06/04/2012
Entretien avec Fabrice Pichon
Cassiopée. Bonsoir, et merci d'accepter de répondre aux questions pour le blog collectif Un polar. Voulez vous vous présenter en quelques mots et nous dire comment vous êtes venu à l'écriture? Auriez-vous écrit autre chose qu'un roman policier ou est-ce un domaine que vous appréciez beaucoup ?
Fabrice Pichon. J’ai 45 ans, et j’ai posé mes bagages en Bourgogne à Dijon il y a plus de dix ans. Je crois que l’écriture s’est imposée à moi il y a longtemps, à l’époque du collège où j’ai commencé à rédiger mes premiers textes sous le regard bienveillant de ma prof de français. Mais je me suis vraiment mis à l’écriture il y a deux ou trois ans, profitant d’une accalmie dans une vie bien remplie qui m’a permis de redécouvrir le plaisir d’écrire.
Je ne me suis pas posé la question de la nature du roman. Le roman policier était une évidence pour l’histoire que je voulais raconter. Ceci dit, je m’y trouve bien car c’est une littérature qui est loin d’être réductrice.
Cassiopée. Vous avez droit à un verbe, un adjectif, un nom commun pour vous définir celui que vous êtes, que répondez-vous?
Fabrice Pichon.
Imaginer : c’est devenu une addiction
Réaliste : Pour mieux croire à l’histoire mais aussi pour garder les pieds sur terre
Epicurien : Parce que la vie est trop courte
Cassiopée. Avez-vous des tics d'écriture, des rituels, des besoins, mettez vous longtemps à écrire, comment vous relisez vous?
Fabrice Pichon. Pour ce roman, j’ai mis dix ans entre le premier chapitre et la poursuite de l’écriture. En réalité, cette histoire me tenait à cœur mais je n’avais pas trouvé mon personnage principal et le hasard à mis beaucoup de temps avant de se manifester. Donc c’est un mauvais étalon pour pouvoir donner une idée du temps d’écriture. En revanche, j’ai mis six mois pour un nouvel opus dont le premier jet est terminé.
J’ai le sentiment que mon esprit est en constante effervescence, emmagasinant des images, des informations et soudain il y a une fusion entre toutes ces données et le déclic apparaît.
Lorsque l’idée de départ est là, je laisse mon esprit cogiter en toile de fond de mon quotidien pour me permettre de fixer la trame de l’histoire. Puis lorsque je me sens prêt, j’écris une première phrase. Ensuite le rituel est immuable : au moment de me coucher je visualise le chapitre jusqu’à ce que le suivant se dessine à son tour. Alors à ce moment je peux commencer à transcrire mon « rêve » sur le papier et faire les recherches dont j’ai besoin.
Je relis énormément parce que je suis incapable de faire un plan de l’intrigue. Je sais d’où je pars et où je veux emmener le lecteur. Entre les deux, les personnages prennent parfois le dessus, ce qui nécessite de faire beaucoup d’aller et retour entre les chapitres pour obtenir une cohérence dans l’intrigue et sa résolution.
Lorsque j’ai terminé je laisse le manuscrit pendant trois semaines ou un mois avant de faire une nouvelle relecture et affiner l’ensemble.
Cassiopée. Vous avez écrit un roman qui se passe en Franche Comté, ce choix a-t-il été fait parce que vous maîtrisiez mieux les lieux et que vous visualisiez ainsi mieux les scènes évoquées?
Fabrice Pichon. La Franche-Comté est le terroir de mon enfance, de mes racines. J’avais envie de m’en servir comme décor principal, certainement une façon pour moi de lui rendre hommage. D’autre part, j’ai besoin de voir les endroits où mes personnages évoluent pour mieux ancrer une fiction dans un environnement réel. La proximité me permet de m’y rendre régulièrement pour mieux en saisir l’atmosphère.
Mais si je voulais être régional je ne voulais pas être régionaliste, alors comme moi l’héroïne vit en Bourgogne, se rend dans le sud pour les besoins de son enquête, pour mieux revenir à Besançon. Pour ces villes, j’utilise mes souvenirs puisque j’ai eu la chance de beaucoup me déplacer.
L’idée est que les lieux soient identifiables par les lecteurs connaissant les villes où se déroule l’action, une sorte de clin d’œil, mais que cela ne soit par rédhibitoire pour les autres lecteurs. L’intrigue doit primer.
