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16/08/2017

Ne fais confiance à personne, de Paul Cleave

ne_fais_confiance.jpgUne chronique de Cassiopée

« Une sorte de vide avec une touche d’espoir et une touche de folie…. »*

Il a quarante-neuf ans, une femme aimante et une fille adorable qui va bientôt se marier. Son métier : auteur de thrillers, de romans policiers menés de main de maître. Ah non, je ne parle pas de Paul Cleave mais de Jerry Grey, son nouveau personnage. Ce dernier écrit sous un pseudo : Henry Cutter (est-ce que c’est plus facile de se cacher derrière un faux nom quand on écrit des choses affreuses ?). Il  a tout pour être heureux ce brave homme alors forcément, un jour, la roue tourne… sous forme d’un sale diagnostic : le grand A est entré dans sa vie. A comme….. Alzheimer. Il faudra vivre avec ou plutôt sans…. Sans souvenirs de certains événements alors que d’autres seront très nets, sans autonomie parce que les repères seront perdus, sans famille car il faudra vivre dans un milieu « protégé » loin de ceux que vous aimez….

Comment agir ? Jerry va écrire, parce que c’est ce qu’il sait le mieux faire, parce qu’il veut garder une trace de ce qu’il oubliera pour plus tard, parce qu’il est auteur…parce que ….  Mais le voilà qui se met à confondre la vie réelle et la fiction de ses bouquins… Il s’accuse de meurtres et donne des détails correspondant à ses écrits…. Où tout cela peut-il le mener ? Que peut penser la police face à une telle situation, où trouver des preuves (qu’il se trompe ou qu’il a finalement agi….) ?

Paul Cleave le dit « pour bien écrire, il faut parler de ce qu’on connaît…. ». Est-ce que cela signifie qu’en mode Henry, Jerry a besoin de tester grandeur nature ce qu’il raconte ensuite ? Où va-t-il lorsqu’il a des absences (tant au sens propre que figuré) ?) Qui peut l’aider ? Comment et pourquoi ?

La confusion intellectuelle de Jerry va servir de prétexte à Paul Cleave pour aborder des thèmes comme la recherche de sujets pour les écrivains, leur façon d’interpréter le regard et les commentaires des autres, la dualité entre celui qu’on est dans la vie et celui qu’on est quand on écrit (là, c’est super bien réussi !), la place de la maladie grave dans le quotidien surtout lorsqu’on va vers l’oubli….

La construction narrative est particulière, assorti de ce que je définirai comme un « faux rythme ». Il n’y a que peu d’actions, on lit le carnet de bord de Jerry / Henry (qui s’interpelle, se projette avec Jerry passé et Futur Jerry ) , on avance, on revient en arrière, on repart mais pas obligatoirement là où on s’était arrêté…. Les troubles mentaux seraient-ils en train de nous « contaminer » ? C’est contagieux docteur ? Ou bien est-ce pour finir de nous égarer ?  L’écriture (merci au traducteur : Fabrice Pointeau) est troublante, d’autant plus qu’on oscille entre le « je », le « tu », le style impersonnel…

Comme à son habitude, l’auteur aime à nous embrouiller, à ébranler chaque certitude (si on est capable d’en avoir dans un bouquin comme celui-ci), à nous embarquer d’un côté, de l’autre, à nous déstabiliser, à nous rendre (presque) aussi fou que l’individu qu’il nous décrit.

Bien sûr, c’est tordu, alambiqué, bizarre tant ça met mal à l’aise mais également terriblement bien pensé car si on ne lit pas la fin, le puzzle tarde à se mettre en place et …de découverte en découverte, le final semble évident si on relie les points qui ont pu nous alerter (mais « Ne fais confiance à personne »… on ne pouvait pas y croire et puis qui nous a mis la puce à l’oreille ? Jerry ? Henry ? Le narrateur ? Un protagoniste ? On ne sait pas, on ne sait plus….

Personnellement, j’ai eu un peu de mal au début : l’atmosphère me semblait lourde et presque pénible à supporter puis j’ai voulu connaître le secret de ce cerveau malade…. Et là, ma cadence de lecture s’est nettement accélérée …

 

* page 53

Ne fais confiance à personne
Auteur : Paul Cleave
Traduit de l’anglais (Nouvelle Zélande) par Fabrice Pointeau
Éditions : Sonatine (31 Août 2017)
ISBN : 978-2355846403
460 pages

Quatrième de couverture

Les auteurs de thrillers ne sont pas des personnes très fréquentables. Ils jouent du plaisir que nous avons à lire d'abominables histoires, de notre appétit pour des énigmes qui le plus souvent baignent dans le sang. Ce jeu dangereux peut parfois prendre des proportions inquiétantes et favoriser un passage à l'acte aux conséquences funestes. Eux les premiers, qui pensent connaître toutes les ficelles du crime parfait, ne sont pas à l'abri de faire de leurs fictions une réalité.