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08/10/2011

Le passager, de Jean-Christophe Grangé (chronique 2)

lepassager.jpgUne chronique de Christine

 

Comme le disait ma grand-mère : « C’est forcément bon puisqu’il n’y a que de bonnes choses dedans. »

Ma grand-mère devait être une parente éloignée de celle de  Lily Verdine , et devant tant de bon sens, on aurait envie de s’incliner.

Mais il arrive souvent que les adages montrent leur limite. Ne vous est-il jamais arrivé de suivre scrupuleusement la recette « Top-Secret-Défense » de Tata Marie-Célestine, celle du succulent navarin d’agneau qui fait pousser des « Ohhh » et des « Ahhh » d’extase lors des repas de famille ? Et de vous retrouver face à un vulgaire ragoût dans lequel quelques morceaux de viande trop cuite baignent dans un bouillon qui fait les gros yeux ? Hum ?

Allez, ne boudez pas !

Cela arrive à tout le monde !

Il suffisait d’être convaincant, envers soi-même et envers les autres, pour qu’un délire devienne réalité…*

 Mathias Freire, psychiatre à Bordeaux, est tiré d’un rêve empli de cauchemars pour prendre en charge un nouveau patient : un colosse, trouvé près des voies ferrés. Amnésique, prostré, tenant des objets couverts de sang. Un sang qui n’est pas le sien. Cet homme confie peu à peu quelques détails sur sa vie, Mathias vérifie. Tout est faux, ou presque ! Cet inconnu est en pleine fugue psychique, a tout oublié de sa vie précédente, et n’a gardé que quelques bribes de souvenirs pour servir de base à une nouvelle identité. Quel évènement violent, vécu ou vu, aurait pu provoquer ce syndrome extrêmement rare ?

Freire explore toutes les pistes pour connaître l’histoire de son patient, cela va l’amener à remettre en cause sa propre identité. Ou ses différentes identités ? Emboitées les unes dans les autres comme les Matriochkas, ces petites poupées russes superposées les unes aux autres…  Mais ses recherches semblent ne pas être les bienvenues, et il va rapidement devenir lui-même l’objet d’une traque impitoyable.

Une double traque, en fait.

Car si la police le recherche pour avoir trouvé ses empreintes sur la scène du crime, il y a également quelques tueurs à ses trousses. Pourquoi ? Et pour qui travaillent-ils ?

 Pendant ce temps, Anaïs Chatelet, jeune capitaine de police, est chargée de mener l’enquête sur le meurtre d’un jeune SDF. Un meurtre à la mise en scène spectaculaire puisqu’une tête de taureau a été enfoncée sur celle du jeune homme, le transformant en une sorte de Minotaure des temps modernes.

Bien sûr, les deux intrigues sont liées.

Mais avant d’en connaître le dénouement, que de péripéties et de rebondissements !

  Les êtres humains ne cessent de traverser les mythes comme des grandes salles qui les protègeraient et cadreraient leur destin…*

 Ceci est un thriller. Un vrai de vrai. Avec de vrais morceaux de bravoure et d’éclats de cervelle dedans. Avec de vrais héros en fuite et de vrais méchants abominablement méchants.

Avec tous les vrais ingrédients de base du thriller.

Oui, que de répétitions !

Mais c’est voulu ! Je sais ce que je fais, et ce que j’écris, tout de même…

Chaque chapitre amène son lot de surprises, de révélations, de retournements de situation. De fusillades. D’embuscades. De saleté bien glauque (avec parfois une certaine complaisance, n’ayons pas peur de le constater) et de mythologie trifouillée comme il se doit.

C’est très détaillé, très visuel, on en prend plein les yeux, et on en a pour son argent. Un livre d’un kilo, ce n’est pas rien. Ça en fait, des pages à remplir !

Pris séparément, chaque paragraphe n’est pas mal et on a envie de tourner les pages pour connaître la suite. Après tout, Jean-Christophe Grangé n’est plus un débutant et il maîtrise bien toutes les ficelles. L’intrigue est touffue à souhait, labyrinthique comme il se doit, avec pistes et fausses pistes dans chaque recoin.

Mais j’avoue que les ficelles sont souvent bien grosses, et le trait bien forcé. Alors, s’il y a d’excellentes trouvailles dans ce roman, il y a également une certaine lassitude qui s’est installée lorsque j’ai vu débouler une embuscade à chaque coin de page. Bien sûr, cela fait partie des éléments indispensables à tout thriller digne de ce nom… mais faut pas abuser non plus !

Autant j’ai apprécié certains passages, autant cela m’a prodigieusement énervée d’en lire d’autres au trait beaucoup trop appuyé. C’est comme avoir la main lourde sur le sel, en somme…

Il y a des trucs un peu dérangeants, comme cette sensation de déjà-vu pour quelques scènes.

(Au hasard : l’implant. J’avais l’impression de voir un mélange de « Fortress » et de « Total Recall ». Bref, de la série B, divertissante, mais nanar quand même.)

Pour avoir lu il y a peu l’excellent « Sur nos cadavres, ils dansent le tango », de Maurice Gouiran **, les quelques similitudes trouvées dans « Le Passager » en deviennent bien fades.

Entre nous, lorsque je lis ce genre de phrase : « Elle esquissa un va-et-vient des épaules qui fit doucement ballotter ses doudounes. » Allons, allons… là, ça casse net l’ambiance des phrases précédentes.

Et surtout, surtout : amis auteurs, qui que vous soyez, je ne supporte plus de lire « taux d’alcoolémie ». Cela m’horripile au plus haut point et vous êtes prévenus : si je trouve « taux d’alcoolémie » en cours de lecture, je ferme le livre et basta. Je passe au livre suivant.

  Il y a de bonnes idées, je ne le nie absolument pas. Je suis certaine que ce livre plaira beaucoup. D’autant plus que je trouve la chute beaucoup moins bâclée que dans d’autres livres de J.C. Grangé.

Avis mitigé, donc. La juxtaposition de bonnes choses avec de moins bonnes ne m’a pas totalement convaincue. Il faut croire que mes goûts s’éloignent du thriller pour me porter vers des lectures un peu moins « à l’emporte-pièce ».

  * Citations extraites du livre.

** J’y reviendrai dans un prochain article.

 

  Christine, (Blog : Bibliofractale )

 

Le Passager

Jean-Christophe GRANGÉ

Albin Michel

749 pages ; 24,90 euros

 

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