11/05/2012
La nuit de l’accident, d’Elisa Vix
Une chronique de Jacques.
Dans le polar noir, l’urbain est plus à la mode que le rural. Normal : la densité de population influe sur la densité du crime, la vie trépidante des villes semble exacerber les passions humaines et favoriser les dérapages de tous ordre… de plus, le calme et la tranquillité des coins reculés de nos campagnes, la vie sociale des petits villages dans lesquels chacun sait tout sur son voisin font qu’il est plus difficile d’être « en dehors des clous » : chacun est au courant des moindres dérapages.
Pourtant, ces dérapages existent aussi, comme nous allons le voir dans ce quatrième roman d’Elisa Vix, une des auteurs vedettes de l’excellente maison d’édition Krakoen, mais qui est éditée pour ce roman par Rouergue noir.
Nous sommes dans un petit village du Cantal, dans lequel l’élevage des vaches laitières est une donnée économique importante. Pierre est éleveur. Beau garçon, du type grand-costaud-tranquille, il a un caractère renfermé, communique peu et mal. Pourtant il a plu à Nat, la jeune et belle vétérinaire stagiaire du coin, qui deux ans plus tôt est venue s’installer chez lui. Nat est à l’opposé de Pierre dans bien des domaines, et inévitablement les rapports du couple se sont effrités au fil des mois. Pendant que Pierre, préoccupé par son travail, a du mal équilibrer les comptes de la propriété, Nat est soumise à un chantage sexuel de la part de son employeur : si elle ne cède à ses avances, elle s’en va. Elle n’ose pas en parler à Pierre, toujours aussi mutique.
C’est dans ce contexte qu’un accident de voiture se produit, une nuit de tempête, tout près de la propriété. Le conducteur est retrouvé mort sur la berge de la rivière en crue, le Célé, alors que sa voiture a plongé dans les eaux. Mais cet accident cache un secret qui va provoquer une autre tempête, très humaine celle là, qui va balayer la vie plutôt paisible de Pierre et de Nat.
Elisa Vix a réussi à rendre ces deux personnages attachants en alternant les narrateurs personnages, ce qui nous permet de comprendre leurs motivations, les raisons de la lente destruction de leur couple, et d’approcher avec eux, en douceur, du dévoilement du mystère qui entoure cette fameuse nuit de l’accident. Que s’est-il passé cette nuit là ? Que vient faire le mystérieux et séduisant campeur qui s’est installé dans la propriété ? Sa présence va-t-elle seulement créer un classique triangle amoureux alors que le couple de Nat et Pierre est en crise, ou bien cette présence est-elle en rapport avec l’accident ? Et si oui, quel est ce rapport ?
Un personnages secondaire apparait, qui donne une certaine légèreté à l’histoire, celui de Momo, le gamin de Sarcelles devenu le confident et ami de Pierre, Momo qui du haut de ses treize ans prodigue à Pierre ses conseils avisés qui doivent lui permettre de conserver l’amour de Nat. Au fil des chapitres, tous ces personnages prennent de la chair, l’intrigue se noue inexorablement, les sentiments se précisent, évoluent, les actes de chacun prennent tous leur sens, jusqu’au dénouement brutal, d’une violence maitrisée, non racoleuse. Car même si ce polar est très noir dans sa chute, il ne l’est pas dans l’écriture, toute en retenue, en finesse et en discrétion.
Elisa Vix nous a concocté là un roman différent de ses romans précédents, dans lequel le mystère planant au dessus de certains personnages remplace l’enquête policière classique. Elle a créé une sorte de « polar noir rural », séduisant, bien construit, aux personnages forts, qui s’avale aussi facilement qu’un bol de lait chaud sorti du pis d’une salers… sauf qu’ici, votre plaisir de lecture sera plus long. Un court roman à déguster sans modération : n’hésitez pas à plonger avec lui dans la ruralité profonde et les abîmes de l'âme humaine !
Jacques, (lectures et chroniques)
La nuit de l’accident
Elisa Vix
Editions Rouergue noir
144 pages
16 €
Présentation de l'éditeur
Que s'est-il vraiment passé la nuit de l' accident, la nuit où une voiture s'est écrasée dans le Célé et où un homme a été retrouvé mort, sur la berge ? Nat, la jeune vétérinaire qui vit avec Pierre dans la ferme toute proche, ne va pas tarder à se poser des questions. Alors que son couple bat de l'aile et que son employeur se livre à un infect chantage, d'étranges événements surviennent dans ce coin perdu du Cantal. Un motard conduit sa machine avec la détermination d un kamikaze. Un vieux rebouteux à moitié fou prend Pierre pour son oncle, résistant mort pour la France. Un campeur énigmatique, beau comme une publicité pour le club Med, fouine un peu partout.
Tambour battant et avec un humour grinçant, Élisa Vix nous mène dans un excès d émotions peu compatible avec la vie d'un éleveur de laitières.
Biographie de l'auteur
Née en 1967, Élisa Vix s'est lancée dans l'écriture de romans policiers après la publication... d'une thèse vétérinaire. Elle a publié trois romans : La Baba-Yaga (Odin, 2005) et Bad dog (Odin, 2006),
tous deux adaptés pour France 2, et Andromicmac (Krakoen, 2010).
Bad dog a reçu le prix du meilleur polar francophone de Montignylès-
Cormeilles.
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Commentaires
Intéressant un polar rural, j'en ai jamais lu. Merci de nous faire découvrir cette auteure qui ne se prend pas pour une belle des champs :)
Écrit par : Astrid | 11/05/2012
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