20/11/2011
Rouge sang, de Jean-François Fournel
Une chronique de l'oncle Paul.
Alors qu’il pouvait espérer être muté au siège d’Interpol à Lyon et monter en grade, le lieutenant Paul Lenormant se voit signifier une nomination dans un village du Beaujolais. A Beaujeu exactement qui est la capitale historique de cette province vinicole.
Son passé l’a rattrapé sous forme d’une lettre anonyme, signée toutefois des initiales G.L., et le général qui devait signer sa promotion, a mis celle-ci sous le coude. Vingt ans auparavant, alors qu’il appartenait au corps du GIGN qui a investi la grotte d’Ouvéa, une bavure s’est produite. Lenormant pensait cette affaire classée, mais un de ses anciens compagnons, il est persuadé qu’il s’agit d’un certain Gérard Laire, a remué la boue, et il se voit donc propulsé à Beaujeu. La caserne est désaffectée et il est le seul occupant des lieux avec un autre gendarme, Brachet, mis sur la touche lui aussi. Chacun possède son appartement, heureusement d’ailleurs car Brachet a plutôt tendance à sacrifier à la dive bouteille et son logement est négligé.
Lenormant, afin d’entretenir sa forme, accomplit de longues ballades dans la campagne, dans les vignobles, et rencontre une jeune femme, Jerry, une Américaine qui à la suite d’une peine de cœur a quitté New-York pour rejoindre les services d’Interpol à Lyon. Double pincement au cœur pour Lenormant qui se relève difficilement de son échec marital et professionnel. Elle lui propose de rendre visite à un couple d’amis viticulteurs et Lenormant accepte afin de lui faire plaisir.
Frédéric Dalle et son épouse Nadia ont été victimes d’un accident et depuis la jeune femme ne peut plus se déplacer qu’en fauteuil roulant. Un accident assorti d’un délit de fuite mais le chauffard n’a jamais pu être retrouvé. D’après la plaque minéralogique, le véhicule n’était pas immatriculé en France. Auparavant le couple avait reçu des mails les mettant en garde, et cela continue toujours. Pour les aider dans leur travail ils ont fait appel au fils des voisins, Sam Luet, un jeune homme qui chambre Lenormant avec ironie. Un humour dont Lenormant se demande comment il faut l’interpréter. Frédéric a décidé de partir en guerre contre les pratiques frauduleuses des vignerons et des viticulteurs de sa région, ce qui évidemment n’a pas l’heur de plaire à tous. Coupage, chaptalisation, soufrage, trafic, tels sont les mots qui reviennent le plus souvent dans le cours dispensé par Frédéric et Nadia Dalle et complété par Sam Luet. Cela permet toutefois à Lenormant de parfaire une connaissance œnologique dont il est dépourvu.
Afin d’en savoir un peu plus, il contacte son ancien chef d’équipe à Nouméa, Gorteau, qui depuis s’est recyclé et dirige une société de sécurité florissante. Gorteau veut bien l’aider, d’autant qu’il est déjà sur l’affaire à la demande d’un groupement du vin. Et par la même occasion il propose de se renseigner sur Laire et le tour joué à Lenormant.
Jerry et Lenormant se retrouvent assez souvent, le gendarme déchu se demande parfois à quel jeu s’amuse cette Américaine dont l’humeur est variable. Ils prennent un verre ensemble dans un café tenu par Francesco, un Italien qui a suivi sa femme originaire de la région, mais celle-ci l’a plaqué sans fût (tambour) ni flûte (trompette), mais fallait-il être devin ? Oui, il aurait dû l’être car le cafetier est retrouvé émasculé et égorgé dans son établissement. Et la police judiciaire, représentée par le peu affable Fournier n’apprécie pas la présence de Lenormant dans les parages.
Et Lenormant n’est pas peu surpris de voir Alex, son jeune collègue de Montfeurgny, venir lui rendre une petit visite, étant en froid avec sa femme.
Jean-Pierre Fournel avec ce nouveau roman nous emmène au cœur du Beaujolais, mettant en exergue certaines pratiques vinicoles qui sont connues la plupart du temps, mais tolérées car de nombreux intérêts sont jeu. Certains essaient bien de remédier à ces débordements (le rendement des ceps après calcul étant de 1 à 20 dans certaines régions, mais je n’en dis pas plus, je risquerai de vous saouler), mais l’Etat quoiqu’il s’en défende s’y retrouve via les taxes, la TVA et tutti quanti (histoire de parler italien car Lenormant ira poursuivre son enquête en Campanie, au sud de Naples). Mais il pointe du doigt également la guerre des polices, peut-être encore plus vivace depuis que policiers et gendarmes émargent au même ministère. Le côté humain n’est pas épargné ou délaissé. Lenormant avec ses démêlés professionnels, le couple Dalle avec les problèmes liés à leur envie de changer des procédés de vinification et le retour de bâton qui s’ensuit, Alex et sa vie familiale perturbée, Jerry au caractère versatile qui elle aussi tente de refermer ses cicatrices sentimentales et devra soigner ses hématomes suite à une agression, Brachet, dont je ne vous ai guère entretenu qui se montrera sous des dehors d’alcoolique un partenaire précieux malgré les tentatives de Lenormant pour l’éviter. Un bon roman dont le style de narration, construction de l’intrigue et déroulement de l’histoire, ressemble à une façon de marcher peu orthodoxe : deux pas en avant, un pas en arrière, ou deux ou trois, et hop on repart de l’avant. Ce qui permet d’échapper à une construction linéaire et ajoute du piment à la lecture.
A la vôtre !
Paul Maugendre (oncle Paul), son blog !
Rouge sang
Jean-François FOURNEL
Editions du Masque,
Moyen format.
336pages. 18€
10:08 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |