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03/10/2014

Prison avec Piscine, de Luigi Carletti

prison_piscine.pngUne chronique dAlbertine

 Pourquoi ce roman ne s’appelle-t-il pas « Levantate hermano ! » ? 

Il s’agit bien de l’histoire de deux quasi frères, Filippo Ermini et Rodolfo Raschiani, attachés l’un à l’autre par leur opposition sans concession.  Et l’un des deux frères, Rodolfo,  adresse une injonction à l’autre, Filippo (le narrateur) : « lève toi frère, et vis ! ».  L’auteur  nous en donnera le sens au terme de cette rencontre vivace, brûlante.

 En attendant, le récit du narrateur nous plonge dans l’immense ennui de ses journées : comment ne pas comprendre le caractère insupportable de sa vie de quarantenaire, diminuée par la paraplégie ? Cloué dans son fauteuil roulant, entre les mains de son assistant Isidro surnommé « l’Indispensable », Filippo traverse sa vie sans perspective même s’il reste écrivain. Très vite, le lecteur comprend cependant qu’il a un « projet », dont on suppose qu’il s’agit d’un projet de suicide tant le narrateur est terrassé par l’absence d’avenir. Habitant une résidence de luxe dotée d’une piscine autour de laquelle tourne la vie sociale des résidents, il souffre d’autant plus de son incapacité physique que ses désirs sexuels restent vivaces.  Filippo se replie sur ce triste destin, aveugle aux personnes qui l’entourent, à commencer par son assistant Isidro qui a toujours servi sa famille et l’a pris en charge après son accident.

 L’arrivée de Rodolfo le secoue, lui donne envie d’en savoir plus sur la personnalité de cet homme étrange, voire mystérieux, que google ignore ou mythifie. La petite communauté de la résidence  s’agite autour de lui, se pose de multiples questions, qui laissent Rodolfo parfaitement indifférent. Assez vite cependant,  il se rapprochera du narrateur pour lui dévoiler sa véritable identité, l’inciter à se venger du chauffard responsable de son accident de moto, nouer les prémisses d’une amitié. Etrange attitude qui ne peut se comprendre clairement entre ces deux hommes apparemment peu intéressés par autrui.  Filippo est enfermé dans sa vie étriquée dont il supporte mal les limites, regarde s’agiter les êtres sans aucune empathie, avec une indifférence brutalement dénoncée par Rodolfo : « Tu es fait comme ça. Les autres, tous les autres : des objets derrière une vitre. Du matériel pour tes livres. La réalité, la vraie, tu ne la laisses pas te toucher. Tu la tiens à l’écart. Parce que voilà ce que tu es : prisonnier de toi même ».

 Lorsque les deux hommes se découvriront et se livreront au jeu de la vérité, c’est de leurs corps qu’ils vont parler : l’infirmité de Filippo dans laquelle il se vautre, et les cicatrices de Rodolfo qu’il exhibe en dépit de leur monstruosité ; c’est aussi leur vie qui se révèle peu à peu car  chacun a enquêté sur l’autre. Si Rodolfo est un maffieux protégé par la police pour « faire tomber » un chef, il nous fait découvrir qui est responsable de l’accident de moto de Filippo, et propose à ce dernier un pacte de vengeance. La complicité organisée par l’étrange Rodolfo va cependant se nouer là, et Filippo prendra sa part de responsabilité dans la suite des évènements.

 Etrange récit, assez linéaire mais bien ficelé, qui donne envie de savoir la suite, tant les personnages sont atypiques.

 Finalement le narrateur se lèvera, obéissant à l’injonction de Rodolfo. In fine, ce dernier  lui donnera un signe : pour chacun des « frères », les destinées seront imprévisibles, et l’on peut supposer que leur rencontre est l’élément décisif des bifurcations qu’elles connaissent.

Albertine,  19 septembre 2014

  

Prison avec Piscine
Luigi Carletti
Editeur Liana Levi
247 pages