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11/05/2012

Mortelles voyelles, de Gilles Schlesser

 mortelles_voyelles.jpgUne chronique d’Astrid

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latente :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles…
Arthur Rimbaud (Voyelles)

Voici un polar qui met l’accent circonflexe sur les jeux de mots et qui devrait ravir les amateurs de procédés littéraires chers à Perec.  Pour  tisser sa toile narrative et bâtir cette histoire de voyelles Rimbaldiennes qui virent au rouge, Gilles Schlesser met en scène un enquêteur-journaliste baptisé Oxymor Baulay.

C’est au cours d’une enquête en immersion chez les SDF que va basculer la vie du séduisant journaliste quinqua, fauché de conviction et parisien de profession. Un baptême en milieu hostile qui va lui faire sillonner un Paris aussi blême que gouailleur, incarné par le clochard céleste Vaida. Truculent Vaida, qui loin d’être dupe propose à notre enquêteur bobo un troc alléchant : un manuscrit des poubelles contre une cartouche de cigarettes. 

Début d’une longue série de péripéties en République de Saint Germain des Prés pour  Oxymor Baulay qui ignore encore que ce manuscrit titré « A, noir »  est le fruit de la plume d’un serial killer aussi lettré que machiavélique. Très vite « A, noir » s’avère ne pas être un manuscrit comme les autres. Non signé, clairement émaillé de tortures et propos misanthropes, « A, noir » est surtout un récit aussi sordide que génial  puisque n’y figurent ni la voyelle y ni le verbe être. Le casse-tête des figures de rhétorique se met en marche pour Oxymor Baulay qui par l’entremise d’un ami éditeur décide de publier le manuscrit. Le petit monde de l’édition va vite déchanter en constatant que HAMLET, le héros du récit, est un assassin bien réel tirant des ficelles littéraires diaboliques pour mieux signer son retour. Un face à face d’érudits, d’Oulipiens louvoyant entre Queneau et Rimbaud va donc se jouer entre le tueur et Oxymor Baulay. Au cœur même du récit se tapit le mal mais aussi le chemin pour aller à sa rencontre.

Fin connaisseur de Paris et de ses dédales, Gilles Schlesser ne se contente pas de faire son « Métronome » mais utilise au contraire la capitale comme un revigorant matériau de roman noir. Déambulation cinégénique entre la Gare d’Austerlitz, la rue de Bourgogne ou encore  les lieux Sartriens de la Rive Gauche, Mortelles Voyelles n’a pas besoin des bateaux mouches pour nous offrir à lire un Paris aussi jubilatoire que malfaisant. Au-delà d’être une réjouissante cartographie de la Capitale, Mortelles Voyelles est aussi un roman noir bien ficelé, enrubanné d’érudition jusqu’à provoquer la saturation du lecteur contraint de chercher dans l’Universalis les nombreuses références abordées dans le texte. Mais une encyclopédie étant toujours d’agréable compagnie, on se glisse de bonne grâce dans cette histoire de serial killer littéraire à la plume aussi tranchante que celle d’un coupe-papier.

 Au final, Mortelles voyelles est donc un bon polar serpentant habilement entre Seine et scène de crime pince-fesses branché et macadam parisien. Un Polar raffiné et verbeux truffé d’hyperboles et autres métonymies. Après cette lecture,  pas de doute, vous serez parés pour briller dans les diners en ville. Rive gauche, cela va de soi.

Astrid Manfredi (laisse parler les filles)

 Mortelles  voyelles
Auteur : Gilles Schlesser
Nombre de pages : 277
Editions : Parigramme / Compagnie parisienne du livre, 2010 et Editions Points

Présentation de l’éditeur :

Oxymor Baulay le sait : ce manuscrit anonyme est un trésor. C’est l’histoire à la fois éblouissante et morbide, fascinante et inquiétante d’un tueur en série surnommé Hamlet. A sa publication, la prose d’Hamlet agite le tout Paris littéraire et secoue bientôt toute la ville. Car Hamlet est bien réel. Et il le prouve, par le sang. A cœur du texte, entre Shakespeare et Rimbaud, Oxymor mène l’enquête.

Né à Paris, Gilles Schlesser est romancier et essayiste. Il a consacré plusieurs ouvrages « aux petits lieux parisiens » des années 1950 qu’il aime tant.

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