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17/12/2010

Né de fils inconnu, de Patrick Raynal

nedefilsinconnu.jpg Matas était maoïste à la fac de lettres de Nice dans les années soixante-dix. Le monde ayant opposé aux changements révolutionnaires qu’il souhaitait une résistance aussi farouche que peu compréhensible par les militants de l’époque, il est donc entré dans la police pour torpiller le système de l’intérieur. La vie quotidienne, la routine de son travail, l’usure de la vie l’ont peu à peu changé en même temps que le monde autour de lui changeait aussi, par vagues successives. Quel regard porte-t-il sur l’adolescent qu’il a été ? Comment le juge-t-il ? Se juge-t-il aujourd’hui à l’aune de ses convictions d’hier ? Le cynisme désabusé est-il la conséquence obligée de la lucidité sur soi-même ?

Devenu commissaire à Nice, Matas apprend qu’il est le père d’un fils de vingt-trois ans qui a décidé de poursuivre l’action politique d’un père qu’il ne connait que de réputation mais qu’il admire sans doute. Il le fait à sa façon : par des braquages sanglants. Ce fils inconnu renvoie à Matas l’image violente de l’adolescent qu’il a été et dont il ne s’est jamais totalement séparé.

 

Personnage déjanté, charismatique, ne suivant que ses propres règles, Matas semble plier selon sa volonté le monde qui l’entoure, comme s’il prenait une revanche sur ses rêves inaboutis de révolution romantique. Il n’hésite pas à tuer pour sauver ce fils qu’il ne connaît pas, ce fils lui renvoyant l’image si troublante de celui qu’il fut, ces meurtres étant à la fois un règlement de comptes avec son passé et moyen de renaître et de se recréer, de devenir ainsi celui qu’il rêvait d’être, ce personnage « né de fils inconnu » capable d’aller jusqu’au bout de ses idées.

Né de fils inconnu est un vrai polar noir, aussi noir que les années de jeunesse d’un narrateur qui se sentait assez fort pour changer un monde qu’il ne voyait , bien sûr, qu’en noir et blanc. Sa jeunesse, où l’espoir était si violent et les rêves si fous, où les passions de la vie l’exaltaient, l’écorchaient et le broyaient, où les idées étaient pour lui un refuge lui permettant de se protéger des passions, le narrateur ne pouvait s’imaginer la voir s’achever un jour.

C’est un roman sur la vie qui passe et qui écrase nos rêves d’adolescence comme le ferait un rouleau compresseur. Elle passe et nous transforme insensiblement, jour après jour, sans qu’on y prenne garde. Nous nous retournons et voyons derrière nous un adolescent que nous ne connaissons plus mais que nous pouvons aimer encore, ou bien détester définitivement.

Faut-il garder intacts ses idéaux d’adolescence ? Considérer que leur reniement est une trahison de celui que l’on a été et donc refuser tout changement ? Ou bien, puisque le monde, la maturité, les rencontres doivent nous changer quoique nous fassions, admettre que ces idéaux n’ont que peu d’importance puisque de toute façon celui qui arrivera au bout de la course n’aura plus rien à voir avec le jeune garçon ou la jeune fille qu’il fût ?

Matas, au fil de ses rencontres, retrouve le monde qu’il avait laissé vingt-cinq ans plus tôt avec son cortège d’ amis, d’ennemis, de traitres, de militants enthousiastes et d’amours légères qui ont pourtant imprégné sa mémoire. Les questions qu'il porte à travers le roman ne sont jamais posées de façon explicite et brutale, mais le lecteur, en suivant son cheminement, se les pose pour lui.

Patrick Raynal admirateur et grand connaisseur qu’il est des romans noirs américains, s’inscrit directement dans leur lignée. Son écriture s’adapte totalement à son projet : drue, dense, pleine de trouvailles, il joue et jouit avec les mots. Voici un passage dans lequel il parle de la rue de France, que tous les niçois connaissent forcément :

 

 

                                                                                        J.T.


Editeur : LGF - Livre de Poche (1 décembre 1997)
Collection : Thrillers
Prix : 7 €

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