24/06/2012
Léviathan, tome 2 : la nuit, de Lionel Davoust
Une chronique de Christophe.
"Le pouvoir trouve toujours un moyen".
C'est super dur les romans en plusieurs tomes. Parce qu'en général, ils ne sortent pas en même temps ou alors, nous, lecteurs impatients, ne savons pas attendre d'avoir la totalité du projet en main pour nous lancer... C'est une nouvelle fois le cas avec "Léviathan", le projet de thriller fantastique de Lionel Davoust, dont les deux premiers tomes (sur 3) sont en librairie et le dernier volet attendu pour 2013 (seulemeeeeent, dit-il avec un râle de désespoir). J'avais déjà parlé ici de "Léviathan : la Chute", premier volet de cette ambitieuse trilogie. Voici donc, en rongeant mon frein en attendant de découvrir le dénouement de cette histoire, son coeur : "Léviathan : la nuit".
Lorsque Michael Petersen, lors d'une tempête aussi violente qu'inattendue, a été porté disparu dans les eaux froides et sombres de l'Antarctique au cours d'une mission de routine, les autres membres de l'équipe ont sérieusement douté de le retrouver. Encore moins vivant. Pourtant, alors que le calme est revenu aussi subitement que la tempête s'était levée, les recherches désespérées de l'équipe vont permettre de retrouver le corps de Michael, échoué sur la grève d'un îlot désert...
Et, à la grande surprise de tous, Petersen vit encore. Faiblement, c'est vrai, mais il respire. En revanche, il est inconscient, plongé dans un coma d'une profondeur qui laisse perplexe le médecin de la base. Pour lui, aucun doute, ce coma n'en est pas tout à fait un, en fait, Michael Petersen serait en train de... rêver !
De quoi déconcerter tous ses collègues présents au bout du monde, dans ce lieu hostile ou Petersen, eu égard à sa phobie de l'eau, n'aurait jamais dû se trouver. Mais un état qui, en revanche, ne surprend pas du tout le mystérieux "Comité". Cette organisation aussi discrète que tentaculaire a toujours exercé une surveillance serrée autour de Michael Petersen, au point de noyauter tout son entourage familial.
Ayant appris ce qui était arrivé au zoologiste, un des membres du Comité, connu sous le nom de Julius Ormond, mais sans doute n'est-ce là qu'un nom d'emprunt, fait le voyage jusqu'en Antarctique pour venir récupérer Petersen et le ramener chez lui, auprès des "siens", qui sauront au mieux veiller sur lui... Une attention aux raisons encore bien mystérieuses, même si l'on ressent une véritable crainte concernant Petersen, dont le profil de bon père de famille, un peu plan-plan, sans envergure, bref, qui n'a rien pour effrayer les foules... a priori.
Savoir son mari aussi redouté par des êtres aussi puissants que les membres du Comité a fini par mettre la puce à l'oreille de Masha, son épouse, agent du Comité elle-même, mais qui, au fil des années, a fini par prendre son rôle d'épouse, et surtout de mère, très à coeur, au point de ne plus trop savoir dans quel camp elle se situe. La voilà bien décidée à comprendre ce que cache cet époux dont elle croyait tout savoir, dans le but de sauver cette cellule familiale qui lui est devenue très importante.
Mais, lorsque Petersen revient aux Etats-Unis, commence une série d'évènements qui vont changer beaucoup de choses... D'abord à Portland, puis à Los Angeles, dans le cercle même intime du zoologiste, des crimes terribles sont commis, de façon assez inexplicable... Mais ces indices incroyables et les causes de la mort des victimes ne peuvent renvoyer qu'à une seule personne : Michael Petersen, tout juste réveillé de son coma onirique...
Qu'est-il arrivé à cet homme pour qu'il se retrouve aussi soudainement dans une telle spirale, dont il ne semble rien comprendre et encore moins maîtriser ? Et qui tue ainsi autour de lui, quitte à lui faire porter la responsabilité des faits ? Est-ce cela, ce bien étrange assassin que craint tant le Comité ?
Pendant que des puissances supérieures à notre entendement de mortel vont commencer à s'affronter, un homme commence à faire le lien entre tous ces évènements... Oh, il n'y comprend rien, rassurez-vous, mais son schéma, tout scientifique qu'il est, l'a mis sur la voie de ce combat de Titans. Il s'appelle Andrew Leon, sa vocation, sa passion, ce sont les modèles mathématiques, mais, pour gagner sa croûte, il est agent du FBI.
Cependant, il a entamé un étrange quadrillage du monde grâce à de petits boîtiers qui semblent lui indiquer... comment dire... qu'il existe une corrélation entre pensée et matière (enfin, si j'ai tout bien compris, Lionel, si tu passes par là, n'hésite pas à me corriger...)... Et c'est cette expérience, qui avait donné quelques résultats sans plus jusque-là, qui va d'un seul coup faire apparaître des résultats complètement atypiques, hors norme, même. De quoi titiller la curiosité de Leon, lui-même à la marge dans son boulot d'agent fédéral, et qui va se lancer sur la piste de ces évènements étranges, forcément liés entre eux, et ceux, depuis cette soirée du solstice d'hiver, en Antarctique...
N'entrons pas plus dans les détails de l'histoire, mais, vous le comprenez, après un premier tome qui plantait le décor, avec "Léviathan : la nuit", on entre vraiment dans le vif du sujet, chacun, petit à petit, dévoilant son jeu, sa personnalité, aux autres ou à lui-même... Une certitude, toutefois, si le fantastique pointait déjà le bout de son nez dans le premier livre, le thriller restait aux commandes. Là, le glissement vers un récit à dominante fantastique est clair et net. Les éléments clefs de l'histoire sont tous des évènements issus du fantastique et, à l'exception d'Andrew, et dans une moindre mesure de Petersen lui-même, pour le moment en tout cas, les personnages révèlent tous leur nature... extraordinaire. Pour le moins.
Mais, encore une fois, ce mariage dans lequel Davoust mêle aux ingrédients du thriller classique, des éléments venus de sa fantasy "natale", est très réussi. Avec une mention spéciale aux scènes de combat, particulièrement réussi et intenses, extrêmement visuelles et dégageant un lyrisme violent dignes des films asiatiques...
Le vrai changement, dans ce tome deux, c'est que Michael Petersen n'en est plus le centre, comme c'était le cas dans "la Chute". Dans "la Nuit", on en sait beaucoup plus, mais pas encore tout, loin de là, sur le "Comité" et sur cette voie de la Main Gauche qu'elle suit et dont elle essaye d'étendre l'influence. On en sait plus, peu à peu, sur les raisons d'être du Comité, sur ses ambitions, mais aussi sur les dissensions et les rivalités qui règnent en son sein, sans pour autant qu'on puisse dire avec certitude, quel est le rôle de chacun de ses membres.
Quant au rapport de force, lui aussi reste bien flou. il faut dire que la promptitude des uns et des autres à trahir gentiment leurs camarades est remarquable et frôle également le pouvoir surnaturel...
Mais, si on voit se dévoiler lentement chacun des personnages, sans encore tout savoir de ses projets, une chose est sûre : depuis qu'il a pris le chemin de l'Antarctique et plus encore, depuis sa chute dans ses eaux glacées, Michael Petersen a entamé une impressionnante métamorphose. Falot, veule, quasi transparent, malgré l'intérêt que des forces puissantes semblent lui porter, ce plongeon inattendu semble avoir réveillé en lui une personnalité dure, violente, incontrôlable (en tout cas pour le moment).
Et voilà que celui qu'on envisageait déjà comme la victime malgré lui d'un complot le dépassant complètement, prenant un tout autre visage. A tel point que, comme pour la majeure partie des personnages impliqué dans le Jeu Suprême (car, tout n'est que jeu, qu'on se le dise !), il devient bien difficile de dire s'il faut le ranger parmi les gentils ou les méchants (si l'on considère que cette classification a encore un sens dans le contexte global de "Léviathan").
Mais Lionel Davoust, tout auteur d'imaginaire qu'il est à temps plein désormais, n'en oublie pas ses racines scientifiques... A travers le personnage d'Andrew Leon, qui aurait dû réfléchir à deux fois, voire se casser une jambe, avant de mettre un doigt dans un engrenage qui va le happer (Leon, c'est le Chaplin des "Temps Modernes", échappant aux rouages énormes qui menacent de l'écraser... Mais jusqu'à quand ?), Davoust insère dans son histoire un soupçon de raison scientifique pure et dure.
Une raison qui va vaciller rapidement. Car, au-delà de voir son idée empirique donner des résultats, l'agent, pourtant considéré par tout son entourage comme un iconoclaste, pour ne pas dire un hurluberlu, va voir toutes ses conceptions et ses convictions brutalement remises en cause. Lui, le cartésien, qui ne jure que par l'expérimentation scientifique, va se retrouver coincé dans cette bataille qui dépasse l'entendement, obligé de s'allier à Magda pour... comprendre ! Simplement comprendre ce qui se passe dans ce monde livré au chaos, provoqué non par le vol d'un papillon au Texas, mais par un "plouf !" en Antarctique...
Enfin, vous ferez connaissance avec "L'Ombre", là encore personnage ambigu et inquiétant, bien éloigné des soucis de discrétion du Comité, il débarque dans cette histoire comme un ouragan, laissant bien des dégâts dans son sillage. Une troisième force inattendue qui bouscule Petersen, stimule sa folie et ses doutes, provoque la métamorphose en malmenant sa cible, en le poussant dans ses derniers retranchements, tel un Jiminy Cricket démoniaque.
J'ai été emballé par ce second volume où j'ai retrouvé tout ce qui m'avait plu dans le premier tome, mais crescendo. Les interrogations issues de la lecture de "la Chute" ont commencé à trouver des embryons de réponses, mais une multitude d'autres sont apparues. La silhouette des personnages se dessinent désormais plus nettement sans être encore parfaitement éclaircies et l'affrontement, qu'on sentait inévitable, a commencé pour notre plus grand plaisir de lecteur (un peu atteint, il faut le reconnaître...).
Toutefois, prévenons les fanas de thrillers purs et durs, avec phrases courtes, chapitres courts, rythme effrénés, qu'ils ne doivent pas se lancer dans "Léviathan" avec cet esprit-là. L'architecture de ce deuxième tome est bien plus complexe et développée que les thrillers à l'américaine. Que cela ne vous effraie pas, la tension, elle, est constante, atteint des pics réguliers et l'on dévore ce roman aussi bien qu'un page-turner. Parce que nous sommes comme Leon : on a envie de comprendre !
Et c'est dire si j'attends désormais le troisième volet de cette trilogie pour enfin savoir qui est vraiment Michael Petersen et ce qu'est sa véritable personnalité, celle qu'il refoule depuis si longtemps, celle que certains veulent voire "éclore" et que d'autres redoutent...
Mais pour cela, il faudra attendre 2013... Pfffff.... C'est looooooooong, Lionel !!
Christophe
(http://appuyezsurlatouchelecture.blogspot.com/)
La chronique de Paco sur ce roman.
Léviathan, tome 2 : la nuit.
Lionel Davoust
Editeur : Don Quichotte
408 pages, 22 €
P
11:37 Publié dans 01. polars francophones | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |