04/06/2012
Meurtre en Périgord, de Martin Walker
Une chronique d'oncle Paul.
Dans la grosse bourgade de Saint-Denis, en Dordogne, où vivent environ 3000 âmes, règne, outre le maire Mangin, Bruno Courrèges, le chef de la police municipale. Il connait tout le monde et lorsqu’il déambule sur le marché, il ne compte plus les bises aux femmes et les poignées de main aux hommes. Ce jour là, c’est l’effervescence, car les inspecteurs de l’hygiène délégués par Bruxelles sillonnent la région. De plus c’est la commémoration du 8 mai et les porte-drapeaux défilent comme tous les ans, sans se parler, sans se regarder, jaloux et suspicieux. Ils pensent être mutuellement cocus et cela date de la dernière guerre et après.
Quoiqu’il soit le responsable de la police municipale, Bruno tient à entretenir de bonnes relations avec les gendarmes du village. Toutefois le capitaine Duroc n’est guère satisfait du comportement de quelques villageois, principalement des garnements, qui auraient fait actes de vandalisme auprès des représentants de Bruxelles. Et tandis qu’il adresse ses remontrances, il est informé qu’un meurtre vient d’avoir lieu. Le corps d’Hamid a été découvert par son petit-fils Karim. Bruno et Duroc se rendent aussitôt sur place, accompagnés de gendarmes, premiers secours et autres afin d’effectuer les premières constatations. Hamid vivait dans une vieille maison isolée sur les hauteurs du village depuis deux ans environ. Mais son fils Momo et son petit-fils sont installés depuis longtemps, et appréciés des villageois. Karim tient un bar avec sa femme, tandis que Momo, pour Mohamed, est professeur de math au collège.
Pourtant ce meurtre n’est pas banal. Hamid a été tué à l’arme blanche, éventré, et une croix gammée a été sculptée sur son torse. Rien n’a été chamboulé dans la maisonnette donc il ne peut s’agir d’un vol qui aurait mal tourné. Pourtant deux objets ont disparu : la Croix de guerre qu’Hamid avait obtenue et une photo le représentant en compagnie d’autres footballeurs. Hamid était un ancien militaire qui avait participé à la fin de la guerre dans différentes opérations puis à celles d’Indochine et d’Algérie parmi les troupes françaises. Tout de suite Duroc pense à une expédition punitive de membres de l’A.N., l’Alliance Nationale. Pourtant si une communauté maghrébine vit dans le village, jamais aucun trouble n’a été signalé. D’autant qu’Hamid et ses descendants ne professaient pas des idées islamistes, au contraire. Une intégration réussie qui risque de dégénérer.
Des policiers de Périgueux sont en charge de l’affaire, ainsi que les gendarmes, mais Mangin le maire du bourg souhaite que Bruno participe à l’enquête. La piste d’extrémistes est envisagée et va déboucher sur une affaire de drogue.
Bruno qui connait tout le monde, parle aux uns et autres, rend visite par exemple à un Anglaise qui vit non loin du domicile d’Hamid et qui loue des chambres de gite aux estivants, et seconde Isabelle, la belle, jeune et ambitieuse policière. Il est attiré par Isabelle, ainsi que par Pamela, l’Anglaise et par Christine son amie qui est là pour quelques semaines.
Outre l’enquête, qui nous entraîne bien loin de ce que l’on pouvait penser au départ, ce sont les digressions intéressantes placées ici et là, sans nuire en rien au récit qui lui apportent une saveur particulière. Ainsi les affrontements avec les hommes chargés par Bruxelles pour contrôler l’hygiène des produits frais sur le marché. La façon dont ils sont accueillis mais surtout la rhétorique employée par Bruno Courrèges, pour leur démontrer qu’ils agissent soit en dehors de leur champ d’action, soit pour signifier que les produits ne peuvent en rien être considérés comme des atteintes aux décisions européennes, est traitée avec humour.
Dans un registre plus grave, la manifestation en hommage à Hamid qui dégénère en affrontements entre les antiracistes et les membres de l’Alliance Nationale, offre des sujets de réflexion, puisque nous sommes toujours en période électorale. Cette montée de haine qui s’enflamme à la moindre étincelle et qui s’étend comme un feu de broussailles. Martin Walker remonte le temps, s’intéresse à l’histoire des Harkis, et place le départ de son intrigue dans un épisode méconnu de la Seconde Guerre Mondiale.
Mais d’autres sujets plus terre à terre méritent le détour. Pourquoi la cuisine anglaise est-elle si décriée ? Pourquoi la date du 18 juin en France est citée uniquement en référence à l’appel londonien du Général De Gaulle mais que jamais il n’est fait mention que c’est également la date anniversaire de la défaite de Napoléon à Waterloo ?
Bruno est un fin gourmet, et lorsque Pamela lui propose de dîner ensemble, il se pose des questions : Il avait beaucoup entendu parler de la cuisine anglaise et ce n’était pas rassurant. Ce qui démontre de la part de l’auteur, un Anglais, une bonne dose d’humour. Il porte sur la France un regard amusé et critique, mais en connaissance de cause car il possède dans le Périgord une maison où il se rend en été. Donc s’il se moque, tout autant de ses compatriotes que des Français, c’est sans méchanceté, avec tendresse même parfois. Et il me tarde de retrouver Bruno Courrèges, super garde-champêtre qui aime tant sa région, et sait si bien en parler via le truchement de Martin Walker.
Paul (Les lectures de l'oncle Paul)
Meurtre en Périgord (Bruno, chief of police – 2008. Traduit de l’anglais par Serge Cuilleron).
Martin WALKER
Editions du Masque, moyen format.
374 pages. 15€.
17:40 Publié dans 02. polars anglo-saxons | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook | |
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