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N’ouvre pas les yeux, de John Verdon (chronique 2)

n_ouvre_pas_les_yeux.jpgUne chronique d'Albertine.

John Verdon nous loge dans l’esprit de son héros, David Gurney, et nous vivons avec lui les deux semaines d’enquête qu’il s’est octroyées pour résoudre l’énigme de la jeune mariée décapitée.

Le récit est  linéaire, il ne lâche pas l’inspecteur d’une semelle, nous buvons ses mille tasses de café,  nous échafaudons ses audacieuses hypothèses, nous suivons les pistes qu’il débusque et qui en ouvrent d’autres, nous interrogeons des suspects, nous faisons avancer une enquête qui piétinait car nous sommes un super flic, même si la retraite nous a mis sur la touche.

Mais nous ne sommes pas tout à fait ce héros, nous sommes un lecteur qui a l’avantage de voir les failles du héros. Nous ne cessons de le suivre en lui demandant : mais tu vois bien que tu es en train de casser la belle relation d’amour avec ta femme que tu n’écoutes même plus, et dont les inquiétudes t’encombrent plus qu’elles ne t’émeuvent. Tout ça pour quoi ?

Tu vois bien qu’elle a pourtant un jugement avisé : tes talents d’enquêteur te conduisent à des situations qui te piègent, tes talents d’artiste (avec les photos de psychopathes) enflent ton égo jusqu’à te faire prendre des vessies pour des lanternes (toi, si fin observateur de l’humanité), ton horreur de ne pas maîtriser les situations t’enfonce davantage dans le piège…

Tout ça pour une superbe enquête que tu fais progresser dès que tu poses ton esprit observateur sur les moindres détails d’une affaire que les incapables de la brigade criminelle ont ignorés.

Enfin, tous ne sont pas incapables : et le talent de J. Verdon réside également dans le dessin expressif des personnages dits secondaires sans lesquels l’enquête n’aurait pas lieu. Le microcosme policier est très richement décrit, qu’il s’agisse de ses alliés (l’extraordinaire  Jack Hardwick, policier marginalisé par sa trop grande intelligence alliée à son trop fort sens de la provocation, ou le classique procureur Kine, politique affûté qui sait choisir les bons chevaux pour arranger sa carrière), ou de ses ennemis policiers tels Arlo Blatt (dont le nom sonne très mal pour les français !) ou du chef Rodriguez qui, tous deux chargés de l’enquête  bâtissent tête baissé une stratégie de recherches  à partir de faits mal étayés et parfois contradictoires. Nous apprenons concrètement ici que « les faits sont construits » ce qui porte le polar à la hauteur d’un bon cours de sociologie.

D’autres personnages secondaires sont bien campés comme autant de silhouettes qui captivent notre enquêteur : l’amie du couple férue de littérature qui va l’aider à étayer de nouvelles hypothèses, la brillante galeriste qui poursuit son entreprise de charme sur le commissaire-artiste ; le brillant docteur Ashton qui n’est pas seulement  l’époux malheureux de la mariée décapitée mais également le directeur d’un établissement éducativo-thérapeutique dont il veut garder la confidentialité à tout prix ; Jordan Ballston, le client supposé de Karnala qui tente d’échapper à son destin funeste depuis qu’on a découvert une femme décapitée dans son congélateur, et sur lequel David exerce ses talents en matière d’entrisme et d’interrogatoire.

Mais tout ceci ne suffirait peut être pas à nous tenir en haleine si le récit n’était émaillé de nombreux rebondissements (pistes nouvelles, incidents divers) et de textos maléfiques qui font monter son adrénaline, tout comme la nôtre évidemment en rappelant régulièrement à David Gurney ses limites, celles qu’il a peut être dépassées, en un moment de non contrôle total de la situation.

Enfin, le lecteur est roi dans les livres de J Verdon : tout comme dans son premier roman 658, il introduit un brin de littérature dans l’intrigue, et un certain Edward Valory, auteur d’une histoire éclairante pour l’enquête. Il est vrai que l’art de construire des personnages de roman est l’apanage de tous, même des plus grands criminels ; c’est ce que Gurney finira par comprendre, à ses dépends. Autant dire qu’il faut absolument lire  ce livre.

Albertine, 1° juin 2012


La chronique de Jacques sur ce livre.

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N’ouvre pas les yeux
John Verdon
Grasset
572 pages
21,50 €
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Présentation de l'éditeur :

 

Une jeune femme a été retrouvée décapitée le jour même de son mariage, dans la somptueuse propriété des Ashton. Tout accuse le jardinier mexicain, un certain Hector Flores, qui demeure introuvable depuis. L'inspecteur Gurney, appelé en dernier recours par la mère de la victime pour retrouver le meurtrier, s'aperçoit bientôt que la mariée n'avait rien d'une oie blanche... et que ses rapports avec son fiancé, Scott Ashton, jeune et brillant psychiatre, fondateur d'un institut pour enfants "difficiles", sont plus complexes qu'il n'y paraît à première vue.

 

Gurney ne tarde pas à se rendre compte que rien, dans cette histoire, n'est conforme aux apparences. Et quand il retrouve, déposée chez lui en son absence, une poupée décapitée, il comprend très vite aussi qu'il risque lui-même d'être la prochaine victime. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que son enquête va le mener bien au-delà du meurtre – dans la toile inextricable d'un ennemi terrifiant, tentaculaire et, surtout, très patient.

 

Après son premier roman et coup de maître 658, Verdon persiste, signe et monte encore le niveau d'un cran. De son ouverture saisissante jusqu'à son finale stupéfiant, N'ouvre pas les yeux est un chef-d'œuvre du genre, servi par une intrigue au cordeau et des personnages tourmentés que les lecteurs retrouveront avec bonheur ou découvriront avec frissons. John Verdon s'impose définitivement dans la cour des grands du thriller.

 

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01/06/2012 | Lien permanent

Meurtre en Périgord, de Martin Walker

meurtre_en_perigord.jpgUne chronique d'oncle Paul.

Dans la grosse bourgade de Saint-Denis, en Dordogne, où vivent environ 3000 âmes, règne, outre le maire Mangin, Bruno Courrèges, le chef de la police municipale. Il connait tout le monde et lorsqu’il déambule sur le marché, il ne compte plus les bises aux femmes et les poignées de main aux hommes. Ce jour là, c’est l’effervescence, car les inspecteurs de l’hygiène délégués par Bruxelles sillonnent la région. De plus c’est la commémoration du 8 mai et les porte-drapeaux défilent comme tous les ans, sans se parler, sans se regarder, jaloux et suspicieux. Ils pensent être mutuellement cocus et cela date de la dernière guerre et après.

Quoiqu’il soit le responsable de la police municipale, Bruno tient à entretenir de bonnes relations avec les gendarmes du village. Toutefois le capitaine Duroc n’est guère satisfait du comportement de quelques villageois, principalement des garnements, qui auraient fait actes de vandalisme auprès des représentants de Bruxelles. Et tandis qu’il adresse ses remontrances, il est informé qu’un meurtre vient d’avoir lieu. Le corps d’Hamid a été découvert par son petit-fils Karim. Bruno et Duroc se rendent aussitôt sur place, accompagnés de gendarmes, premiers secours et autres afin d’effectuer les premières constatations. Hamid vivait dans une vieille maison isolée sur les hauteurs du village depuis deux ans environ. Mais son fils Momo et son petit-fils sont installés depuis longtemps, et appréciés des villageois. Karim tient un bar avec sa femme, tandis que Momo, pour Mohamed, est professeur de math au collège.

