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04/10/2015

Le printemps du commissaire Ricciardi, de Maurizio de Giovanni

 printemps_du_commissaire.jpgUne chronique de Bruno (BMR).

 Tranche napolitaine.

Après L’hiver du commissaire on s’était promis d’attendre le second épisode pour confirmer le coup de cœur : avec ce Printemps du commissaire Ricciardi c’est bel et bien chose faite et Maurizio De Giovanni est vraiment un excellent filon.
Cette deuxième saison est encore mieux construite que la précédente, avec toute une kyrielle de personnages dont les tranches de vies s’entrecroisent pour donner un panorama un peu triste et mélancolique du petit peuple de Naples …
On retrouve bien entendu le beau commissaire aux yeux verts, toujours affligé de son sixième sens, le sens de la douleur, le commissaire qui “voit” les morts et entend leurs dernières paroles, souvent mystérieuses.

« […] L'humidité du soir étreignit Luigi Alfredo Ricciardi, commissaire de police à la brigade mobile de la Questure royale de Naples. L’homme qui voyait les morts et les entendait parler.

[…] Il avait vu et continuait à voir beaucoup plus qu’il ne l’aurait voulu ou demandé : il voyait la douleur. 
La douleur qui dévaste, la douleur qui revient. Il percevait la colère, l’amertume, même l’ironie hautaine de la dernière pensée qui accompagnait la mort. Il savait que la mort naturelle réglait correctement ses comptes avec la vie. En ne laissant aucune trace planer au-dessus des jours à venir, elle coupait tous les fils et refermait toutes les blessures, avant de se mettre en route avec son baluchon, en frottant ses mains osseuses sur sa chasuble noire. La mort violente, elle, n’en avait pas le temps. Elle devait se hâter de partir. Dans ces cas-là, le spectacle était mis en scène, et la représentation de l’ultime douleur lui apparaissait distinctement : la douleur se déversait sur lui, unique spectateur du théâtre nauséabond du malheur humain. »

Nous revoici donc en ce début 1931, dans les bas quartiers de Naples aux temps de l’Italie fasciste. La saison n’a de printemps que le nom : il fait encore frais et triste. La poussée de sève printanière n’est là que pour faire “bouillonner les sangs” et exacerber les passions. Désir, argent, …
Chacun aimerait bien changer de vie ou d’amour, devenir riche ou même seulement moins pauvre. Alors dans le quartier, chacun prend son tour chez Donna Carmela, la diseuse de bonne aventure, celle qui lit l’avenir dans les cartes.
… Et celle qui prête aussi, à taux d’usure. Une marchande d’illusions.
Un matin, la vieille percluse de rhumatismes est retrouvée assassinée, rouée de coups.
Ricciardi la “voit” prononcer ses derniers mots, un proverbe napolitain :

« Dieu le Père n’est pas un négociant qui paie le samedi. »

Voilà qui est bien mystérieux.
Le commissaire Ricciardi et son fidèle brigadier Maione mènent l’enquête, contre vents et marées, contre hiérarchie et convenances, interrogeant pauvres et riches, toutes celles et ceux qui étaient en affaires (de cœur ou d’argent) avec Donna Carmela.
La règle est la même que dans le premier épisode : tout un chacun a sûrement quelque chose à se reprocher et doit donc être soupçonné, un whodunit un peu à la Agatha Christie, chacun avec un mobile, chacun avec une occasion. Voilà pour l’intrigue policière.
Mais comme bien souvent, l’intérêt des bouquins de Maurizio de Giovanni n’est pas là et le côté polar ne sert que de fil conducteur : non, si on voyage à Naples en compagnie de cet auteur c’est pour une certaine ambiance mélancolique, pour l’étrange personnalité du commissaire aux yeux verts, la description du climat délétère de l’Italie fasciste, de la douleur et de la misère du petit peuple napolitain, … tout cela n’est pas bien gai mais remarquablement écrit.
On prend de plus en plus de plaisir à regarder défiler les saisons de l’année 1931 sur la baie de Naples

 Bruno ( BRM) : les coups de Coeur de MAM et BMR