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29/11/2012

Nouvelles d'Ecosse, de Laura Hird

nouvelles_d_ecosse.jpgUne chronique d'Albertine.

 

Laura Hird s'immisce dans la vie de personnages les plus divers, hommes, femmes, enfant, pédés, êtres plus ou moins dans la norme, plus ou moins en déshérence, dont nous vivons une tranche de vie, un moment banal ou extraordinaire, dont nous partageons la résignation ou la perplexité lorsque les événements tournent bizarrement, ou la détermination lorsqu'ils mènent le jeu. Tout est « étrangement normal » dans les situations vécues ou dans les réactions des héros qui parfois sont d'emblée « à l'ouest » : une allumeuse qui cherche des hommes pour les maltraiter ou une paumée qui croit rentrer chez elle et harcèle les occupants d'une maison ; et là, l'étrangeté est incarnée par le personnage central. Mais souvent, les personnages sont « normaux », ou presque, et  les situations décrites sont  banales : il sera question d'un trou de mémoire à l'issue d'une soirée trop arrosée, d'une drague qui n'aboutit pas, d'une balade de petite fille avec son papa, ou d'une partie de pêche d'un jeune homme avec son papa , d'une bagarre dans un pub, de l'enterrement d'un copain de sport... Mais là encore, par un subtil décalage entre les intentions et les réactions provoquées, par un léger enfermement du narrateur dans ses propres procrastinations, par une douce folie partagée entre les protagonistes ou le cruel destin d'une relation filiale, par tous ces minuscules considérants, les situations deviennent étranges voire épouvantables.

La première nouvelle (Hope) se détache de l'ensemble en ce qu'elle constitue une histoire, qui prend le temps de mûrir au lieu de faire éclater en une seule circonstance tous les ingrédients d'un drame. L'ouverture de ce récit campe la problématique : « Tandis que l'ambulance file en hurlant vers l'infirmerie j'essaie de paraître aussi hébété que possible. Est-ce qu'on peut se tuer avec du paracétamol ? ». Nous voici en présence de quelqu'un qui fait semblant, et occupe indûment une place, en l'occurrence, l'ambulance... comme il occupe plus ou moins indûment son emploi de libraire et l'appartement de Hope qui va l'héberger. Le héros peut sans doute espérer que la situation ne tourne pas à son désavantage ; mais le lecteur ne peut être que dubitatif sur l'issue heureuse de l'histoire.

Dans les court récits également la chute fait sens, même si le sens est bien présent depuis le début, de façon subliminale. Ainsi les enfants protagonistes sont-ils vraiment des enfants, et leur aventure terrible dont on devine qu'elle les marquera à jamais, se termine par un retour à l'enfance, quelle qu'en soit la bizarrerie, qui les habille comme un destin. Dans « Renaissance », qui du papa et de la petite fille a le comportement le plus inattendu ? Il n'empêche, le récit se termine comme une banale balade du dimanche : « sur le chemin du retour, nous nous arrêtons pour acheter une glace », et la vie continue. À la fin du récit du « grand Bez », le jeune garçon s'enfuit et nous dit : «  j'avance en boitillant, dans mon pantalon de jogging trempé, alourdi de pisse, avec l'envie de gerber, en pleurs et réclamant mon papa et mon chez-moi».

La drogue, l'alcool et le sexe sont de tous les bords, sans fard. Ils interviennent «normalement » dans la vie des personnages, de façon évidente, sans questions dérangeantes, et constituent la pâte de ces vies décalées.

L'écriture fluide de Laura Hird  rend évidentes les interrogations ou hésitations les plus saugrenues des personnages qui, souvent, narrent eux mêmes leur histoire ; ajoutons à cela l'usage fréquent du présent, qui contribue à cette évidence d'événements. Il s'agit parfois d'événements qu'ils contribuent à provoquer et auxquels ils réagissent...leurs valeurs, présupposés, attentes, vont rendre sinon normaux du moins inévitables, les rebondissements et la chute finale ; ce qui est vaguement redouté ou redoutable va survenir comme un destin. Du coup, le lecteur entre d'emblée dans ces univers si différents et si présents, et prend plaisir à ces rencontres de personnages sortis d'une imagination fertile et d'une écriture aussi efficace. Merci Laura Hird, nous aurons plaisir à suivre votre production.

Albertine, 25 novembre 2012

 

.Nouvelles D'Ecosse
Laura Hird
Editions 13ème Note (octobre 2012)
240 pages ; 8 €