Pourtant ce meurtre n’est pas banal. Hamid a été tué à l’arme blanche, éventré, et une croix gammée a été sculptée sur son torse. Rien n’a été chamboulé dans la maisonnette donc il ne peut s’agir d’un vol qui aurait mal tourné. Pourtant deux objets ont disparu : la Croix de guerre qu’Hamid avait obtenue et une photo le représentant en compagnie d’autres footballeurs. Hamid était un ancien militaire qui avait participé à la fin de la guerre dans différentes opérations puis à celles d’Indochine et d’Algérie parmi les troupes françaises. Tout de suite Duroc pense à une expédition punitive de membres de l’A.N., l’Alliance Nationale. Pourtant si une communauté maghrébine vit dans le village, jamais aucun trouble n’a été signalé. D’autant qu’Hamid et ses descendants ne professaient pas des idées islamistes, au contraire. Une intégration réussie qui risque de dégénérer.

Des policiers de Périgueux sont en charge de l’affaire, ainsi que les gendarmes, mais Mangin le maire du bourg souhaite que Bruno participe à l’enquête. La piste d’extrémistes est envisagée et va déboucher sur une affaire de drogue.

Bruno qui connait tout le monde, parle aux uns et autres, rend visite par exemple à un Anglaise qui vit non loin du domicile d’Hamid et qui loue des chambres de gite aux estivants, et seconde Isabelle, la belle, jeune et ambitieuse policière. Il est attiré par Isabelle, ainsi que par Pamela, l’Anglaise et par Christine son amie qui est là pour quelques semaines.

Outre l’enquête, qui nous entraîne bien loin de ce que l’on pouvait penser au départ, ce sont les digressions intéressantes placées ici et là, sans nuire en rien au récit qui lui apportent une saveur particulière. Ainsi les affrontements avec les hommes chargés par Bruxelles pour contrôler l’hygiène des produits frais sur le marché. La façon dont ils sont accueillis mais surtout la rhétorique employée par Bruno Courrèges, pour leur démontrer qu’ils agissent soit en dehors de leur champ d’action, soit pour signifier que les produits ne peuvent en rien être considérés comme des atteintes aux décisions européennes, est traitée avec humour.

Dans un registre plus grave, la manifestation en hommage à Hamid qui dégénère en affrontements entre les antiracistes et les membres de l’Alliance Nationale, offre des sujets de réflexion, puisque nous sommes toujours en période électorale. Cette montée de haine qui s’enflamme à la moindre étincelle et qui s’étend comme un feu de broussailles. Martin Walker remonte le temps, s’intéresse à l’histoire des Harkis, et place le départ de son intrigue dans un épisode méconnu de la Seconde Guerre Mondiale.

Mais d’autres sujets plus terre à terre méritent le détour. Pourquoi la cuisine anglaise est-elle si décriée ? Pourquoi la date du 18 juin en France est citée uniquement en référence à l’appel londonien du Général De Gaulle mais que jamais il n’est fait mention que c’est également la date anniversaire de la défaite de Napoléon à Waterloo ?

Bruno est un fin gourmet, et lorsque Pamela lui propose de dîner ensemble, il se pose des questions : Il avait beaucoup entendu parler de la cuisine anglaise et ce n’était pas rassurant. Ce qui démontre de la part de l’auteur, un Anglais, une bonne dose d’humour. Il porte sur la France un regard amusé et critique, mais en connaissance de cause car il possède dans le Périgord une maison où il se rend en été. Donc s’il se moque, tout autant de ses compatriotes que des Français, c’est sans méchanceté, avec tendresse même parfois. Et il me tarde de retrouver Bruno Courrèges, super garde-champêtre qui aime tant sa région, et sait si bien en parler via le truchement de Martin Walker.

Paul (Les lectures de l'oncle Paul)

 

Meurtre en Périgord (Bruno, chief of police – 2008. Traduit de l’anglais par Serge Cuilleron).
Martin WALKER
Editions du Masque, moyen format.
374 pages. 15€.

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04/06/2012 | Lien permanent

N'ouvre pas les yeux, de John Verdon (chronique 3)

n_ouvre_pas_les_yeux.jpgUne chronique de Christine.

Sur quoi se basent nos certitudes ? Voilà une question très intéressante, et je suis sûre que vous êtes déjà prêts à apporter quelques réponses. Prenons quelques instants pour y réfléchir.

« La logique veut que… » : Ah ? Mais la logique n’est pas imparable et quelques syllogismes aboutissant à des conclusions absurdes sont là pour le démontrer.

« J’ai vu que … » : Ah ? Mais alors, si vous êtes horriblement myope, ou si tout est bien caché, qu’avez-vous réellement vu ?

« On m’a affirmé que… » : Oh ! Très mauvaise réponse ! Est-ce suffisant pour valider ce qu’on vous a affirmé ?

On pourrait en débattre longuement, mais songez-y, et nous reprendrons cette conversation demain. Car il fera jour demain, n’est-ce pas ?

En tout cas, c’est ce qu’on m’a dit…

Pensez-vous qu’un enquêteur coriace puisse se laisser abuser de temps à autre en prenant ses désirs pour des réalités ?

 Dave Gurney, ancien inspecteur du NYPD, s’est installé dans les Catskill pour vivre paisiblement et profiter des beautés de la campagne auprès de sa femme Madeleine. Enfin, c’est ce qu’il tente de faire. Et culpabilise de ne pas réussir à faire. Car policier dans l’âme, enquêteur réputé, on vient encore le chercher à l’occasion de cas particulièrement difficiles à résoudre.

Et c’est ce qui se produit à nouveau pour une affaire vieille de quatre mois.

La victime ? Jillian Perry, une jeune femme d’une vingtaine d’années, décapitée le jour de son mariage.

Le suspect ? Hector Flores, le jardinier espagnol qui aussitôt le crime commis s’est évaporé dans la nature.

Depuis quatre mois l’enquête n’a pas progressé d’un pouce. La mère de Jillian demande à Gurney de tout faire pour retrouver Hector Flores, et peu importe ce que cela coûtera. L’argent n’est pas un problème pour cette famille richissime.

Reprenant les éléments du dossier, Gurney va démonter une à une les certitudes des policiers ayant déjà travaillé sur cette affaire.

Ses observations contredisent les déductions faites soit à partir des vidéos prises le jour du mariage, soit à partir de l’interrogatoire des témoins. La jeune mariée n’était pas une oie blanche, loin de là. Scott Ashton, son futur et désormais ex époux, psychiatre dirigeant l’école spécialisée où elle était prise en charge pour un lourd passé de prédatrice sexuelle, a des méthodes de travail peu orthodoxes. Hector Flores a une histoire bien surprenante pour un simple jardinier.

Et ce n’est que le début.

Car chaque point considéré comme évident s’effondre dès qu’on y regarde de plus près.

Pour révéler peu à peu une vérité aussi effroyable que sordide.

  Ce qui amena Gurney à se demander : existe-t-il vraiment des éléments accidentels ?

Il n’est pas si fréquent de lire un roman où aucune partie n’est traitée au détriment d’une autre.

Les personnages, quels qu’ils soient, sont particulièrement bien campés, et tout en suivant le fil conducteur qu’est Dave Gurney, ses réflexions, son enquête, on découvre un homme non exempt de faiblesses, mais terriblement humain et attachant. Il sait être mordant, comme il sait être tendre. Il se fourvoie, parfois, mais il réfléchit, toujours.

L’auteur dépeint avec finesse et justesse les liens entre Dave et Madeleine, si différents et pourtant si complémentaires, et même si ce dernier personnage pourrait sembler être en demi-teinte, on comprend vite la force qu’il donne au couple.

Oui, vraiment, la psychologie des personnages est un des éléments forts de ce roman.

Mais il faut mettre sur le même plan la progression de l’enquête, qui est parfaitement maîtrisée et riche en surprises. Ici l’auteur fait la part belle à l’analyse, aux capacités de déductions, à l’intelligence (quel bonheur !).

Le lecteur s’interroge tout en découvrant de nouvelles pièces du puzzle, et c’est un réel plaisir de sentir nos petites cellules grises, si chères à Hercule Poirot, être mises à rude épreuve.

Sans compter l’intrigue elle-même qui aurait pu tomber dans le piège du glauque et du voyeurisme, ou de la surenchère d’hémoglobine comme pour hélas nombre de thrillers. Ce qui n’est absolument pas le cas.

C’est beaucoup, beaucoup plus subtil, et beaucoup plus effrayant finalement.

La tension va crescendo, on hésite entre lire très vite pour avoir le mot de la fin, et prendre son temps pour savourer chaque paragraphe, car n’oublions pas la qualité d’écriture qui est incontestable.

Quant aux dialogues, aucune fausse note : parfois non dénués d’humour mais jamais de réalisme, ils collent parfaitement aux personnages.

Est-il besoin de parler des lieux et des paysages qui contribuent eux aussi à la réussite de ce roman dans lequel chaque détail semble minutieusement pensé ?

Bref, un très, très bon roman, que je vous conseille plus que vivement de lire sans tarder.

Pour ceux qui s’inquièteraient en pensant qu’il faut avoir lu « 658 », le premier roman de John Verdon, pour aborder ce deuxième ouvrage : qu’ils se rassurent. Ce n’est pas indispensable à la compréhension ni à l’appréciation de « N’ouvre pas les yeux ».

Je n’ai pas lu « 658 ».

Mais maintenant j’ai très envie de le faire dès que possible !

Christine, (Blog : Bibliofractale)

La chronique d’Albertine sur N’ouvre pas les yeux.

La chronique de Jacques sur N’ouvre pas les yeux.

N’ouvre pas les yeux
John VERDON
Traduction de Philippe Bonnet et Sabine Boulongne
Grasset (Thriller)
567 pages, 21,50 euros

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19/06/2012 | Lien permanent

Inconsolables sorcières, de Jan Thirion

inconsolables-sorcieres.jpgUne chronique d'oncle Paul
 

Un battement d'aile de papillon au Brésil peut-il déclencher une tornade au Texas ? C’est ce qui est communément appelé l’effet papillon. Partant de ce postulat, peut-on affirmer que si le narrateur n’avait pas omis de citer Shakespeare dans la citation qu’il avait mise en exergue de son manuscrit, tout ce qui va suivre serait arrivé ?

Le narrateur, appelons-le Catawoman, vérifiant dans sa voiture garée dans un parking son manuscrit qu’il vient de faire photocopier en cinq exemplaires, s’aperçoit donc de cet oubli et arrache la feuille de garde d’une copie. Par la lunette arrière de son véhicule il entrevoit un homme qui est agressé par deux gamins. L’individu sort de sa poche un revolver mais les deux jeunes adolescents sont plus rapides que lui et l’abattent. Lorsque Xavier, dans une sorte de réflexe inconscient remarque l’arme sur le capot de la voiture de l’homme blessé à mort, il s’en empare en entrouvrant sa portière. Mais il ne se rend pas compte que la feuille déchirée tombe à terre aux pieds du cadavre. Puis il s’en va, tranquillement, tout en pensant à la lecture qu’il doit effectuer en public dans une librairie toulousaine quelques jours plus tard.

Lorsque les policiers effectuent les premières constatations, cette feuille volante les intrigue. Franz Dieu et son équipe apprennent par le médecin légiste que sur le haut du corps un œil a été tatoué. La marque des Sorcières, une bande de malfrats sévissant dans l’un des quartiers chauds de Toulouse. Un des policiers s’étant un peu trop confié à une journaliste, bientôt le nom de l’auteur de la citation est dévoilé : Shakespeare. Ce ne pourrait être qu’un banal incident si deux Inconsolables, une bande rivale des Sorcières, étaient retrouvés dans une voiture avec sur le pare-brise une autre citation de Shakespeare. Puis un nouveau cadavre est retrouvé avec un livre entre les dents, Roméo et Juliette du même dramaturge élisabéthain. Une guerre des gangs pense Dieu qui a déjà pas mal de soucis à régler. Dans le bar le Vertigo, qui est réputé comme le quartier général des Sorcières et où travaillait Hanlon en tant que videur, le collègue avec lequel il travaille en binôme lui fait remarquer un consommateur qui pourrait être son jumeau, un sosie presque quasi parfait. Il a le visage ravagé, comme lui, suite à on ne sait quel accident. Mais Dieu n’y prête guère attention, il a d’autres soucis en tête comme je l’ai déjà dit. Dans quelques jours il doit assister au jubilé de son patron, l’irascible commissaire Hérion, et auparavant se plier à une séance d’entraînement formation, le genre de chose qui l’horripile. Alors il se venge en dégustant ses briques de jus de pomme, alors que ses collègues carburent à la caféine et parfois aux amphétamines, mais c’est du jus de pomme cuvée spéciale, en provenance directe d’une bouteille de vodka qu’il transvase. Heureusement, il existe un petit coin de ciel bleu dans son existence grise et qui se manifeste sous le doux prénom de Blanche. Celle-ci occupait précédemment le logement où il vit et grâce à sa propriétaire il fait la connaissance de la jeune femme qui se révèle charmante et même plus.

Que devient Catawoman, me demanderez-vous avec juste raison ? Il pense à sa mère, il écoute Anne Vanderlove en boucle, la chanteuse préférée de sa mère, il se connecte sur le site Grief.com car il s’identifie à sa mère décédée. Mater Dolorosa comme son père l’appelait avant qu’il quitte le foyer. Sa mère qui accumulait tous les malheurs du monde dans sa tête, qui se rendait malade à cause des infos. Qui s’est autodétruite. Alors Catawoman recueille sur Grief.com les doléances de ceux qui subissent le joug des autres. Il y a Manu, qui est harcelé, battu, racketté par un collègue de travail, Antigone, qui harcelée par un proviseur de lycée s’est défenestrée et vit maintenant en chaise roulante, et Duke qui affirme devoir subir les assauts de son beau-père. Et d’être en possession d’une arme donne des idées à Catawoman. S’en servir bien évidemment pour réduire les souffrances des uns et des autres et les venger en laissant sur le lieu de son forfait une citation de Shakespeare. Puisque c’est à la mode.

Et comme si cela ne suffisait pas, il y a les gamins des rues, qui sont affiliés à l’une ou l’autre des bandes, comme Tim le poussin, ainsi surnommé parce qu’il est toujours habillé de jaune, et son chien Roland Garros, un pitbull qui mâchouille en permanence une vieille balle de tennis.

Le lecteur qui passe allègrement du Je du narrateur, en suivant les pérégrinations de Catawoman, au Il de l’enquêteur Franz Dieu perdu dans ses démêlés avec sa hiérarchie, son enquête, ses amours nouvelles et anciennes, il doit aller voir son ex, Noé, qui est aussi romancière et doit faire une lecture publique de son nouveau roman dans une librairie renommée. Il peut s’identifier au « héros » de cette histoire, suivre l’enquête du côté des policiers. Il frémit, ressent la peur en même temps que les protagonistes, il accompagne les divagations des différents personnages, a envie parfois de dire « attention danger », se prend au jeu, si c’en est un, et aimerait que tout se termine bien.

Jan Thirion nous offre une nouvelle facette de son talent, après la plongée historique dans les prémices de la guerre d’Indochine avec Soupe tonkinoise, ou la franche rigolade de Sextoy made in China. Jan Thirion bascule d’un univers à l’autre avec bonheur et pour le plus grand plaisir de ses lecteurs.

Les lectures de l'oncle Paul

 

Inconsolables sorcières
Jan THIRION 
Collection Zones d’ombre
éditions Asgard.

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19/02/2012 | Lien permanent

Les Péchés de nos pères, de Lewis Shiner (chronique 2)

peches_de_nos_peres.jpgUne chronique de Jacques.

« La question de la race était devenue pour lui une réalité. Pourquoi une seule goutte de sang africain faisait-elle de vous un Noir alors qu’une seule goutte de sang européen ne faisait pas de vous un Blanc ? » (les Péchés de nos pères, p 351).

Impossible, en lisant ce roman de Lewis Shiner  de ne pas faire le lien avec le grand  roman de Stephen Carter : la dame noire. Dans ces deux romans  américains  en effet, c’est le problème racial qui est au centre de leur réflexion comme  de l’intrigue. Dans les deux cas il est présent  d’une façon obsessionnelle dans tous les détails de la vie quotidienne des narrateurs.  Dans les deux romans, le passé, et plus précisément un passé vieux  d’une trentaine d’années qui renvoie à la jeunesse des parents,  interfère sur le présent. Et dans ces deux romans le regard incisif posé par les deux auteurs   sur les espoirs,  les craintes et  les rancœurs accumulées dans la communauté noire nous en apprend davantage sur l’Amérique  de Lyndon Johnson à George Bush que de longs traités de sociologie.

Mais alors que dans le roman de Carter la plupart des personnages, qu’ils soient noirs ou blancs, font partie de l’élite de la nation, dans celui de Shiner ce sont les milieux populaires et ouvriers  qui sont au cœur de l’histoire.

 La force du livre tient à sa triple  approche, à la fois psychologique,  sociale et historique. Nous découvrons avec lui les années 1960 de Martin Luther King,  la force de la contestation antiségrégationniste ainsi que  les réactions brutales  qu’elle a provoquées,  les traces laissées à notre époque par ces années là, les tensions qui subsistent aujourd’hui encore entre les communautés, la façon dont les individus, aujourd’hui comme hier, intériorisent ces conflits. Le roman comprend trois grandes parties, qui alternent entre période contemporaine pour les parties 1 et 3 et qui couvre les années  Johnson/ Nixon pour la  deuxième partie.  

Robert, père du talentueux dessinateur de BD Michael Cooper, est en train de mourir d’un cancer dans la ville de Durham, au sud des Etats Unis.  Trente ans plus tôt, il avait  travaillé dans cette ville comme ingénieur et participé à la construction de  l’autoroute qui, en traversant  la ville, avait  provoqué  la destruction d’un quartier Noir : Hayti.  Les conséquences avaient été dévastatrices pour  des  milliers d’habitants, amenant le départ et la ruine de nombre  d’entre eux.

Michael, dont les relations avec son père sont distendues,  pressent  qu’un mystère plane sur sa naissance et,  arrivé à Durham, il cherche à rencontrer des anciens employés de la société dans laquelle travaillait son père pour les questionner et tenter de comprendre les parties obscures de son histoire familiale.

Un cadavre est trouvé dans un pilier de l’autoroute construite par son père une trentaine d'années plus tôt. La victime était un militant noir de la ville de Durham luttant pour les droits civiques.Robert semble mêlé à l’histoire, mais de quelle façon ? Quel rôle jouait-il dans  le rapport de force tendu, parfois violent, entre les communautés blanches et noires de cette ville du Sud ?  La quête difficile de Michael, qui se heurte à des intérêts financiers et idéologiques  obscurs mais puissants,   va avoir des conséquences  inattendues. En essayant de tirer le fil qui pourrait lui permettre de comprendre qui sont réellement ses parents, il va remuer d’anciennes histoires qui vont bouleverser sa vie, y compris sa vie affective.

Son père est-il impliqué dans  l’assassinat  du révolutionnaire noir de Hayti ? Si oui, de quelle façon ? Sur le point de mourir, Robert raconte à son fils ce qui s’est réellement passé dans la ville de Durham  quand il s’y est installé avec Ruth, son épouse, comme jeune ingénieur travaillant dans le bâtiment. Peu à peu,  des pans entiers du passé de ses parents  vont surgir et  éclater au visage de Michael. Les liens entre la famille de sa mère et une organisation extrémiste proche du K.K.K. , ainsi que  la liaison que  son père a eu dans sa jeunesse avec une  belle jeune femme noire pratiquant la religion  vaudou remettent en question ses certitudes  et  jusqu’à ses racines familiales.

Les découvertes de Michael sur son enfance et le passé de ses parents vont susciter des réactions inimaginables de la part des extrémistes racistes de la ville. La tension monte peu à peu. Le suspense s’amplifie jusqu’au point d’orgue final et le roman glisse vers le thriller d’une façon parfaitement assumée, même si elle peut sembler décalée par rapport à ce qui semblait être (à mes yeux de lecteur) le projet initial du livre. Le final du roman aboutit à d’énormes surprises quant au passé de Michael, à sa petite enfance, et l'auteur parvient à distiller un suspense époustouflant.

Au total, voici un livre exceptionnel, qui place Lewis Shiner au rang des meilleurs auteurs  américains  contemporains. Un auteur à découvrir absolument !

A lire : une autre chronique de Bruno sur ce roman.

 Les Péchés de nos pères
Lewis Shiner
Sonatine, novembre 2011
598 pages, 22 €

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29/02/2012 | Lien permanent

La confession, de John Grisham

la_confession.jpgUne chronique de Jacques.

Les romans de Grisham sont  des sources inépuisables d’informations sur le fonctionnement du système judiciaire américain et ses dérives parfois inquiétantes.  Celui-ci ne fait pas exception, il est un cri de colère contre un système politico-judiciaire corrompu, où l’injustice règne souvent là où la justice devrait s’imposer à tous.  

Grisham est abolitionniste. Dans un pays où la peine de mort est aussi populaire que la vente libre des armes à feu, c’est plutôt méritoire. Et même courageux. Le Texas est sans doute le pire de tous les Etats américains pour la peine de mort : en 2010, 17 condamnés y ont été exécutés par injection létale sur les 48 exécutions dans l’ensemble du pays. En 2011, 335 personnes y attendent encore, dans le fameux couloir de la mort, leur exécution. Le Texas est bien le noyau dur des partisans de la peine de mort aux USA. 

Et c’est justement au Texas que cette histoire se passe. L’auteur y développe  un plaidoyer incroyablement efficace contre la peine de mort : à l’issue de la lecture de ce livre, tout partisan de la peine capitale  ne pourra être qu’ébranlé dans ses convictions. Mais comme il semble que la lecture ne soit pas l’activité préférée des texans, l’efficacité du livre sera, dans cet Etat, douteuse ! Il est possible d’ailleurs qu’il y ait  un lien entre la culture et l’éducation d’un peuple et le sentiment abolitionniste qu’il peut développer :  que pourrait nous dire Victor sur ce sujet ?

Donté Drumm, un jeune noir de 27 ans, n’a plus que quelques jours à vivre. Il attend son exécution dans le couloir de la mort. Injustement accusé à 19 ans du meurtre d’une jeune lycéenne blanche, il est innocent de ce crime mais n’a eu aucune chance face à un jury composé uniquement de blancs. Un jury  qui  à eu de plus comme seuls points de repères au cours du procès : des aveux truqués, un faux témoin,  de fausses preuves fabriquées pour mieux accuser Donté Drumm.  

Tel est le point de départ du roman, qui commence presque en douceur et dont le suspense croit au fil des pages jusqu’à atteindre une intensité dramatique rare. 

Donté Drumm est défendu par un célèbre avocat abolitionniste et anticonformiste, aussi brillant qu’insolent : Robbie Flak. Celui-ci a épuisé toutes les procédures légales de recours et il sait que seul un miracle va pouvoir sauver Drumm de la mort imminente qui l’attend. Dès les premières pages, un certain Travis Boyette vient reconnaître le meurtre de la jeune fille. Boyette, violeur multirécidiviste, a été condamné plusieurs fois pour des agressions sexuelles diverses. Atteint d’une tumeur au cerveau, il a une espérance de vie réduite et n’a plus rien à perdre. Pour sa « confession », il ne va pas voir un juge ou un policier, mais un pasteur, le révérend Keith Schroeder. Boyette qui bien sûr sait où se trouve le corps de sa victime, ne veut pas le révéler immédiatement. Or si le corps était retrouvé, Donte Drumm aurait une chance de s’en sortir.

Keith Schroeder et sa femme Dana vont s’engager, avec l’avocat Robbie Flak dans une course contre la montre pour tenter de sauver Drumm, tout en sachant que les chances de réussite sont quasi nulles. Ils ont en effet contre eux la police de la ville de Slone ainsi que  le gouverneur de l’état du Texas, farouche partisan de la peine de mort. Il leur reste à peine quatre jours au début du livre, des jours qui vont fondre plus vite que la neige au soleil.  Au fur et à mesure que l’échéance s’approche, le rythme du livre s’accélère, chaque heure compte, puis chaque minute.

Pendant que Schroeder et Flak tentent de retrouver Boyette, qui a disparu, un témoins clé de l’accusation est sur le point de reconnaitre avoir fait un faux témoignage. L’avocat demande un sursis à exécution, les médias sont dans le coup, les aveux de Boyette finissent pas être enregistrés, puis diffusés, mais le sursis, à  quelques heures, puis quelques minutes de l’exécution, n’est pas accordé. Donté Drumm sera-t-il finalement sauvé ?

La critique du système judiciaire américain ainsi que des autorités politiques locales est féroce, implacable. Tout y passe : nous voyons des aveux truqués récoltés par la police, un témoin qui ment et dont le faux témoignage n’est jamais remis en question, des jurés noirs qui sont systématiquement récusés au moment du procès de Drumm, un gouverneur démagogue uniquement intéressé par sa réélection…  Toutes les situations sont rendues crédibles par l’écriture de Grisham,  efficace, précise, qui donne le maximum de détails en utilisant le minimum de mots. Les descriptions des personnages sont  soumises au même traitement du détail significatif, celui qui fait mouche pour le lecteur.  Les premières lignes du roman, qui nous montrent l’arrivée de Boyette chez Keith Schroeder, sont exemplaires de cette concision recherchée :

« Le gardien de St Mark venait de racler une dizaine de centimètres de neige des trottoirs quand l’homme à la canne fit son apparition. Le soleil s’était levé mais le vent hurlait et le thermomètre restait bloqué au-dessous du zéro. L’homme ne portait qu’un simple salopette en coton, une chemise d’été, des chaussures de randonnée bien râpées et un coupe-vent trop léger qui n’avait guère de chance de résister à ce froid glacial. Mais cela n’avait pas l’air de le gêner, et il n’avait pas non plus l’air si pressé. »

Avec une telle efficacité d’écriture, on comprend pourquoi les personnages sont un des points forts du roman : ils sont tous crédibles et  bien campés, leur psychologie est fouillée, même pour les personnages de second plan.  L’évolution du pasteur Schroeder, qui passe en quelques heures d’une vie centrée sur les activités de son église à la découverte étonnée d’un système judiciaire boiteux, d’une police partiale aux méthodes discutables, de médias racoleurs mais qui parfois révèlent leur utilité, est montrée avec finesse. Keith, à la fin du roman, finit par rejoindre le camp des abolitionnistes : il sait que sa vie ne sera plus jamais comme avant.

La force, la précision, l’intensité  de ce roman sont telles que le lecteur finit par se demander s’il ne s’agit pas d’une histoire vraie. C’est la magie d’un bon  romancier qui opère : ce qui pourrait être simplement crédible devient réel.

Vous l’avez compris, c’est un roman que je vous conseille : je suis sûr que  vous regretterez d’avoir terminé sa lecture !

 Cette chronique se trouve également sur mon blog : lectures et chroniques

Une chronique sur un autre très bon roman de Grisham :  la loi du plus faible.

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18/11/2011 | Lien permanent

L'homme inquiet, de Henning Mankell

lhommeinquiet.jpgUne chronique de Pierre

Mankell : L’homme inquiet

  Kurt, tu vas nous manquer. Depuis plus dix ans, tu étais comme notre oncle suédois, qui revenait chaque année nous narrer ses doutes, ses interrogations, ses inquiétudes ! Mankell l’a affirmé haut et fort : « L’homme inquiet » est le dernier de la série des « Wallander ».

Je dois dire que je suis resté dubitatif. L’intrigue n’a plus rien à voir avec les tueurs psychopathes du « guerrier solitaire » ou les fachos égarés de la « Lionne blanche ». Début 1983, Olof Palme, depuis peu à son poste de Premier ministre,  reçoit un rapport sur l'intrusion de sous-marins dans les eaux territoriales suédoises au moment des dernières élections législatives ; sous-marins que personne n'aurait réussi à forcer à faire surface. En cette période de guerre froide et compte tenu de la proximité, tout le monde pense aux Russes, mais aucune preuve ne peut être établie. Mankell n’a jamais caché son admiration pour John le Carré, et son intrigue a des parfums de « Smiley's People ». Soupçons d’espionnage au profit de la Russie, des Etats-Unis, se mêlent à la vie privée de Kurt, d’autant que les victimes (les coupables ?) sont les futurs beaux-parents de sa fille Linda. Mais, au-delà de l’intrigue, le personnage central du roman est bien notre oncle Kurt.

