01/06/2015
Pandemia, de Franck Thilliez
Une chronique de Paco.
L'auteur nous prend en grippe...
L'auteur nous sert souvent un magnifique prologue, une entrée en matière assez fracassante. Ne prenez pas ce terme comme étant la description d'une scène dans laquelle tout explose, mais plutôt la désignation d'une scène qui nous fracasse... nous-même!
Le prologue de "Pandemia" ne déroge pas à la règle; déjà mille questions se bousculent en nous, bondissant d'un neurone à l'autre, après seulement trois pages. Alors on continue?
Je dois dire que ce roman fait froid dans le dos, si on prend en compte que le virus Ebola est très actif dans nos pensées. Soit, la trame de ce polar-thriller est très proche de la réalité: une "réalité actuelle". Pour cette raison, nous allons vivre cette histoire avec cette vérité proche, en permanence.
Si on ouvre et on tourne un peu les pages des encyclopédies, nous pouvons remarquer que quelques pandémies, qui font désormais partie de notre Histoire, auraient bien pu avoir raison de notre humanité, à plusieurs reprises. Pourquoi cela ne pourrait plus être le cas aujourd'hui? Très bonne question.
Et puis il y a le reste, la marque de fabrique de l'auteur; vous allez souffrir avec les personnages, vous allez en baver pour eux. Franck Thilliez, une nouvelle fois, n'est pas là pour les préserver ou les aider d'une manière ou d'une autre. Non, il va plutôt les placer sous les projecteurs, afin de diriger une lumière aveuglante sur eux; les voilà pris au piège, à l'image d'un animal blessé sur la chaussée, des phares éblouissants dirigés contre les yeux, avec un bruit de moteur qui vrombi quelque part aux alentours, sans s'arrêter.
Au terme de chaque roman de Franck Thilliez, nous sommes témoins du déclin physique et mental des personnages, toujours un pas de plus vers l'Enfer. Qui peut bien être ce diable qui attire ces hommes et ces femmes toujours un peu plus vers lui? Je crois bien que c'est tout simplement l'Homme, une vraie menace pour sa propre espèce. Faudrait-il croire que nous sommes foncièrement mauvais à la base? Chacun à notre propre niveau? Possible. Il suffit parfois d'un guide pour provoquer et réveiller une partie de nous-même.
Le Mal peut-être le résultat de bien des paramètres, directs ou indirects...
L'histoire...
Novembre 2013. Amandine Guérin est biologiste à l'Institut Pasteur, à Paris. L'infiniment petit, les microbes, les gènes, la recherche sur les maladies, répondre à leurs menaces, sont son quotidien. Mais ici, pas vraiment le temps de nous expliquer son job trop en détail, elle est demandée en urgence dans une réserve ornithologique dans le nord de la France, près de Calais.
Avec son coéquipier, elle va constater que trois cygnes sauvages ont été découverts morts sur un plan d'eau. En pleine période de migration, ce phénomène n'est pas à prendre à la légère. Virus, grippe aviaire, migration: ces quelques termes, lorsqu'ils sont associés, ne donnent pas un résultat très rassurant.
Des cas similaires seront détectés aux Pays-Bas, en Belgique ou encore en Allemagne. Pour les spécialistes de la santé, c'est ennuyeux, problématique, mais encore gérable. La grippe espagnole n'est pas encore de retour ! Par contre, les analyses effectuées sur ces oiseaux permettront tout de même d'établir qu'ils véhiculaient un virus jusque-là encore inconnu. Là, cela devient déjà un peu plus emmerdant, si j'ose dire.
Un autre constat permettra d'établir d'autres faits encore un peu plus inquiétants: non pas l'origine du virus, mais un élément de réponse quant à sa présence. A ce sujet, je ne vais évidemment pas vous en dire plus.
Les scientifiques et les spécialistes de la santé vont rapidement se mettre sur le pied de guerre. Un homme, domicilié à Paris, aurait également contracté un virus de la grippe de type H1N1, mais issu, comme pour les volatiles, d'une souche totalement inconnue jusqu'à ce jour. Un homme, puis deux... Vous voyez venir le problème?
Les scientifiques, au fil de leurs enquêtes sur le terrain, vont se rendre compte qu'ils arrivent toujours avec un temps de retard: le virus gagne du terrain, se propage, nargue le monde de la santé en se pointant un peu où il le désire. Une course contre la montre est désormais ouverte. Franchement, à ce stade, on espère juste que cette bactérie ne soit pas trop virulente et pas si résistante. Mais si on connait un peu l'auteur...
Parallèlement, nous en apprenons un peu plus sur les personnages. Amandine, par exemple, de l'Institut Pasteur, semble avoir un gros souci d'ordre privé pas très compatible avec son job. Son mari, Phong, ancien épidémiologiste à l'OMS, grand spécialiste de la pneumonie, est atteint d'une maladie rare, le syndrome d'immunodéficience de l'âge adulte (SIDAA).
Leur habitation en banlieue parisienne, constituée de béton et de verre, est carrément divisée en deux, un labyrinthe de Plexiglas se baladant entre les pièces de cette maison stérile et filtrée. Phong n'a pas le doit à l'erreur, une simple bactérie et cela en est fini pour lui. Pour son épouse qui côtoie et manipule des virus à longueur de journée, cela devient un vrai challenge! Mais lorsqu'on est passionnée par son job - tiens, comme une autre nana de ce roman d'ailleurs! - on est prêt à prendre certains risques. Tout est une question de dosage...
Pour continuer avec les personnages, nous allons avoir l'honneur et le plaisir de retrouver la fameuse équipe du 36 Quai des Orfèvres. Le désormais couple mythique Franck Sharko et sa femme Lucie Hennebelle, mais aussi Camille Thibault, qui se remet de sa dernière greffe du coeur.
