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11/10/2020

La peine du bourreau, d'Estelle Tharreau

CVT_La-Peine-du-bourreau_7918.jpgUne chronique de Cassiopée

Accomplir quelque chose de juste dans sa vie….

Quatre heures d’une vie, c’est quoi ? C’est pourtant sur cet espace-temps restreint qu’Estelle Tharreau signe un roman coup de poing. Par rapport à ses récits précédents, elle situe ce dernier aux Etats-Unis, dans une Amérique où la peine de mort et le couloir qui la précède sont encore d’actualité. Ce n’est pas un réquisitoire pour ou contre cet état de faits, c’est beaucoup plus subtil et traité avec brio et intelligence. Elle présente des situations, avec une écriture au scalpel, précise, pleine de sens. Le style est puissant et vibre dans chaque mot. Elle réussit le tour de force de rester neutre et de nous prendre aux tripes.

Avec des allers-retours passé présent, on va découvrir pourquoi Ed0451 est en attente de son exécution, ce qui l’a amené ici et maintenant.  Très rapidement, on sent qu’Ed n’est pas un assassin ordinaire, que le poids de l’influence familiale, de son histoire personnelle ont joué dans la construction de l’homme qu’il est devenu. Comme sa condamnation a déchaîné les foules car les avis sont partagés (a-t-il accompli un devoir moral en tuant ?), le gouverneur qui doit le gracier ou non, demande à rencontrer le bourreau de la prison. Sans doute pour avoir un regard plus aguerri sur ce qui amène des hommes à se retrouver dans ce couloir dont on ne ressort pas ou peu souvent….

« Tous ne méritaient pas leur sort et d’autres auraient mérité moins d’égards. Ce qui est juste et la justice sont deux choses très différentes. »

Cette conversation entre les deux hommes est édifiante, prenante et évoquée en parallèle avec la vie d’Ed, ainsi que des entretiens avec des journalistes. Les différentes approchent s’emboîtent, se complètent, certaines éclairant d’autres …. L’auteur nous renvoie en pleine face toutes les questions sur ce qui est juste ou pas, sur la façon dont sont menées les investigations, puis les procès. Son texte se situe au Texas, un état qui a un taux assez élevé d’exécutions capitales. C’est aussi un endroit où les tensions entre les personnes à peau blanche ou noire sont criantes, présentes même à notre époque (rappelez-vous, ce lundi 5 octobre les autorités américaines, dans un contexte tendu, après des mois de manifestations contre les violences policières à l'encontre des minorités, ont annoncé qu’un policier blanc avait tué un homme afro-américain….) Tout est parfaitement retranscrit, on ressent les interrogations légitimes des uns, le besoin de justification de certains choix pour d’autres.

Le thème est abordé d'une façon intéressante et originale. Traiter de la peine de mort est un exercice difficile, périlleux, presqu’une mise en danger risqué pour un écrivain. Et force est de reconnaître qu’Estelle Tharreau a tout d’une grande pour ce dernier recueil. Le texte est bouleversant, d’abord parce que tout cela est terriblement réaliste, ensuite parce qu’on s’attache à Ed alors qu’on sait que c’est un tueur, et enfin parce que lire cette histoire remet en cause nos certitudes de justice. Alors, forcément, ça dérange parce qu’on ne ressort pas indemne de cette lecture. Le format court (un peu plus de deux cents pages) donne encore plus de résonnance à chaque phrase, pas de blablas, de fioriture inutile, des uppercuts, des questions, des remises en cause…on sent tout cela qui fourmille en nous et on reste pantois devant la révélation finale.

 

Éditions : Taurnada (1 er Octobre 2020)
ISBN : 978-2372580786
250 pages

Quatrième de couverture

McCoy est « bourreau » au Texas. Après 42 ans passés dans le couloir de la mort, il reçoit la visite officieuse du Gouverneur Thompson qui doit se prononcer sur la grâce du condamné numéro 0451. Il ne leur reste que quatre heures pour faire revivre les souvenirs de McCoy avant l'injection létale. Quatre heures dans l'isolement de la prison de Walls. Quatre heures pour cinq crimes qui déchaînent les passions.