. Le roman démarre comme un conte de fée. Wallander a réalisé une partie de ses rêves. Il a acheté une maison à Löderup, il a un chien « Jussy » et comble de bonheur, Linda s’est stabilisée, elle est désormais en couple avec Hans et cadeau suprême, elle offre à Kurt une descendance aux Wallader, grâce à Klara, dont elle accouche en début du roman.  Las, la belle quiétude va bientôt être plus que troublée. Hakan, le père de Hans, un ancien capitaine de frégate spécialisé dans la lutte anti-sous-marine, se confie à Wallander et revient sur cet épisode du début des années quatre-vingts auquel il a directement participé. C'est devenu une obsession pour lui : comprendre pourquoi à l'époque on a laissé filer sciemment les intrus. Peu de temps après,  Hakan disparait. Kurt ne peut se retenir de s’en mêler, après tout, il fait presque partie de la famille. Mais, on est loin du déroulement des enquêtes habituelles au commissariat d’Ystat. Fini les briefings interminables avec Lisa Holgerson, Anne-Brit Holgrund, de cette fine équipe, il ne reste que Martinsson  qui s’interroge sur sa fin de carrière.  Kurt va quasiment enquêter seul !

L’intrigue revisite l’histoire ambiguë de la Suède au moment de la guerre froide, pays « neutre » à deux pas de l’URSS. C'était l'époque des espions, des secrets, du second mandat d'Olof Palme, lui-même considéré par certains comme un dangereux espion russe et dont on n'expliquera jamais l'assassinat. Wallander gratte, fouille, cherche, et en même temps qu'il fait remonter ses propres souvenirs, c'est une part de l'Histoire suédoise qui refait surface. Forcément en eaux troubles…

Mais la puissance du roman est bien ailleurs ! Wallander s’interroge beaucoup sur sa vie, sur lui-même. Il se remémore quelques une des horreurs qu'il a croisées dans sa vie de policier, comment il a tenté, à sa manière, de faire changer ce monde en bien, d'en éliminer quelques malfaisants. Il se rappelle aussi comment ce métier, qu'il devra bientôt abandonner, lui a pris son temps, ce temps qu'il ne pouvait plus offrir à ses proches. Il ne veut pas finir comme son père, aigri, et surtout pas se contenter de compter paisiblement les derniers grains qui filent dans son sablier. Wallander est inquiet, c'est sa propre mort qu'il sent s'approcher. Au fond, il vit dans la terreur de la mort qu’il a si souvent croisée. Malgré la présence de Linda, il est bien seul à l’aube de la vieillesse. Baïba, son dernier amour s’envole, son vieil ami Sten Widén est parti lui aussi depuis longtemps.

On ne reverra pas l'inspecteur Wallander. Il va finir sa vie là-bas, au loin, face à la mer. Mais avant de partir, c'est un sublime au revoir qu'il nous offre, émouvant, profond, qui clôt une des meilleures séries du polar scandinave

 Pierre Mazet

Présentation de l'éditeur

Wallander a réalisé ses rêves : vivre à la campagne avec son chien. Et il est devenu grand-père d’une petite Klara. Sa fille Linda vit avec le père de l’enfant, incroyable mais vrai, un financier aristocrate. Le beau-père de Linda, ancien officier de marine haut gradé, disparaît après avoir évoqué avec Wallander la guerre froide et les sous-marins russes dans les eaux territoriales suédoises. Puis la belle-mère est retrouvée morte. Soupçons d’espionnage. Au profit de la Russie ? Des Etats-Unis ? Wallander mène une enquête parallèle à celle de la police de Stockholm et des services secrets.

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La voix du loup, de Xavier-Marie Bonnot

 lavoixduloup.jpgUne chronique d’Albertine.

 Tout commence par un Prologue, motif musical qui va nous accompagner au long du récit : l’exécution capitale de Moretti, coupable d’enlèvement et de décapitation d’une petite fille. Michel de Palma dit le Baron,  qui a conduit l’enquête et réuni les éléments à charge, assiste à l’une des dernières exécutions commises par  la République Française, en 1978 à Marseille.

 Le récit de Xavier Marie Bonnot nous entraîne ensuite, 25 ans plus tard, sur les traces d’un meurtrier qui a proprement décapité un jeune violoniste de l’orchestre de l’opéra de Marseille.

Belle occasion que se donne l’auteur de nous faire entrer  dans les coulisses de cet Opéra, connu pour son public exigeant  et connaisseur, de nous faire vivre son amour pour Turandot, dernière œuvre de Puccini, qui va donner leur titre aux deux parties du roman : «Première partie :  les énigmes sont trois » ; et « Deuxième partie : La mort est une ».

 La voix du loup est une histoire qui une fois encore, se déroule à Marseille, dont nous savourons le paysage qui se révèle avec une sobriété de bon aloi : nous échappons aux pagnolades et à la couleur locale, grand merci Xavier-Marie, qui traite sa ville avec amour et respect.

 Le Baron, devenu enquêteur chevronné et reconnu, devra affronter au cours de  sa longue enquête, l’énigme de l’assassin du jeune violoniste Romano Valdez, mais aussi  affronter la question que les journaux lui renvoient violemment : Moretti guillotiné en 1978, était il bien le coupable ; ou lui,  de Palma, a-t-il envoyé un innocent à la guillotine 25 ans auparavant, comme le clament les journaux, en laissant le coupable en liberté, qui récidiverait un quart de siècle après?

 Xavier-Marie Bonnot excelle à nouer les fils du passé et les fils de l’actualité qui trament notre existence. Il nous fait partager également la belle rencontre du flic blasé et de la jeune recrue, Lena, qui aurait pu être une histoire de transmission, de filiation, et tournera court. Lena prendra en main l’enquête sur  le meurtre de Sonia, belle prostituée « égorgée comme un agneau », dont il faudra voir s’il a un lien avec l’assassinat  du violoniste Romano Valdez : son apport sera décisif dans le dénouement.  De Palma aura l’occasion de lire les carnets de Lena, par lesquels elle commente ses débuts dans la brigade, et la relation ambiguë qui s’instaure entre elle et de Palma : là encore, se tressent présent et passé proche ; l’auteur nous donne à relire cette relation du point de vue de la jeune fille, et cette relecture est une sorte d’aboutissement.

Comme dans « les âmes sans nom », de Palma est mis en scène dans un monde policier qui reste solidaire, y compris lorsque son commissaire est attaqué par la presse ou lorsqu’il a « pété les plombs » dans une action de terrain. C’est que  De Palma est un personnage contrasté : capable d’une violence terrible (par exemple,  vider deux barillets en tirant sur un fuyard ) il est également celui qui tentera et réussira presque, avec douceur et amour,  à sauver le coupable qu’il poursuit depuis des semaines. De Palma qui travaille avec la mort, aime la vie : il aime Marseille, il aime Turandot, il aime l’opéra, il aime Anne, il aime Lena. Son amour pour Anne peut lui faire oublier l’affaire qui l’obsède ; celui qu’il a pour Lena le conduira en Irlande, au terme de ce roman noir, éclairé par la rose blanche pour Lena.                                               

 Albertine, un dimanche après midi.

 A lire également une autre chronique d'Albertine sur un autre roman de Xavier-Marie Bonnot, les âmes sans nom

La voix du loup
Editions Pocket
346 pages
6,60 €

 Présentation de l'éditeur

Cela fait 25 ans déjà, mais cette minute sanglante ne quitte pas sa mémoire. Pour le commandant De Palma, dit « le Baron », l'homme qui fut décapité, ce matin-là aux Baumettes, était bien le tueur sadique de Laurence Monello, l'Eboueur, le trancheur de tête… Sans l'ombre d'un doute, Sylvain Moretti était coupable. Mais méritait-il pour autant ce châtiment barbare ? D'aucuns d'ailleurs en ont fait un martyr, un innocent. Et peu à peu le doute s'installe. Car le mode opératoire du meurtre de Romano Valdez, violoniste à l'opéra, ne doit rien au hasard : découpé, la tête jetée dans une poubelle voisine… Tristes souvenirs… S'agirait-il d'un disciple ? Ou de l'Eboueur lui-même, auquel cas le Baron aurait envoyé un innocent à la mort ? De personnelle, l'enquête se fait obsédante, et De Palma risque d'y perdre bien plus que sa tête…

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22/08/2011 | Lien permanent

Jusqu'à la folie, de Jesse Kellerman (chronique 1)

jusqualafolie.jpgUne chronique de Jacques.

Tous les lecteurs attendaient Jesse Kellerman au tournant de son second roman.  Pour les auteurs dont le premier livre a été un succès, c’est un cap traditionnellement difficile à franchir. Qu’en est-il de ce « jusqu’à la folie » dont on a déjà beaucoup parlé avant même sa sortie officielle ? Est-il à la hauteur du premier, les Visages, qui a connu à la fois un succès public ainsi qu’un vrai succès critique ?

En réalité, ce roman peut déconcerter les amateurs de thrillers classiques, ceux qui aiment les phrases courtes, les changements fréquents de situations, les chapitres qui s’enchaînent avec rapidité, les dialogues réduits à leur plus stricte efficacité. Car en effet, Kellerman ne joue pas dans ce registre.

Alors que dans les Visages l’histoire se déroulait dans le milieu des marchands de tableau, décrit avec beaucoup de vérité et force détails, l’auteur a choisi ici comme toile de fond un hôpital newyorkais. Si vous êtes adepte de la série Urgences, vous apprécierez la documentation réunie par l’auteur, qui est impressionnante, ainsi que la description du milieu de l’hôpital, d’une grande richesse de détails. Dès le début du roman, nous suivons pas à pas son héros dans les recoins et les situations les plus glauques du servie de chirurgie. L’auteur se moque  de la concision, il prend le temps d’installer son personnage et nous montre tous les détails de son travail, nous livre la moindre de ses impressions.

Au bloc, c’était la folie ; tout le monde courrait pour tout préparer en attendant le chirurgien, ne s’interrompant que pour s’adonner au passe-temps favori des salles d’opération : hurler sur l’externe de servie. Jonah prit une casaque chirurgicale et des gants, et la panseuse lui hurla : « tu l’as contaminé, prends-en une autre ! » alors que tout était emballé et stérile, comme si c’était lui qui était particulièrement, monstrueusement contagieux. Discipliné, il retourné dans la réserve  en trainant les pieds et en revint avec une nouvelle casaque  et une nouvelle paire de gants. (…)

Les dieux de la chirurgie étaient jaloux et cruels, et Jonah avait fauté. En tant qu’étudiant de troisième année, il ne pouvait guère espérer faire plus que suturer, écarter, aspirer. Comme tout apprenti, son véritable rôle n’était pas de se rendre utile mais de donner raison à la hiérarchie. Il était là pour souffrir, ainsi que tous les médecins qui l’avaient précédé à cette place.

On comprend tout de suite en lisant ces lignes que le plaisir de l’auteur ne se situe pas uniquement dans le fait de faire monter graduellement la pression et le suspense (ce qu’il fait aussi avec une grande maitrise), mais qu’il est avant tout dans cette description des lieux et des gens, à la fois précise et détaillée, plus proche d’un Dennis Lehane ou même d’un auteur de la « littérature blanche » que d’un auteur de thriller classique à la James Patterson.

Cependant, même les amateurs purs et durs de thrillers pourront être satisfaits, car le roman va très vite s’emballer, et ce dès la fin du premier chapitre. Jonah va accomplir un acte héroïque qui va avoir des conséquences dramatiques : en sortant de son boulot il va sauver la vie à Eve,   une jeune femme agressée par un homme qui la menace avec un couteau. En lui portant secours, il tue  accidentellement son agresseur, la famille de celui-ci porte plainte contre lui et une enquête démarre pour faire le point sur les circonstances précises de la mort de l’individu.

Lorsque la jeune femme qu’il a sauvé prend contact avec lui et qu’une histoire d’amour commence alors entre eux, Jonah va être pris dans une spirale infernale, une nasse dont il va chercher à sortir. Qui est vraiment cette jeune femme ? Il va le découvrir, à ses dépens, et la découverte sera cruelle, puisqu’elle va le ramener vers son premier amour, Hannah, une jeune fille qu’il devait épouser et qui a sombré dans la folie.

Car la folie est au cœur de cette histoire, une folie qui prend l’aspect d’une séduisante jeune femme mais qui va  au fil des pages se révéler terrifiante par ses symptômes et ses conséquences.

Jesse Kellerman a particulièrement travaillé les différents personnages : Jonah,  étudiant motivé, qui veut réussir ses études et ne lâche jamais son travail même dans les moments les plus difficiles. Son ami et colocataire  Lance dont le côté sympathiquement déjanté tranche avec la noirceur du récit, et surtout le personnage d’Eve, la jeune femme agressée, dont  le comportement de plus en plus étrange est  décrit avec une précision clinique et une grande force.

Cette profondeur des personnages, leur véracité, est  le premier point fort du livre, et c’est un élément qui devrait plaire à tous ceux que les personnages stéréotypés et dessinés à grands traits de certains thrillers fatiguent un peu.

Le deuxième point fort est l’écriture. Jesse Kellerman excelle dans les descriptions, il rentre dans les détails méticuleusement, avec précision, sans jamais lasser le lecteur, il trouve chaque fois le mot juste, l’expression la mieux adaptée à la situation. Il réussit à faire monter la tension psychologique jusqu’au  point extrême de la scène dramatique finale qui justifie le titre du livre. C’est un roman dont la construction du récit est impeccable, l’écriture d’une grande densité, et s’il  m’a fallu un chapitre pour m’habituer à son style, que j’ai trouvé pendant quelques pages un peu bavard, je l’ai par la suite apprécié à sa juste valeur.

Ce deuxième roman est donc une vraie réussite. A conseiller à tous ceux qui aiment les suspenses psychologiques intelligents et bien écrits, il va définitivement installer  Jesse Kellerman dans la liste des meilleurs auteurs de thrillers, toutes nationalités confondues.

