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19/06/2012

N'ouvre pas les yeux, de John Verdon (chronique 3)

n_ouvre_pas_les_yeux.jpgUne chronique de Christine.

Sur quoi se basent nos certitudes ? Voilà une question très intéressante, et je suis sûre que vous êtes déjà prêts à apporter quelques réponses. Prenons quelques instants pour y réfléchir.

« La logique veut que… » : Ah ? Mais la logique n’est pas imparable et quelques syllogismes aboutissant à des conclusions absurdes sont là pour le démontrer.

« J’ai vu que … » : Ah ? Mais alors, si vous êtes horriblement myope, ou si tout est bien caché, qu’avez-vous réellement vu ?

« On m’a affirmé que… » : Oh ! Très mauvaise réponse ! Est-ce suffisant pour valider ce qu’on vous a affirmé ?

On pourrait en débattre longuement, mais songez-y, et nous reprendrons cette conversation demain. Car il fera jour demain, n’est-ce pas ?

En tout cas, c’est ce qu’on m’a dit…

Pensez-vous qu’un enquêteur coriace puisse se laisser abuser de temps à autre en prenant ses désirs pour des réalités ?

 Dave Gurney, ancien inspecteur du NYPD, s’est installé dans les Catskill pour vivre paisiblement et profiter des beautés de la campagne auprès de sa femme Madeleine. Enfin, c’est ce qu’il tente de faire. Et culpabilise de ne pas réussir à faire. Car policier dans l’âme, enquêteur réputé, on vient encore le chercher à l’occasion de cas particulièrement difficiles à résoudre.

Et c’est ce qui se produit à nouveau pour une affaire vieille de quatre mois.

La victime ? Jillian Perry, une jeune femme d’une vingtaine d’années, décapitée le jour de son mariage.

Le suspect ? Hector Flores, le jardinier espagnol qui aussitôt le crime commis s’est évaporé dans la nature.

Depuis quatre mois l’enquête n’a pas progressé d’un pouce. La mère de Jillian demande à Gurney de tout faire pour retrouver Hector Flores, et peu importe ce que cela coûtera. L’argent n’est pas un problème pour cette famille richissime.

Reprenant les éléments du dossier, Gurney va démonter une à une les certitudes des policiers ayant déjà travaillé sur cette affaire.

Ses observations contredisent les déductions faites soit à partir des vidéos prises le jour du mariage, soit à partir de l’interrogatoire des témoins. La jeune mariée n’était pas une oie blanche, loin de là. Scott Ashton, son futur et désormais ex époux, psychiatre dirigeant l’école spécialisée où elle était prise en charge pour un lourd passé de prédatrice sexuelle, a des méthodes de travail peu orthodoxes. Hector Flores a une histoire bien surprenante pour un simple jardinier.

Et ce n’est que le début.

Car chaque point considéré comme évident s’effondre dès qu’on y regarde de plus près.

Pour révéler peu à peu une vérité aussi effroyable que sordide.

  Ce qui amena Gurney à se demander : existe-t-il vraiment des éléments accidentels ?

Il n’est pas si fréquent de lire un roman où aucune partie n’est traitée au détriment d’une autre.

Les personnages, quels qu’ils soient, sont particulièrement bien campés, et tout en suivant le fil conducteur qu’est Dave Gurney, ses réflexions, son enquête, on découvre un homme non exempt de faiblesses, mais terriblement humain et attachant. Il sait être mordant, comme il sait être tendre. Il se fourvoie, parfois, mais il réfléchit, toujours.

L’auteur dépeint avec finesse et justesse les liens entre Dave et Madeleine, si différents et pourtant si complémentaires, et même si ce dernier personnage pourrait sembler être en demi-teinte, on comprend vite la force qu’il donne au couple.

Oui, vraiment, la psychologie des personnages est un des éléments forts de ce roman.

Mais il faut mettre sur le même plan la progression de l’enquête, qui est parfaitement maîtrisée et riche en surprises. Ici l’auteur fait la part belle à l’analyse, aux capacités de déductions, à l’intelligence (quel bonheur !).

Le lecteur s’interroge tout en découvrant de nouvelles pièces du puzzle, et c’est un réel plaisir de sentir nos petites cellules grises, si chères à Hercule Poirot, être mises à rude épreuve.

Sans compter l’intrigue elle-même qui aurait pu tomber dans le piège du glauque et du voyeurisme, ou de la surenchère d’hémoglobine comme pour hélas nombre de thrillers. Ce qui n’est absolument pas le cas.

C’est beaucoup, beaucoup plus subtil, et beaucoup plus effrayant finalement.

La tension va crescendo, on hésite entre lire très vite pour avoir le mot de la fin, et prendre son temps pour savourer chaque paragraphe, car n’oublions pas la qualité d’écriture qui est incontestable.

Quant aux dialogues, aucune fausse note : parfois non dénués d’humour mais jamais de réalisme, ils collent parfaitement aux personnages.

Est-il besoin de parler des lieux et des paysages qui contribuent eux aussi à la réussite de ce roman dans lequel chaque détail semble minutieusement pensé ?

Bref, un très, très bon roman, que je vous conseille plus que vivement de lire sans tarder.

Pour ceux qui s’inquièteraient en pensant qu’il faut avoir lu « 658 », le premier roman de John Verdon, pour aborder ce deuxième ouvrage : qu’ils se rassurent. Ce n’est pas indispensable à la compréhension ni à l’appréciation de « N’ouvre pas les yeux ».

Je n’ai pas lu « 658 ».

Mais maintenant j’ai très envie de le faire dès que possible !

Christine, (Blog : Bibliofractale)

La chronique d’Albertine sur N’ouvre pas les yeux.

La chronique de Jacques sur N’ouvre pas les yeux.

N’ouvre pas les yeux
John VERDON
Traduction de Philippe Bonnet et Sabine Boulongne
Grasset (Thriller)
567 pages, 21,50 euros

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