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28/12/2012

Défendre Jacob, de William Landay

defendre_jacob.jpgUne chronique de Cassiopée.

 Si vous en êtes capable (moi, je n’y arrive pas…), ne lisez pas la fin de ce livre en premier….
C’est vraiment un excellent thriller psychologique et vous ne verrez pas le temps passer….donc la fin arrivera bien assez vite…
Savons-nous jusqu’où nous sommes capables d’aller par amour pour nos enfants ? Serions-à même de nier l’évidence, même placés face à des preuves indiscutables ? Serait-ce que l’amour rend aveugle et nous donne la propension de tout excuser, tout pardonner, tout comprendre ? Jusqu’où le passé conditionne-t-il le présent ? Que porte-t-on, en nous ; comme gènes « positifs ou négatifs », quelle est la part de l’hérédité, de l’éducation, de l’enfance et du milieu dans lequel on vit dans ce qu’on est, dans ce qu’on devient?
Toutes ces questions transparaissent en filigrane dans les quatre cent quarante-quatre pages de ce roman….

On sent les interrogations, la douleur, la souffrance des parents face à ce dilemme « Notre fils est-il l’assassin ou pas ? » Jusqu’où croire en lui, jusqu’où aller pour le défendre, le protéger….
L’histoire est racontée à la première personne par le père de Jacob, procureur de son état, mis en disponibilité car il ne peut suivre une affaire à laquelle un membre de sa famille est mêlé.
Il explique l’enquête, enfin ce qu’il en sait, les démarches qu’il fait de son côté, le procès de son fils. Il décortique la famille, son couple en crise face à cette situation, les réactions des voisins, collègues, amis, ceux qui restent fidèles, ceux qui vous lâchent, la difficulté à vivre normalement, ne serait-ce que pour aller faire les courses…. Tout se déroule sur plus d’une année, ce qui permet de voir l’évolution des relations entre les différents individus.

Insérée ça et là, dans une police de caractères différente, la retransmission d’extraits d’un procès: seulement les dialogues, brefs, incisifs, sans aucun commentaire…. Cela donne une construction particulière à ce roman car on suivra simultanément un passé proche et un autre un peu plus lointain….
Andy, le père, est persuadé que son fils ne peut pas être coupable, Laurie, la mère, s’interroge, elle a peur, peur d’avoir engendré un monstre ? Peur d’avoir raté quelque chose dans son éducation ? Jacob, le fils, accusé, c’est l’ado un peu je m’en foutiste, qui se dit qu’il n’est pas réellement concerné par tout ce remue ménage, il est secret, a une part d’ombre comme tous les jeunes de son âge mais quelle est-elle ?…

Donc une famille, en apparence sans histoire, unie, qui se retrouve à gérer quelque chose de très délicat… mais ce serait sans compter sur le passé…. Le père, le grand père etc ….d’Andy n’étaient pas des hommes très fréquentables et il n’en a jamais parlé à sa femme. Grave erreur….Lorsque votre fils est mis en exergue, les médias grattent partout et ressortent ce que vous aimeriez laisser enfouis ….. Comment va réagir Laurie devant le mensonge par omission de son époux ? Comment les psychologues vont-ils explorer ce passé de mauvaise famille? Le « gène du meurtre » est-il une option familiale ? Peut-on porter en soi une certaine forme de violence ? Finalement Andy et Laurie connaissent-ils le « vrai » Jacob ? Que peuvent révéler des réflexions sur facebook, des vidéos sur un ipod face au mutisme de votre fils?

Pourquoi l’enquête ne creuse-t-elle pas la piste du délinquant sexuel qui est installé près de l’endroit où a été commis le meurtre ? Pourquoi le nouveau procureur (qui a été formé par Andy) ne suit-il pas cette piste, ne serait ce que pour l’invalider ? Quelles sont les tensions politiques sous jacentes de ce procès (car être procureur c’est aussi un « tremplin » pour aller plus loin dans certains états américains). Que va devenir ce couple qui se fissure, ne sait plus se parler face à l’inconcevable ? Comment réagir si le grand-père qu’on a souhaité oublier se rappelle à vous ? Quels choix seront faits ?

L’écriture de William Landay est précise, vive, il sait nous captiver avec peu de mots, la tension est là palpable, le suspense omniprésent pourtant pas de sang, pas de rebondissements sans arrêt, simplement cette idée fixe : Jacob est-il coupable ou pas ? Et il réussit à nous habiter de cette question pour que nous la fassions nôtre…
De plus, c’est avec une construction habile, nous évitant les longueurs habituelles des procès américains qu’il nous emporte à sa suite sur des chemins tortueux, torturés, suivant les tourments des uns et des autres, fouillant les âmes jusqu’à un dénouement final assez époustouflant…

 

Cassiopée

 

Une autre chronique sur ce roman : celle de Christophe.

 

Défendre Jacob
William Landay
Editions Michel Lafon (octobre 2012)
444 pages ; 20,50 €