01/04/2012
Vengeance sans visage, de Fabrice Pichon
Une chronique de Cassiopée
Compas, équerre et té sont ils des instruments de géométrie ?
Il s’appelle Heimatlos et il tire les ficelles dans l’ombre.
Un heimatlos peut être un étranger, un apatride, ou une personne sans existence juridique…
Ici, c’est un être qui a souffert, qui est habité par sa souffrance et qui a choisi de s’en nourrir. Peu importe les dégâts collatéraux ou pas, cet individu n’a plus rien à perdre, seule la souffrance l’anime, la sienne mais aussi celle des autres car il se délecte de faire mal, de faire peur. Pourquoi, qui est-il ?
Elle s’appelle Nicole Desvignes, commissaire de police, elle a trois jours pour résoudre une enquête. Des hommes, architectes, sont retrouvés, crucifiés dans des circonstances particulières. Son collègue s’est suicidé sous ses yeux parce qu’il aurait trempé dans un sombre trafic. Trois jours pour résoudre ces deux problèmes qui sont de taille … Trois jours disséqués lieu par lieu, heure, par heure dans les deux cent quatre vingt douze pages qui constituent ce livre.
Je m’appelle Cassiopée et j’ai beaucoup apprécié ce roman.
Comment sommes-nous reliés tous les trois ?
Comme Nicole, j’ai voulu comprendre Heimatlos. On ne devient pas violent par hasard, on ne choisit pas la vengeance sans raison.
Elle a vécu l’injustice, l’incompréhension et de ce fait, elle va mettre beaucoup d’elle dans sa quête de vérité. Il va lui falloir être vigilante pour que l’affectif ne prenne pas le dessus.
C’est une femme mystérieuse, elle ne dit pas tout à ses hommes et ils ne la connaissent que par le peu qu’elle accepte partager, son passé semble trouble. Elle mène son équipe tambour battant, ne laissant rien au hasard. Elle a des relations pas toujours simples avec son ex-mari, procureur qui suit l’enquête. On a parfois envie de lui prendre la main, de lui dire « Pose-toi, souffle un peu, la vie est là… » mais ce n’est pas possible, elle paraît toujours dans l’urgence, avide de réussir, ne se laissant aucune marge d’erreur, exigeante avec elle-même et les autres.
Seul, son amant peut l’apaiser un peu et là, elle se « lâche » ….
« Il existe des moments très brefs pendant lesquels on agit sans savoir pourquoi, manipulé par l’instinct, comme ballotté par le vent. »
J’aurais souhaité que « sa part d’ombre » soit plus affinée au long des pages.
Heimatlos, ce pourrait être le vengeur masqué si on faisait de l’humour…. mais là, n’est pas le but. De lui, je ne dirai pas grand-chose, ne voulant pas déflorer le roman. On peut se demander ce qui fait « basculer » un être humain dans le désir de vengeance, s’il n’est pas « dangereux » de laisser les hommes seuls lorsque la mort touche ceux qu’ils aiment et que l’injustice est présente. Peut-on donner à sa vie, toute sa vie, un seul but « se venger » ? De qui, de quoi, pourquoi ? « L’homme est un loup pour l’homme », jamais cette phrase n’a été aussi vraie….
Cassiopée, c’est la lectrice prise dans les rets de ce polar franc-comtois. Attirée par l’écriture précise, comme les instruments de géométrie évoqués, presque pointilleuse parfois. Ecriture rythmée de dialogues de qualité, permettant de mieux connaître les hommes et les femmes peuplant ce roman, de mieux appréhender l’ambiance et les relations entre les uns et les autres.
Suspense, sombre machination, retournements de situations, cadence effrénée puis plus douce, tout se succède dans ce livre mené de main de maître.
Des bémols ? Oui, il y a en quelques uns: une fin un peu escamotée, quelques invraisemblances mais on les oublie vite tant on est scotché aux pages de cette enquête particulière où présent et passé se mêlent habilement.
Titre : Vengeance sans visage
Auteur : Fabrice Pichon
Editions du Citron Bleu (Janvier 2012)
Série noire franc-comtoise
Nombre de pages : 292
Quatrième de couverture :
Un homme crucifié contre la porte de la Citadelle de Besançon, bientôt suivi d’un second sur le fronton de la Porte Noire. La commissaire de police Nicole Desvignes est confrontée à l’enquête la plus compliquée et la plus périlleuse de toute sa carrière. Suspens, angoisse et rebondissements qui la mènent de Besançon à Pouilley les Vignes, de Dijon à Cavalaire sur Mer.
Fabrice Pichon signe ici un premier roman policier tout à fait époustouflant…
« La voiture de police descendit la rue des Fusillés de la Résistance pour s’engouffrer dans la rue de la Convention. Le groupe s'arrêta au niveau de la Cathédrale Saint-Jean, en amont de la Porte Noire, là où le cordon de police avait été placé.
L’équipe de Desvignes passa sous l’antique monument. Vestige de l’époque romaine, cet arc de triomphe contemporain de Marc-Aurèle, avait su traverser les siècles et après avoir connu bien des aménagements au ‑fil du temps, redevenir le lieu de passage ouvrant la route vers la Citadelle. Récemment restaurée, la porte n’avait en effet plus de noir que le nom, ayant retrouvé sa blondeur originelle. »
14:07 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |