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02/10/2012

La paix plus que la vérité, de Gildas Girodeau

la-paix-plus-que-la-verite.jpgUne chronique de Richard.

« Ne pas avoir le courage d’affronter la vérité, c’est prendre le risque de la haine. La paix ne se construit jamais durablement contre la vérité.»
Tout au long de ma lecture de «La paix plus que la vérité», je me disais que l’univers du polar était un monde fascinant qui ne s’impose aucune limite. L’humain avec ses inépuisables tourments; le monde avec son Histoire et ses histoires; la richesse des thématiques, source intarissable de récits et d’enquêtes; tout cela faisait en sorte que le lecteur de polars peut s’attendre, encore et toujours, à se laisser surprendre par les auteurs de ce genre, de plus en plus noble.
Gildas Girodeau en fait encore une fois la preuve avec un polar politique, historique et contemporain où il met en scène l’humain, inspiré par son désir de paix mais transporté par sa recherche de la vérité. Ce qui donne un roman puissant et passionnant où le romancier s’adresse à l’intelligence de son lecteur et lui parle des événements qui ont marqué un pays ... et ses habitants.
Yarnald Colom, journaliste et écrivain, est invité à donner une conférence sur ses polars devant une communauté catalane de Marseille. À la fin de son séjour dans cette ville méditerranéenne, l’organisateur lui raconte un moment éprouvant de sa vie, juste dans l’après-guerre civile, en Espagne. Puis il lui remettra une enveloppe contenant l’histoire de la mort d’un haut gradé franquiste. Alors commence une quête insatiable de la vérité quand tous, presque sans exception, « ... ils pensent tous que la paix vaut mieux que la vérité.».
Quelles sont les véritables circonstances de la mort de Sébastian Balet ? Tout le monde s’accorde pour parler d’un terrible suicide de ce dignitaire franquiste, membre des Phalanges. Mais où se cache la vérité ? Qu’est-ce qui se cache derrière ce bête accident de chasse ? Derrière ce mur de silence ? Dans la mémoire sélective de ces hommes et femmes qui occultent les faits et racontent ce qu’ils veulent bien nous livrer ?
Cette enquête que Yarnald commence à contre-coeur révélera des éléments passionnants et mettra sur son chemin des personnages au passé trouble et douloureux. Au fil de sa recherche, le journaliste nous fera vivre des événements importants de cette histoire toute récente:l’exécution de l’activiste Puig Antich, le coup d’état aux Cortes et les découvertes macabres de fosses communes.
Et en même temps, l’écrivain rencontrera des personnes fascinantes avec qui il devra user de toutes les stratégies pour faire ressortir toutes ces vérités si douloureuses et longtemps cachées.
On devient vite fasciné par Llum (la lumière), une militante d’un parti d’extrême-gauche qui intervient durant une cérémonie de commémoration de la fosse commune de Girona. « Si je suis là aujourd’hui, c’est pour rappeler à chacun d’entre vous que la paix ne peut pas se construire sur le mensonge. Or, depuis trente ans, vous nous mentez, peut-être par omission, mais vous nous mentez ...». Le lecteur sera envouté par la présence de cette femme qui possède «la douceur d’un serpent à sonnette sur le point de mordre.»
On se laisse charmer par la beauté de Montserrat, la fille mystérieuse de Valenti et par sa colère refoulée et par sa volonté implacable.
Et l’auteur nous fait rencontrer un curé assez spécial, presque sanctifié par ses «adeptes», colérique dans ses réactions et aussi, complice de ce silence si difficile à faire parler.
Et enfin, toutes ces personnes qui ont vécu ces événements qui les ont personnellement marqués.
Qui derrière ce silence révélateur, cachent des souffrances et une peur incontrôlable du déjà vu ou du «ça peut encore se produire» ? Aujourd’hui, ils sont vieux, vivent dans leurs souvenirs et ont toujours la crainte d’en parler ouvertement. Parce que c’est terminé ? Non, parce qu’ils voudraient bien que ça soit terminé !
Lecteur et lectrice de polars laisse-toi charmer par ce roman riche en rebondissements, aux effluves politiques et historiques. Il suffit d’aimer les bons polars et d’apprécier une écriture intelligente pour en tirer tous les plaisirs de la lecture. Et si en plus, comme moi, cette période de l’histoire de l’Espagne vous fascine, et bien, vous serez comblés. Gildas Girodeau a concocté un récit où l’équilibre entre les faits historiques et l’intrigue du récit s’harmonisent parfaitement. Quel bonheur de lire un bon roman et en même temps, d’apprendre une histoire fascinante où les humains doivent composer avec la violence, la terreur et des personnes qui manifestent «Le genre vicieux et dangereux qu’un soupçon de pouvoir transforme vite en tortionnaire.»
Juste un mot sur le style de Gildas Girodeau. C’était le premier roman que je lisais de cet auteur (sûrement pas le dernier ...) mais je peux vous dire, sans hésiter, que j’ai apprécié son écriture toute en nuances, en subtilités et en efficacité. Tout coule comme un source fraîche d’un matin de printemps, même les passages où la violence implicite nous atteint, le langage de Girodeau nous frappe tout doucement. On lit avec plaisir, on réfléchit en toute sérénité.
«La paix plus que la vérité» est un roman à lire ! Un autre polar intelligent qui fait de l’ancien sous-genre qu’on ne lisait que dans les gares, une aventure littéraire fascinante et un genre noble.

Bonne lecture
Richard, Polar Noir et blanc


La paix plus que la vérité
Gildas Girodeau
Au-delà du raisonnable
2012
204 page

Le site de la maison d'édition: Au-delà du raisonnable