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16/07/2011

Une enquête philosophique, de Philip Kerr [chronique de Richard]

uneenquetephilosophique.jpgUne chronique de Richard

Philip Kerr est un auteur qui rebondit et ses romans ont une double vie. Je parle peut-être à travers mon chapeau mais il me semble que ses romans ont plus de succès lors de leur ré-édition. Je ne me rappelle pas l’effet qu’avait eu la sortie de sa série «Berhard Gunther» à l’époque mais la deuxième édition de "La trilogie berlinoise» a quant à elle, connu tout un succès ... comme si on découvrait un nouvel auteur !!

«Une enquête philosophique» connait actuellement le même phénomène: un succès de librairie, 19 ans après sa sortie !! Étrange !! Quelqu’un peut-il expliquer ce mystère écossais, ce «phénomène para-normal» conçu à l’ombre du château d’Édimbourg ?


Quand j’ai terminé ma lecture de «La trilogie berlinoise», il y a deux ans, je me suis mis à la recherche des autres romans de cet auteur qui était peu connu. Je cherchais surtout ce roman au titre étrange, «Une enquête philosophique» avec une page couverture intrigante et questionnante (une main qui approchait une clé vers un cadenas dans un écran d’ordinateur). Partout, j’ai cherché ce roman, au Québec et en librairie virtuelle européenne et j’ai obtenu la même réponse: ÉPUISÉ !!

Finalement, les Éditions du masque ont décidé de ré-éditer ce roman !! L’attente fut longue mais le plaisir de lire était à la hauteur de mes attentes.

«Une enquête philosophique» est un roman différent, passionnant, étrangement contemporain et surtout, même si il a été écrit il y a presque vingt ans, il vient sûrement de créer une nouvelle mode: le polar philosophique !!! Oui, oui ! Ce n’est pas juste un titre accrocheur mais une véritable trame romanesque basée sur un dialogue philosophique entre une policière misandrique et un tueur en série féru de réflexion existentielle.

Isadora Jakowicz, communément appelée Jake, est inspecteure principale et doit faire sa place dans un milieu d’hommes, pour la plupart sexistes et condescendants. Pourtant elle est très performante, spécialisée dans les gynocides sériels et reconnue comme une sommité, sauf dans son commissariat. Son patron lui confie enfin une affaire dans laquelle elle pourra faire ses preuves ... mais quelle affaire ! Elle, la spécialiste des meurtres de femmes, on lui confie l’enquête où les victimes sont tous des hommes ... tués par six balles, dans la tête.

«Je leur tire toujours dans la tête. Pas seulement pour être sûr de ne pas les rater. mais aussi parce que c’est la tête, la leur, la mienne, qui est à l’origine de tous nos ennuis: les leurs et les miens»

Notre tueur et toutes ses victimes font partie d’un protocole de recherche, le programme Lombroso, programme qui, à partir d’une analyse du cerveau et du siège des réactions d’agressivité, fait en sorte de suivre et de fournir une thérapie à chaque homme pouvant avoir des tendances à la violence physique. Le dispositif mis en place permet au Gouvernement de suivre de potentiels criminels avant même qu’ils posent des gestes violents.

Habile en informatique autant qu’en dialectique, Wittgenstein (nom de code donné par le programme Lombroso) détruit son dossier dans le réseau informatique du programme et se fait une copie de la liste des participants ... pour nettoyer la planète de ces personnes potentiellement violentes. Comment ne pas apprécier la grandeur d’âme de ce meurtrier quand il décrit son travail de cette manière: « ... guettant l’occasion propice de lui accorder l’immortalité temporelle de l’âme humaine, c’est-à-dire son éternelle survie après la mort, si tant est que pareille chose existe.»

Commence alors un dialogue passionnant entre l’inspecteur Jake et le philosophe Wittgenstein qui, de chapitre en chapitre, nous amène vers la conclusion la plus inattendue mais la plus évidente! Nous suivons la passionnante enquête menée par l’inspectrice principale et en alternance, le tueur en série explique son cheminement, sa version des faits; et ainsi, de chapitre en chapitre, le dialogue s’installe jusqu’à une intimité bien particulière.

Absolument jouissif comme roman !

Quand on sait que ce récit a été écrit au début des années 90, on se demande jusqu’à quel point l’auteur n’a pas une faculté de devin: corruption politique, montée de la droite et répression font partie du paysage social. L’auteur a même inventé (??) une conséquence effrayante, une sentence qui donne froid dans le dos: le coma punitif. Et tant qu’à y être, entrez donc dans le bureau du psychothérapeute Blackwell qui exige de ses patients «une complète nudité pendant l’entretien ...» .

Cependant, attention, si vous avez aimé «La trilogie berlinoise», il ne faut pas vous attendre à l’atmosphère et même à l’humour de Bernie Gunther ... Même si elle possède un certain sens de l’humour, Jake a plutôt tendance à l’analyse savante qu’à l’entourloupette langagière.

De plus, n’ayez aucune crainte quant à la portion philosophique du roman; quelques phrases, quelques idées viennent enrichir grandement le récit et lui donne un climat particulier, presque intellectuel. Pas besoin d’un diplôme en philosophie pour apprécier ce roman. Le style et la qualité des dialogues de Philip Kerr, son sens de la formule et la qualité de ses personnages sauront vous faire apprécier cette lecture. Vous devriez sûrement apprécier un passage où l’auteur nous fait découvrir les similitudes entre l’enquête policière et la philosophie: à lire par tout amateur de polars !