Cassiopée. Je vous appelle demain et je vous propose d'adapter votre roman en téléfilm, quels acteurs me proposez-vous, pourquoi?
Fabrice Pichon. Après avoir poussé un cri de joie et vous avoir remercié, je pense que je me ferai un repas comtois, cancoillotte, pommes de terre et saucisse de Morteau , le tout arrosé de Vin Jaune. Ensuite, il me sera difficile de vous proposer des acteurs pour les rôles principaux parce que ces personnages m’ont été inspirés par des personnes qui peuplent mon présent ou mon passé. Comme je vous le disais, il a fallu que je rencontre une « Nicole Desvignes » pour que l’inspiration se mette en marche.
Cassiopée. Nicole Desvignes, commissaire dans votre roman, est une femme secrète, qui se protège en ne dévoilant rien de son passé. Pensez-vous qu'il soit important d'avoir des héros avec une part d'ombre? Sont-ils plus attachants pour le lecteur?
Fabrice Pichon. Il y a l’apparence et le fond des êtres. Nicole est une femme qui a un passé, des souffrances et il me semblait évident que, comme pour la plupart d’entre nous, ces vestiges du passé impactent son comportement. Cet état correspondait assez bien à l’idée que je me faisais de ma commissaire. En plus, je crois qu’une femme qui dirige des hommes garde ses distances et ne s’ouvre pas facilement. C’est parfois une nécessité qui s’impose à elle, dans un monde qui conserve malgré tout un fond de machisme et où se dévoiler pourrait être un signe de faiblesse.
La part d’ombre d’un personnage le rend plus attachant en effet, peut-être parce qu’elle nous renvoie à nos propres côtés obscurs. Pour Nicole si cet aspect lui fait gagner en profondeur, cela permet également de se poser quelques questions au fur et à mesure que l’enquête avance, et je crois qu’elle laisse une petite trace dans l’esprit du lecteur. C’est important.
Cassiopée. Demain, vous rencontrez un écrivain de romans policiers, qui choisissez vous et pourquoi?
Fabrice Pichon. Je choisis parmi ceux que je ne vais pas rencontrer dans les jours à venir ? Parce que « demain » j’ai le plaisir d’aller écouter Marie Vindy pour son nouveau roman.
Rencontrer Fred Vargas serait un vrai bonheur. J’aime sa plume et la manière dont elle joue avec ses personnages. En plus on ne sait jamais où elle veut nous emmener et c’est ce que j’apprécie dans ses romans que je dois lire d’un trait.
A mon humble façon, c’est un peu ce que je tente de faire en menant le lecteur sur différentes pistes, en tentant de le faire douter et surtout en lui donnant l’envie de ne pas interrompre sa lecture avant la dernière page.
Cassiopée. Comment passer d'écrivain de polars régionaux à nationaux puis internationaux?
Fabrice Pichon. Je ne me suis pas vraiment posé la question. Les choses se passeront telles qu’elles doivent se réaliser. Pour le moment je savoure cette première expérience qui me donne envie de poursuivre l’écriture. Comme je n’ai aucun plan de carrière, que ce soit dans ma profession ou pour l’écriture, je reste serein.
Je sais simplement que la vie est faite de rencontres et d’opportunités qu’il est impossible d’envisager avant qu’elles ne se réalisent.
Mais pour franchir les « frontières » régionales, je constate qu’Internet est un vecteur essentiel…votre chronique en est la preuve.
Pour l’international, rien ne presse (mon passeport est périmé)
Cassiopée. Avez-vous d'autres choses à transmettre à nos lecteurs?
Fabrice Pichon. Ils sont essentiels ! Sans eux rien ne peut se faire. Et j’ai vraiment beaucoup de plaisir à les rencontrer ou à lire leurs commentaires.
Pour moi, l’écriture est un acte égoïste et solitaire …..mais qui n’a pour vocation que de donner un peu de plaisir à celui qui ouvrira les pages du livre.
Alors ma plus belle récompense sera toujours le retour des lecteurs avec lesquels j’ai partagé pendant quelques heures une même histoire.
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A visiter :
Le site de Fabrice Pichon.
A lire :
Une chronique de son roman Vengeance sans visage, par Cassiopée.
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