Franck Sharko, qui flirte avec l'obscurité, la violence et la mort - la peur aussi! - depuis de nombreuses années, commence sérieusement à se demander où est vraiment sa place: père de famille ou flic déambulant dans les bas-fonds de ce monde de tarés.
Ah oui l'histoire... En cet automne 2013, un promeneur est retrouvé mort, avec son chien, près d'un étang au milieu d'un bois. Corps mutilé, perforé. Quelqu'un se serait-il fait surprendre par ce promeneur? Ou est-ce autre chose? Franck Sharko a déjà sa petite idée, qui ne manquera pas d'être confirmée.
A ce propos, les flics du 36 n'auront pas d'autre choix que de rouvrir une plaie qui ne s'était pas vraiment refermée, loin de là, mais qui était restée à un stade plus ou moins acceptable, si j'ose dire. A l'origine de tout ceci, une personne se hissant au sommet d'une sorte de hiérarchie du mal, du crime, qui semble vouloir refaire le monde, mais dans le sens propre du terme! Une mission paraît être en cours d'exécution. Les éléments rassemblés par les enquêteurs font apparaître une image totalement immorale, immonde, laissant imaginer le pire des scénarios.
Les flics du 36 sont pris à partie dans un engrenage mortel.
En suivant cette histoire, nous apprenons plusieurs choses sur ce monde de l'infiniment petit, parfois dévastateur, souvent maîtrisé, heureusement. C'est intéressant - et rassurant -, de voir de quelles manières les scientifiques œuvrent, à chaque instant, pour palier à cette menace permanente. Analyses, comparaisons, observations, mise en place d'une base de données impressionnante. Le monde est analysé en détail, à chaque signe inquiétant. Un service de renseignement qui travaille dans l'ombre pour la survie de notre espèce: des chasseurs, traqueurs et exterminateurs de maladies.
On peut faire ici un parallèle entre une équipe de la police criminelle qui enquête sur des crimes, des tueurs en série, et une équipe de l'Institut Pasteur qui enquête également sur des menaces contre la population, que l'on pourrait également qualifiées de tueurs en série...
Cette comparaison me plaît bien: des groupes de personnes qui bossent, qui contribuent chacun à leur manière pour les citoyens - l'humanité? -, pour leur santé, leur intégrité physique, pour préserver leur vie, leur survie.
Et bien évidemment, ces deux mondes vont se croiser pour bosser sur la même enquête: je n'ai donc pas besoin de vous faire un dessin sur les évènements qui sont en train de se passer. Si?
Un homme - probablement - tente de s'en prendre à la justice, à la police, à l'Etat, voire au-delà. Les moyens utilisés pour anéantir ces services sont incontrôlables, puissants, innovants et dépassent de loin ce que l'on est en droit de s'imaginer. Comment combattre une menace qui est invisible, sans visage, et qui se propage sans aucune barrière? L'arme est redoutable.
Le virus sera présent dans ce roman sous toutes ses formes. Les virus informatiques, les cyber-attaques, des cyber-endroits sombres et redoutables auront un rôle non négligeable dans cette histoire. A ce propos, l'auteur nous en apprend une bien bonne, et je dois admettre que cela fait souci!
Franck Thilliez a cette fois-ci déniché une menace qui, dans l'échelle des forces du mal, dépasse toutes les autres de plusieurs échelons. Nous retrouvons sa marque de fabrique pour notre plus grand "plaisir": captivité, souffrance, obscurité, torture (physique et mentale), puis la mort.
Nous visiterons Paris mais aussi l'envers du décor de cette ville, soit tout ce qui s'y passe en dessous. Non je ne parle pas du métro, mais des égouts, qui révèlent bien des surprises. Franck Thilliez semble d'ailleurs bien les connaître. A-t-il joué le touriste dans les égouts de la capitale française pour mieux nous en parler? Il faudra que je lui demande cela un jour.
Ce qui est fascinant dans cette intrigue, c'est de suivre un virus - celui de la grippe par exemple - et de voir jusqu'où cela peut aller au niveau des contraintes, ce que cela peut provoquer comme danger, comme pression. Franchement, même un virus tel que la grippe peut provoquer une puissante onde de choc, un coup de massue dévastateur au coeur même de notre population. Car il ne faut surtout pas oublier et négliger les nombreuses et incalculables répercussions, les abondantes conséquences collatérales.
L'approche du dénouement est une grosse accélération, tout se met en place. Les pièces du puzzle qui nous manquaient arrivent les unes après les autres, sans pour autant se positionner toutes à la bonne place; ça viendra.
La personne que nous voulons absolument découvrir et identifier - autant que les enquêteurs! - se dévoile gentiment. Ce qui est surprenant, c'est que cet homme qui est aux commandes de tout ce qui se déroule dans cette intrigue, existe réellement. Un personnage au passé trouble qui a su trouver une issue - étonnant! - pour s'en sortir. Je n'en dirai pas plus.
Ses actes commis - dans le roman cette fois-ci - sont hallucinants. Franck Thilliez a réussi à engendrer un (des) personnage(s) qui est (sont), comment dire..., responsable(s) d'un peu près tout le mal qui se passe, qui s'est passé et surtout qui se passera sur notre planète. Comment résumer au mieux... Le crime serait-il une association de perversions, de dérives, d'organisations tendant à suggérer directement ou indirectement des actes qui sont, ou pas, enfouis en nous? Bref, un truc de malade...
Bonne lecture.
Paco (passions romans)
Pandemia, de Franck Thilliez
Editions Fleuve Noir / 2015
645 pages
17:20 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pandemia, franck thilliez | Facebook | |
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