Laissez-vous porter par l’histoire, appréciez le talent de l’auteur pour vous imprégner de moments haletants et prenants et surtout, assistez, probablement au début d’une nouvelle mode, le roman philosophique !

Voici quelques extraits révélateurs:

Réflexion du tueur en série après un de ses meurtres: «Mais au moins, maintenant que l’autre Dickens est mort, le monde sera peut-être un peu plus sûr pour les femmes. Il va de soi qu’elles n’en sauront jamais rien, et c’est bien dommage, mais ce dont on ne peut parler, il faut le taire.»

« ... ce n’était pas que Jake aimait les femmes, mais plutôt qu’elle haïssait les hommes.»

Et une phrase qui m’a bien fait rire, en pensant aux problèmes technologiques que l’on peut rencontrer avec nos ordinateurs: «C’est bien là le problème avec les gens préposés à la sécurité informatique. Ils ont tendance à penser que tout le monde est aussi ignorant qu’eux.»

Une pensée pour vous, amis lecteurs, une pensée de ce tueur en série ... amateur de lecture: «... sans livre, je suis enchainé à la terre, la lecture fait de moi un Prométhée dé-livré.» Et voilà, un tueur en série, dieu de la connaissance !!!

 

Alors n'hésitez pas à lire ce roman durant vos vacances ... même s'il faut le lire avec attention et surtout, beaucoup de réflexion ! Un plaisir pout tout amateur de polars !

 Bonne lecture !

Richard, Polar Noir et blanc : http://lecturederichard.over-blog.com/


Une enquête philosophique
Philip Kerr
Éditions du Masque
2011
391 pages

Commentaires

Traquer la violence avant qu'elle ne jaillisse n'est pas une idée neuve.Bien avant la sortie du film de Spielberg"Minority report"(2002),Phillippe.K.Dick dans "Le rapport minoritaire"(1956) avait mis en évidence cette volonté totalitaire de la sociéte d'éradiquer le mal avant qu'il ne se déploie et de controler les êtres dans leurs fibres maléfiques.Le livre de Philippe Kerr est emmerdant et pénible et ce n'est pas parce qu'il a le label philosophique que nous devons agréer avec considération ce pensum d'un ennui mortel.

Écrit par : eric | 19/07/2011

Bonjour Eric. Que tu n'aimes pas ce roman, voire même pas du tout, c'est ton droit et je le respecte totalement. De plus je suis d'accord avec la première partie de ton message. Par contre là où ton propos me dérange c'est quand tu écris " ce n'est pas parce qu'il a le label philosophique que nous devons agréer avec considération ce pensum d'un ennui mortel." Ca va peut être t’étonner Eric, mais je ne suis pas du genre à m'extasier devant les bandeaux ou labels qui peuvent affubler un roman que je m'apprête à lire !! Fais moi l'amitié de penser que Richard, Cassiopée et moi même ( qui avons lu et chroniqué ce roman ici et sur nos blogs respectifs ) avons tout de même un minimum d'esprit critique! et que si nous avons aimé ce livre, c'est peut être pour un peu plus qu'un simple label attaché à un livre. Je t'en remercie. Bien amicalement. Bruno

Écrit par : Bruno | 21/07/2011

Cher bruno,

Loin de moi l'idée de vous considérer comme des critiques de seconde zone ou manquant d'esprit critique.Il est vrai qu'en découvrant l'engouement pour ce livre de Philippe Kerr ,je me suis senti un peu seul ne l'ayant pas aimé.Je crois que mon désarroi devant un certain emballement (trois critiques positives)m'a laissé perplexe et je me suis senti mauvais lecteur.Mais il faut pouvoir entendre parfois la déception à la lecture d'un roman d'un auteur confirmé et savoir réfléchir tous ensemble à certains termes qui nous impressionnent d'emblée comme le mot "philosophie"par exemple.
Avec toute mon amitié et mon affection.Eric

Écrit par : eric | 23/07/2011

Bonjour

Excusez-moi d’intervenir dans la conversation.
Pour apporter une réponse au dernier message, le mot « philosophique » ne m’a pas du tout « impressionnée ». Je ne m’attache pas au titre d’un livre et à son prétendu contenu avant de le lire. Je ne regarde pas ce qu’en pensent les uns et les autres pour éviter tout risque d’influence. Oui, le concept n’est pas nouveau, Minority Report étant là pour nous le prouver. Je ne suis pas critique littéraire, mais je sais que si j’ai apprécié ce livre c’est pour : sa construction, ses références qui entraînent des envies de découvertes chez moi, sa qualité d’écriture. L’intrigue n’est pas l’élément essentiel de mon plaisir de lectrice. Ceci dit, je connais d’autres personnes qui trouveront ce livre ennuyeux et rébarbatif car manquant de punch à leur idée. Il a peut-être croisé ma route au bon moment ? Dommage qu’on ne puisse pas se rencontrer pour un café littéraire, la discussion serait animée !

Écrit par : Cassiopée | 23/07/2011

désolé Eric, je n'avais pas vu que tu m'avais répondu ! Pas de soucis, je comprends et respecte ton point de vue.Les avis divergents, même s'ils sont peu nombreux, sont toujours utiles pour s'interroger sur un livre que l'on a soi même apprécié, alors surtout n'hésite pas à continuer à faire entendre ta petite voix quand n'apprécie pas un roman que l'on chronique !! Amitiés

Écrit par : Bruno | 04/08/2011

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