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01/06/2012

N’ouvre pas les yeux, de John Verdon (chronique 2)

n_ouvre_pas_les_yeux.jpgUne chronique d'Albertine.

John Verdon nous loge dans l’esprit de son héros, David Gurney, et nous vivons avec lui les deux semaines d’enquête qu’il s’est octroyées pour résoudre l’énigme de la jeune mariée décapitée.

Le récit est  linéaire, il ne lâche pas l’inspecteur d’une semelle, nous buvons ses mille tasses de café,  nous échafaudons ses audacieuses hypothèses, nous suivons les pistes qu’il débusque et qui en ouvrent d’autres, nous interrogeons des suspects, nous faisons avancer une enquête qui piétinait car nous sommes un super flic, même si la retraite nous a mis sur la touche.

Mais nous ne sommes pas tout à fait ce héros, nous sommes un lecteur qui a l’avantage de voir les failles du héros. Nous ne cessons de le suivre en lui demandant : mais tu vois bien que tu es en train de casser la belle relation d’amour avec ta femme que tu n’écoutes même plus, et dont les inquiétudes t’encombrent plus qu’elles ne t’émeuvent. Tout ça pour quoi ?

Tu vois bien qu’elle a pourtant un jugement avisé : tes talents d’enquêteur te conduisent à des situations qui te piègent, tes talents d’artiste (avec les photos de psychopathes) enflent ton égo jusqu’à te faire prendre des vessies pour des lanternes (toi, si fin observateur de l’humanité), ton horreur de ne pas maîtriser les situations t’enfonce davantage dans le piège…

Tout ça pour une superbe enquête que tu fais progresser dès que tu poses ton esprit observateur sur les moindres détails d’une affaire que les incapables de la brigade criminelle ont ignorés.

Enfin, tous ne sont pas incapables : et le talent de J. Verdon réside également dans le dessin expressif des personnages dits secondaires sans lesquels l’enquête n’aurait pas lieu. Le microcosme policier est très richement décrit, qu’il s’agisse de ses alliés (l’extraordinaire  Jack Hardwick, policier marginalisé par sa trop grande intelligence alliée à son trop fort sens de la provocation, ou le classique procureur Kine, politique affûté qui sait choisir les bons chevaux pour arranger sa carrière), ou de ses ennemis policiers tels Arlo Blatt (dont le nom sonne très mal pour les français !) ou du chef Rodriguez qui, tous deux chargés de l’enquête  bâtissent tête baissé une stratégie de recherches  à partir de faits mal étayés et parfois contradictoires. Nous apprenons concrètement ici que « les faits sont construits » ce qui porte le polar à la hauteur d’un bon cours de sociologie.

D’autres personnages secondaires sont bien campés comme autant de silhouettes qui captivent notre enquêteur : l’amie du couple férue de littérature qui va l’aider à étayer de nouvelles hypothèses, la brillante galeriste qui poursuit son entreprise de charme sur le commissaire-artiste ; le brillant docteur Ashton qui n’est pas seulement  l’époux malheureux de la mariée décapitée mais également le directeur d’un établissement éducativo-thérapeutique dont il veut garder la confidentialité à tout prix ; Jordan Ballston, le client supposé de Karnala qui tente d’échapper à son destin funeste depuis qu’on a découvert une femme décapitée dans son congélateur, et sur lequel David exerce ses talents en matière d’entrisme et d’interrogatoire.

Mais tout ceci ne suffirait peut être pas à nous tenir en haleine si le récit n’était émaillé de nombreux rebondissements (pistes nouvelles, incidents divers) et de textos maléfiques qui font monter son adrénaline, tout comme la nôtre évidemment en rappelant régulièrement à David Gurney ses limites, celles qu’il a peut être dépassées, en un moment de non contrôle total de la situation.

Enfin, le lecteur est roi dans les livres de J Verdon : tout comme dans son premier roman 658, il introduit un brin de littérature dans l’intrigue, et un certain Edward Valory, auteur d’une histoire éclairante pour l’enquête. Il est vrai que l’art de construire des personnages de roman est l’apanage de tous, même des plus grands criminels ; c’est ce que Gurney finira par comprendre, à ses dépends. Autant dire qu’il faut absolument lire  ce livre.

Albertine, 1° juin 2012


La chronique de Jacques sur ce livre.

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N’ouvre pas les yeux
John Verdon
Grasset
572 pages
21,50 €
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Présentation de l'éditeur :

 

Une jeune femme a été retrouvée décapitée le jour même de son mariage, dans la somptueuse propriété des Ashton. Tout accuse le jardinier mexicain, un certain Hector Flores, qui demeure introuvable depuis. L'inspecteur Gurney, appelé en dernier recours par la mère de la victime pour retrouver le meurtrier, s'aperçoit bientôt que la mariée n'avait rien d'une oie blanche... et que ses rapports avec son fiancé, Scott Ashton, jeune et brillant psychiatre, fondateur d'un institut pour enfants "difficiles", sont plus complexes qu'il n'y paraît à première vue.

 

Gurney ne tarde pas à se rendre compte que rien, dans cette histoire, n'est conforme aux apparences. Et quand il retrouve, déposée chez lui en son absence, une poupée décapitée, il comprend très vite aussi qu'il risque lui-même d'être la prochaine victime. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est que son enquête va le mener bien au-delà du meurtre – dans la toile inextricable d'un ennemi terrifiant, tentaculaire et, surtout, très patient.

 

Après son premier roman et coup de maître 658, Verdon persiste, signe et monte encore le niveau d'un cran. De son ouverture saisissante jusqu'à son finale stupéfiant, N'ouvre pas les yeux est un chef-d'œuvre du genre, servi par une intrigue au cordeau et des personnages tourmentés que les lecteurs retrouveront avec bonheur ou découvriront avec frissons. John Verdon s'impose définitivement dans la cour des grands du thriller.

 

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