Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/09/2015

Personne ne court plus vite qu'une balle, de Michel Embareck

embarek.jpgUne chronique de Paul

 ... Et parfois, c'est bien dommage !

Dans un quartier reconstruit après l'ouragan Katrina, des maisons bâties à l'initiative de Brad Pitt mais qui ne résistent pas au climat, un enterrement à la mode New-Orléans parade. Soudain une voiture déboule et une fusillade retentit. Pau après des sirènes de police se font entendre. Les forces de l'ordre, pas encore débordées mais presque, découvrent à l'arrière d'une de ses constructions, le corps d'un pendu à l'extérieur d'une fenêtre au deuxième étage.

Il ne s'agit pas du premier pékin venu, mais d'un chanteur populaire, Flaco Moreno, d'origine française et reconnaissable particulièrement à son bonnet péruvien. Mais pourquoi avoir mis fin à ses jours alors qu'un nouvel album était prévu, ayant mis le dernier point à ses dernières compositions musicales.

Son père, Mohed Khouri, riche homme d'affaires d'origine libanaise, et sa mère, secrétaire juridique, fille de réfugiés républicains espagnols, lui avaient forgé, inconsciemment peut-être, une conscience politique altermondialiste. Les avis le concernant étaient partagés, ce qui arrive à tout un chacun ayant réussi dans la vie. Par exemple il avait créé son propre label musical, il avait donné des concerts gratuits lors de rassemblements du G8, et certains lui reprochaient son attitude charismatique, aidant les défavorisés tout en menant l'existence d'un nanti.

Si la police a conclu à un suicide, quelques mystère entourent toutefois ce décès. Se pend-on à une fenêtre à l'extérieur d'un bâtiment et qui plus à l'arrière d'une maison ? Pourquoi pas répond une psychologue.

 Victor Boudreaux, qui se remet tranquillement d'un accident vasculaire cérébral, en compagnie de Jeanne, sa chère Jeanne, une passionnée de cinéma, Victor Boudreaux partage son temps entre la France où il est né d'une mère originaire de la Louisiane et ce petit coin des Etats-Unis où la présence française est encore très prégnante. Il s'est mis martel en tête d'initier et d'entraîner des étudiants au lancer de marteau. Et alors qu'il se demande comment il va pouvoir réunir les quelques trois cent mille euros nécessaires à un projet d'engagement de ses meilleurs poulains dans des concours européens de l'été, il entend une voix l'appeler.

Non, il ne s'est pas incarné en Jeanne d'Arc, c'est un couple qui le hèle. Il s'agit des parents de Flaco Moreno qui désirent l'engager pour enquêter sur la mort de leur fils. Quoi que s'étant rangé des affaires, Victor Boudreaux accepte la proposition, doublant ses tarifs habituels dans le but de récupérer de l'argent pour ses petits protégés.

-N'empêche qu'on a besoin du paquet d'oseille pour les mômes qui s'éreintent à l'entraînement. S'ils ne lancent pas en Europe l'été prochain, ils laisseront tomber la fac, retourneront dans leur quartier, et, comme ce sont des balèzes, un putain de gang les embrigadera.

 Flaco Moreno était engagé dans de nombreuses causes humanitaires, selon les parents qui aimeraient récupérer les affaires de leur fils, dont son ordinateur et sa guitare. Mais à l'évidence Flaco Moreno était bipolaire dans sa façon de se conduire. D'ailleurs nombreux sont ceux qui se plaisent à le décrire comme étant propriétaire d'un portemonnaie en peau d'hérisson.

En compagnie de son ami Earl Turnbinton, Victor Boudreaux débute son enquête auprès des proches de Moreno, dont le gérant du studio d'enregistrement. Ce qu'ils apprennent ne joue pas trop en faveur du musicien qu'il avait aperçu en compagnie d'une Chinoise, il n'est pas sûr, tout au moins une Asiatique. En remontant la piste, parfois en employant la manière forte, Boudreaux apprend que Moreno avait des accointances commerciales au Vietnam.

Alors, comme ce sont les parents qui assurent le paiement des frais, direction Saïgon puis Hanoï. Boudreaux et son pote vont revoir des vieilles connaissances dont ils se seraient bien passé de retrouver, les ayant côtoyer lors des interventions militaires dans leur jeunesse, dans le camp adverse. Puis tandis qu'Earl Turbinton rentre aux USA, Boudreaux rejoint la France et plus particulièrement Saproville-sur-mer, son fief mais également celui de la corruption. Il continue son enquête avec comme allié Edgard Ouveure qui grenouille toujours dans les Renseignements Généraux et non pas généreux.

 Ce nouveau roman de Michel Embareck est un pur régal, l'auteur n'hésitant pas à égratigner à gauche, à droite, au milieu, partout là où ça dérange.

Bien entendu ce sont les affaires de corruption, de prévarications qui mènent la danse, et comme la musique, elles sont universelles même si le processus n'est pas similaire dans chaque pays. Les relents de ressentiment sont encore vifs au Vietnam, envers les Longs Nez, surnom donné aux Américains par les Charlies, lesquels Charlies doivent leur appellation à Victor Charly qui désignait à l'origine le Viêt-Cong puis s'est étendu à l'ensemble des Vietnamiens.

 L'attitude de Falco laisse présumé qu'il s'intéressait au commerce équitable.

- Votre fils vous avait-il fait part d'un projet relatif au commerce équitable ? demanda Boudreaux aux parents, dont le regard balayait les écrans des horaires de vol.

- Il avait évoqué cette piste, une façon de s'investir personnellement dans l'action, avoua la mère entre deux reniflements. C'était un artiste engagé, pas un signataire de pétitions ou un chanteur des Restaurants du Coeur.

Ce qui en soi est une bonne chose mais il faut savoir ce qui se cache réellement derrière, malgré les belles paroles.

Boudreaux possède son avis personnel sur le commerce équitable :

- Le commerce équitable, c'est payer le producteur avec une tape sur le cul pour prix de sa sueur et faire payer au consommateur la peau du cul pour prix de sa bonne conscience.

Mais bien d'autres sujets sont abordés, ceux qui fâchent bien évidemment, et la façon dont Michel Embarek s'en empare et les traite est particulièrement réjouissante et salutaire.

Bien entendu dans la première partie louisianaise, le jazz est présent, comme cette parade lors d'un enterrement ou la figure devenue emblématique, malgré son jeune âge, de Trombone Shorty. Mais les instruments de musique seront bientôt remplacés par d'autres instruments qui n'adoucissent pas les mœurs.

 

Le blog de Paul : les lectures de l’oncle Paul

Personne ne court plus vite qu'une balle.
Michel EMBARECK
Editions de l'Archipel.
Parution le 2 septembre 2015.
288 pages. 18,95€