08/10/2011
Les invisibles, de Martin Winkler
Une chronique de Christine
On peut toujours aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Si l’ambiance est plus sereine. Si ouvrir une parenthèse en terre étrangère s’annonce comme la meilleure des décisions. Rien de tel qu’un bon dépaysement pour se changer les idées.
C’est sans compter sur l’être humain, et son incurable aptitude à la complexité.
Quel que soit le pays.
Quel que soit le continent.
Traversons l’Atlantique…
Je ne suis pas seulement arrivé en terre étrangère. Je suis tombé dans une histoire de famille.
Les amis les plus proches de Charly Lhombre, qu’il considère presque comme sa famille, partent pour une sorte de tour du monde et Charly se retrouve seul. Sa candidature pour une bourse de recherches au prestigieux Centre de recherches en éthique clinique (CRIE) de Montréal ayant été accepté, c’est l’occasion pour lui de faire un travail qui le passionne… et de s'occuper l'esprit pour moins penser aux absents.
Une fois sur place, il découvre que le logement qu’il loue à Owen La Chance, le fondateur du CRIE, est l’ancien appartement de l’épouse d’Owen, Kathleen Cheechow. Kathleen, créatrice de la fondation qui finance le CRIE, a été assassinée trois ans auparavant. Un meurtre non élucidé.
Cela intrigue Charly. Mais ce qui l’intrigue bien davantage ce sont tous les personnages qu’il va croiser : les deux co-directeurs du CRIE, les autres scientifiques faisant partie du CRIE, Joshua La Chance (le fils d’Owen), Malvina (une amie de la belle-fille d’Owen, bénévole dans un centre d’accueil pour sans-abris), la très directe et attirante Réjane…
Charly se rend vite compte que Kathleen ne laissait personne indifférent. Cette femme brillante avait également énormément de zones d’ombre qui pourraient bien expliquer le « pourquoi » de son assassinat.
Chassez le naturel… Charly reste Charly et fait ce qu’il sait faire le mieux : il observe, analyse, écoute.
Et va se transformer en enquêteur.
Charly, tu renifles toujours les coups tordus à trois kilomètres. Et au lieu de les fuir, tu mets les mains dans le cambouis même quand c’est pas toi le mécano.
On ne peut pas vraiment parler de roman policier. Quoique. Il y a des meurtres, des agressions, une enquête.
On ne peut pas vraiment parler d’un roman qui serait un journal de voyage. Quoique. La découverte de Montréal est savoureuse. Sur fond de hockey, de rencontres pleines de surprises, de tournées dans les bars, d’histoire du peuple Cri, et de phrases dans lesquelles on entend la petite musique de l’accent québécois.
Il est également question d’agissements sans scrupules, de manipulations. Par de grandes firmes ou d’individus qui sont prêts à tout parce que seul leur intérêt prime. Tant pis pour les dégâts collatéraux.
Ce serait comme un mélange de plusieurs genres, l’auteur n’hésitant pas à écrire « Je sais, ça aura l’air bizarre quand un éditeur lira ça – si jamais j’arrive à la fin du manuscrit –, mais j’emmerde les conventions. »
Et c’est bien pour cela que Martin Winkler est inimitable et que je l’aime. Avec ses personnages, sa manière de dénoncer les agissements méprisables, les individus sans morale. Avec l’œil de l’homme qui utilise ses connaissances de médecin pour décrypter ce qui l’entoure, perdant parfois quelques illusions, mais jamais son âme ni son cœur.
Avec une plongée dans des coulisses peu fréquentables, une histoire basée sur le fonctionnement humain (il y a là une large palette), un dénouement à la Hercule Poirot, c’est un petit livre dépaysant qui ne révolutionnera pas l’univers des romans policiers, qui possède peut-être quelques longueurs ou inégalités. Et alors ?
Si la perfection n’est pas de ce monde, il existe heureusement des personnages attachants comme Charly Lhombre (ou Bruno Sachs, qu’on croise ici très brièvement).
Tant mieux !
Christine, (Blog : Bibliofractale )
Les Invisibles
Martin WINKLER
Fleuve Noir
277 pages ; 19,50 euros
10:26 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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