Une autre chronique sur ce roman

Jusqu’à la folie
Jesse Kellerman
Edition des Deux Terres
384 pages
22,50 €

 

Présentation de l'éditeur

Dans une rue sombre de Manhattan, très tard dans la nuit, une jeune femme est agressée par un homme armé d un couteau. Jonah, un étudiant en médecine surmené, vole à son secours et tue accidentellement l’agresseur. Pendant que les médias font de lui un héros, le procureur s interroge sur son geste héroïque. La victime, quant à elle, veut retrouver son sauveur et tient à lui montrer sa reconnaissance. Les événements s’enchaînent, et Jonah est entraîné dans une spirale terrifiante. S'il est vrai qu’aucune mauvaise action ne demeure impunie, le châtiment de Jonah ne fait que commencer...

 

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Les reflets de la violence

Zulu, de Caryl Férey

zulu.jpg

L’intérêt du roman noir ou du bon thriller est d’amener  parfois son lecteur à fréquenter des êtres très différents de lui, à l’entrainer vers des  zones sombres de la société qui ne sont pas les siennes. Dans ces situations, le personnage du flic est l’interface, le guide  idéal pour nous conduire là où l’auteur le veut. Si le  roman de Caryl Férey  correspond bien à cette typologie, il vaut mieux vous prévenir : il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Ceux qui aiment les histoires convenues, les romans bien léchés et pétris de bons sentiments avec, en prime, une attendrissante et prévisible histoire d’amour  triomphant des épreuves de la vie, peuvent  passer leur chemin,  ce thriller n’est pas pour eux.  Zulu est même tout l’opposé, une denrée rare dans le monde tourmenté des romans noirs, un ovni littéraire bâti de sueur, de larmes et de cris, d’effroi et de stupéfaction. Il décrit un monde  à des années lumières de l’univers du lecteur ordinaire, en nous présentant une société dure et violente dans laquelle les sentiments  sont  exacerbés à la puissance mille,  des lieux dans lesquels  les  humains sont considérés dans le meilleur des cas sous leur aspect strictement utilitaires et dans le pire des cas comme de la viande.

Ce monde, pourtant, n’est  pas si éloigné du nôtre. Par de multiples aspects il nous concerne et il nous touche puisque c’est  celui de l’Afrique du Sud de l’après apartheid et de Mandela, quelques mois avant la Coup du monde de football de 2008. La lecture de Zulu se fait comme une plongée en apnée. Une plongée dont le lecteur  ne sait pas s’il  sera capable de remonter tant l’auteur nous entraîne au plus profond des abysses de l’âme humaine.  L’apartheid politique a été remplacé par un apartheid social, et avec celui-ci des bandes rivales qui s'affrontent, simplement  pour survivre, sans espoir d’avenir, avec une espérance de vie réduite à peu de chose. Si la violence est partout, dans la société comme dans le roman,  il n’y a chez Férey aucun désir de susciter le voyeurisme du lecteur, comme le fait un Maxime Chattam avec ses descriptions complaisantes et gratuites de corps de femmes savamment torturés et mutilés. Caryl Férey, lui, préfère rester  au plus près de la réalité d’un pays qui est en tête du classement  mondial de la violence et de la criminalité : la violence du livre est le reflet de la violence du pays. Pour montrer cela, il  met  en scène deux flics travaillant ensemble, complémentaires et très différents. Ali Neuman, le flic zoulou, dont la mère Josephina, aveugle et obèse, vit dans une township de Cape Town,  Khayelitsha. Brian Epkeen, le flic blanc, son ami, descendant d’afrikaners, qui considère que « ses ancêtres, en instaurant ce système [d’apartheid] avaient chié dans leur froc : la peur du noir avait envahi les consciences et les corps avec une charge animale qui rappelait les vielles peurs reptiliennes –peur du loup, du lion, du mangeur d’hommes blancs ».

Ali et Brian,  représentent dans leurs différences deux des facettes de l’Afrique du Sud contemporaine, toujours rongée par la violence et les inégalités sociales,  et  l’auteur, en fouillant dans leur passé,  en fait des personnages de chair et de sang, attachants et crédibles.

Traumatisé dans son enfance par une agression sauvage dans laquelle son frère a trouvé la mort, Ali ne peut plus avoir avec les femmes qu’il aime ou  pourrait aimer que des relations inachevées : son sexe est mort cette nuit là, tout comme sa vie, nous apprend-il. 

Brian, lui,  est divorcé, séduisant et  toujours amoureux de sa femme Ruby, qui vit avec le « dentiste des stars ». Son ado de fils,  David, refuse de lui parler et ne Brian ne  trouve son équilibre  que dans son boulot et des relations amoureuses fugaces.

Le meurtre d’une jeune fille blanche battue à mort  après avoir absorbé une nouvelle drogue dont les deux flics vont découvrir les pouvoirs effrayants,  sert à l’auteur de point de départ pour une enquête qui va les amener depuis les gangs et les trafics de drogue jusque chez les afrikaners, les  anciens piliers de l’apartheid, ceux qui ont refusé  le changement de régime et conservé tout leur pouvoir économique. En suivant les deux flics on découvre un pays où la répartition de la richesse est la plus inégale du monde, où des townships insalubres et misérables côtoient des villas luxueuses, protégées et isolées du monde extérieur comme des blockhaus.

Il ne faut  pas croire que Zulu est un roman-documentaire sur l’Afrique du Sud. Il s’agit bel et bien d’un polar, et l’auteur n’a  négligé ni l’intrigue, assez subtile pour que le lecteur soit mené en bateau jusqu’à la fin, ni même les personnages. Celui d’Ali Neuman, le flic zoulou, est particulièrement attachant et complexe.  L’écriture de l’auteur est suffisamment précise et souple pour nous monter ses failles, ses contradictions, ses difficultés à vivre en étant, tout comme son pays, abîmé, torturé.  Très vite Il parvient  à nous faire aimer ce personnage trouble, détruit prématurément par la vie, en utilisant des phrases courtes, des mots précis, une écriture  efficace et non dépourvue de beauté.

« Ali ne dormirait pas. Ni ce soir ni demain. Les cachets étaient sans effet, sinon à traîner ce goût de pâte molle dans la bouche ; insomnies chroniques, désespoir, phénomènes compensatoires, désespoir, son cerveau tournait en boucle. Pas seulement depuis ce matin. Les promenades le long du Cap de Bonne-Espérance n’y changeraient rien. Il y avait ce monstre froid au fond de lui, cette bête impossible à recracher ; il pouvait lutter, nier, faire que chaque matin soit le premier plutôt que le dernier, il menait une guerre perdue d’avance. Maïa : piètre façade…Des larmes montèrent à ses yeux.  Il pouvait s’inventer des lieux de vie, des codes érotiques, des listes d’attraction passionnelles comme autant d’amours fantômes, le ciment ne prenait pas. Ses masques tomberaient comme une pluie de plâtre, bientôt,  des cloisons d’empire qui emporteraient tout dans leur chute, des décors trop vieux envoyés à la casse. »

Les codes du thriller sont respectés, la fin est haletante,  inattendue. Le livre terminé, le lecteur reste sur une expérience de lecture rare, d’une grande force. Ce livre n’est pas seulement un très bon thriller.  C’est, tout simplement, un grand roman.

                                                                               J.T.

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