux ont l'impression d’être manipulés. Chaque découverte macabre, chaque indice les mènent à des assassins différents. La découverte d'un sixième bras, dans la clairière, appartenant à une victime inconnue, les convainc d'appeler en renfort Mila Vasquez, experte dans les affaires d'enlèvement. Dans le huis clos d'un appartement spartiate converti en QG, Gavila et ses agents vont échafauder une théorie à laquelle nul ne veut croire : tous les meurtres sont liés, le vrai coupable est ailleurs.
Quand on tue des enfants, Dieu se tait, et le diable murmure?

 

Editions Calman-Lévy, 2010

Prix public : 21,90 €